Chaque semaine, la série de podcasts "L'Europe vue de Bruges" propose un éclairage original sur l’actualité européenne, vue depuis Bruges. Les intervenant·es sont des étudiant·es de la promotion David Sassoli (2022-2023), des Assistant·es académiques et, plus ponctuellement, des professeur·es.
David est un étudiant franco-portugais du master POL au Collège d’Europe. Ayant fait un double master entre SciencesPo Bordeaux et l’Université de Coimbra, en Sciences politiques et Relations internationales, il s’est spécialisé sur les questions européennes à Bruges, avant d’entamer un stage à la Commission Européenne.
Les jeunes européens se sont-ils informés et mobilisés lors de ces élections ?
Pas vraiment, les différents sondages prédisaient qu’un nombre très faible de jeunes allait voter, 3 sur 10 en France, qui s’est finalement vérifié dans les urnes avec un taux de participation de 53% chez les 18-24 ans de 53%. Une tendance accentuée chez les 25-34 ans où plus d’un électeur sur deux ne s’est pas déplacé, similaire à la part de jeunes déclarant ne pas comprendre les enjeux de cette élection. Il y a pourtant eu une volonté de l’UE et de la Commission, de communiquer, humaniser et rapprocher géographiquement ces élections avec des spots publicitaires sur les réseaux sociaux, des vidéos sensibilisant les jeunes aux risques de l’abstention et des extrêmes, mais cette élection, et l’Europe en général, paraît être toujours lointaine et difficile à cerner pour les européens, et notamment les jeunes. Si en 2019, la participation des plus jeunes avait augmenté passant de 28% en 2014 à 42%, cela s’était fait grâce à un débat qui s’était ouvert à leurs préoccupations et inquiétudes, notamment écologiques.
Aujourd’hui, après un mandat qui a connu plusieurs crises, qui ont ralenti la mise en place du Green Deal et de certains de ses objectifs ambitieux, la question écologique a chuté dans le temps accordé dans les débats pour ces élections, tout comme les prévisions de participation dans la tranche des 18-26 ans. Il y a une part de déception chez les jeunes qui estiment que l’UE, et notamment les partis les plus au centre au niveau national et européen, n’ont pas été capables de tenir les ambitions fixées par l’UE.
Ceci dit, l’abaissement de l’âge de vote dans certains états avait pour but de faire progresser la participation, non ?
Oui, tout à fait. Cette année, de nombreux jeunes sont allés voter pour la 1ère fois bien avant ce qu’ils avaient espéré, puisqu’en Belgique et en Allemagne il est possible de voter pour les européennes dès 16 ans, en plus de l’Autriche et de Malte où cela existait déjà. Cela a pour conséquence de faire de ce public, parfois mal informé sur les enjeux du vote, la cible privilégiée des partis aux extrêmes, qui accentuent leur présence sur de nombreux réseaux sociaux tels que tiktok ou instagram, avec une communication très intense et qui se focalise sur un nombre d’aspects limités. En Grèce aussi l’âge de voter est abaissé à 17 ans pour inclure les enjeux de cette génération d’avenir, qui revendique des inquiétudes plus sociales et des préoccupations envers la santé publique, l’éducation ou encore l’environnement, qui est d’ailleurs la préoccupation n°1 chez les jeunes.
Les leaders des extrêmes dans ces pays, comptent énormément sur ce nouveau public, plus facile à convaincre en raison de son inexpérience de l’acte électoral, mais aussi de la simplicité et du faible coût à débourser pour atteindre leur cible.
Comment la faible participation, notamment chez les jeunes, profite-t-elle aux partis aux extrêmes, notamment l’extrême-droite ?
Partout en Europe les partis d’extrême droite atteignent des scores inédits pour des européennes. Il n’y a qu’à regarder l’AFD, en Allemagne, le RN en France, ou encore l’Italie avec le parti de G.Meloni. Cette tendance s’observe dans quasiment tous les pays européens, à l’image de la Roumanie où le parti nationaliste fondé en 2020 a énormément gagné en popularité et a atteint les 15%. Cela se doit à la forte capacité mobilisatrice de cet électorat, observée notamment lors des législatives portugaises en mars de cette année, qui avaient poussé au vote des gens de toutes tranches d’âges qui n’avaient pas l’habitude de s’exprimer dans les urnes. Ce public à qui l’on répète à longueur de journée que tout ce qui ne fonctionne pas dans leurs pays est la faute de l’UE, en opposition aux succès fruits d’une politique nationale exclusivement bénéfique pour leur situation, voit ainsi dans les élections du weekend dernier la possibilité de manifester un mécontentement envers l’UE qu’ils estiment légitime. Cette désinformation, très présente sur les réseaux sociaux atteint donc plus facilement un public plus jeune, qui se voit attribuer le droit de vote dans un contexte de banalisation des idées d’extrême-droite, normalisées au sein du débat public.