Chaque semaine sur euradio, Perspective Europe, l'association du master "Affaires européennes" de Sciences Po Bordeaux, revient sur l'actualité bruxelloise et européenne.
Alors Fanny, dites-moi : quoi de neuf en Europe ?
En ce moment, l’actualité se dématérialise et c’est en ligne que les piques volent. Sur le réseau X, les sorties médiatiques d’Elon Musk agacent les dirigeants européens. Après avoir traité le chancelier allemand, Olaf Scholz, « d’imbécile incompétent » suite à l’attentat du marché de Noël de Magdebourg, le patron de Tesla s’en est pris au Premier ministre britannique Keir Starmer.
Mais ce n’est pas un scoop, les personnalités médiatiques s’invectivent régulièrement sur X.
Effectivement, mais cela va cette fois plus loin que de simples attaques ad hominem. En pleine campagne électorale allemande, Elon Musk a diffusé sur X jeudi dernier un entretien avec Alice Weidel, co-présidente du parti d’extrême droite allemand Alternative für Deutschland. Qu’il soutient sans se cacher. Mais quand on est le propriétaire d’un des plus gros réseaux sociaux du monde, on peut se questionner sur la légalité de ces interventions.
J’ai justement entendu dire qu’une enquête avait déjà été ouverte à ce sujet.
C’est bien ça Laurence. La Commission européenne avait déjà lancé une procédure d’enquête contre X relative à une possible violation du règlement DSA sur les services numériques en décembre 2023. Cette enquête suit son cours mais l’imminence des élections allemandes pourrait accélérer les choses.
Comment ça ?
Eh bien, cette semaine, l’eurodéputé allemand Damian Boeselager a envoyé une lettre à Henna Virkkunen, commissaire chargée de la souveraineté technologique, de la sécurité et de la démocratie, pour lui faire part de ses doutes sur la conformité de l’algorithme de X aux exigences de transparence du DSA et demander une vérification de la légalité des interventions d’Elon Musk. Une rencontre a été annoncée pour le 24 janvier entre la Commission, le régulateur allemand et les grandes plateformes du numériques. L’objectif : mettre fin aux ingérences et faire respecter le DSA.
Mais qu’est-ce que c’est exactement que ce fameux règlement DSA ?
Alors DSA, c’est l’acronyme de Digital Services Act. C’est un règlement sur les services numériques adopté en 2022 qui vise à lutter contre la propagation de contenu illicite en ligne. Il a notamment été élaboré par les commissaires Margrethe Vestager et Thierry Breton, deux membres de l’ancienne Commission Von der Leyen. Ce règlement a introduit de nouvelles obligations de modération et de transparence sur les réseaux sociaux. Ce sont ces règles qui sont actuellement bafouées par X.
Je comprends mieux. En clair, les déclarations d’Elon Musk pourraient être illégales vis-à-vis de la législation européenne ?
C’est exactement ça. Mais l’enjeu est bien plus grand qu’une simple question de modération de contenu. Il s’agirait plutôt d’une instrumentalisation de l’algorithme de X à des fins d’influence de la politique européenne. Alors que Marck Zuckerberg a annoncé abandonner la pratique du fact-checking aux Etats-Unis sous couvert de liberté d’expression, Elon Musk envoie lui-aussi un message inquiétant. On repense à Cambridge Analytica. C’est à se demander si les réseaux sociaux ne se transformeraient pas en tribune politique pour les populistes et leurs soutiens.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.