Chaque semaine, la série de podcasts "L'Europe vue de Bruges" propose, sur euradio, un éclairage original sur l’actualité européenne, vue depuis Bruges.
Floriane Chassain est étudiante au sein du Master en Études Politiques et de Gouvernance Européennes au Collège d’Europe. Elle est diplômée d’un Master 2 en Droit des Affaires Européen et International ainsi que du Magistère Juriste d’Affaires Européen de l’Université de Nancy. Elle a également étudié à l’Université d’Édimbourg et à l’Université Charles de Prague. Dans le cadre de ses études, elle a écrit un mémoire sur l’information et la protection des consommateurs dans le cadre de la politique de sécurité alimentaire de l’Union Européenne.
Dans le cadre de sa stratégie « Farm to fork », la Commission européenne s’était engagée en 2020 à présenter un logo nutritionnel obligatoire et harmonisé dans le but d’aider les consommateur·rices à faire des choix alimentaires éclairés. Cependant, ce projet ne semble plus être à l’ordre du jour…
Effectivement, ce sujet ne figurait plus à l’agenda pour la fin de l’année 2023 et les élections européennes approchant, l’espoir de voir réapparaitre ce projet semble très mince.
Un rapport de la BEUC (Bureau européen des unions de consommateurs) intitulé « L’étiquetage nutritionnel pris en embuscade : comment le lobbying intense de l’industrie a stoppé les projets de l’UE » a explicité les raisons de ce retour en arrière par la Commission.
Dans ce rapport, sont notamment pointés du doigt les lobbys du secteur agro-alimentaire, et en particulier les lobbys italiens. En effet, un recours massif à la désinformation a été utilisé afin de disqualifier tout type de logo nutritionnel. Par exemple selon certains, l’usage de ce type d’instrument serait le résultat d’un complot de l’Europe contre les produits made in Italy. Des « No Nutriscore alliance » ont même été créées afin d’intensifier cet effort de lobby.
Finalement, une convergence inattendue entre les producteurs de junk food et ceux de produits d’excellence s’est observée et a réussi à faire pression sur les décideur·euses européen·nes. L’enjeu de santé publique ne semble donc pas avoir fait le poids face aux intérêts économiques du secteur agro-alimentaire.
Pourtant, ce logo était soutenu par une large majorité de scientifiques
Oui et pas seulement. Une consultation publique avait été lancée par la Commission entre décembre 2021 et mars 2022. Le résultat avait montré qu’une large part des organisations de consommateur·rices, des ONG, les citoyen·nes et les autorités de santé publique étaient en faveur de cette initiative.
Aussi, de très nombreuses études scientifiques ont été réalisées (notamment par le Centre commun de recherche européen – JRC) et ont démontré l’efficacité d’un tel logo pour aider les consommateur·rices à orienter leur choix vers des aliments de meilleure qualité nutritionnelle et donc plus favorables à leur santé. À noter qu’une initiative citoyenne européenne intitulée «PRO-NUTRISCORE» demandant à la Commission d’imposer l’étiquetage simplifié Nutri-score sur les produits alimentaires a été enregistrée le 8 mai 2019.
Et sur quel modèle devait s’appuyer ce logo nutritionnel ?
C’est bien là l’enjeu. Plusieurs pays européens ont déjà adopté le modèle type « Nutri-score » comme la Belgique, la France ou l’Espagne. Avec ce logo, les produits sont classés sur une échelle de cinq couleurs : de catégorie A, figurée en vert, à la catégorie E, en orange foncé. Cet étiquetage facilite la comparaison entre les produits alimentaires et informe rapidement les consommateur·rices sur la qualité des produits.
Mais, il convient aussi de souligner que de nombreuses critiques font rage à son égard. C’est pourquoi, en France, à partir de janvier 2024, ce logo va être progressivement durci via la mise en place de nouveaux critères. Ces changements conduiront à l’abaissement du Nutri-score pour certains produits ce qui ne satisfait pas forcément les industriels.
Toutefois, d’autres systèmes parallèles existent, comme en Italie, où les autorités ont choisi le système du Nutrinform.
Lorsque le sujet sera à nouveau débattu, un arbitrage s’imposera donc afin de choisir un seul logo nutritionnel.
Malgré l’échec de la mise en place d’un étiquetage nutritionnel harmonisé, d’autres espoirs sont-ils attendus pour informer et protéger les consommateur·rices concernant les produits alimentaires ?
Oui ! Le 12 décembre dernier les eurodéputé·es ont voté en faveur d’une information plus précise sur les étiquettes de certains produits alimentaires. Ce vote concerne principalement une mise à jour des directives dites « petit-déjeuner ». Si ces améliorations sont votées par le Conseil, elles permettront d’apporter une meilleure information au consommateur sur la composition des produits mais aussi d’obliger les producteurs à un étiquetage plus clair et des dénominations moins trompeuses sur les denrées.