Chaque semaine, Lyudmyla Tautiyeva nous propose un aperçu de ce qu'il se passe aux frontières de l'Union européenne, traitant de sujets divers tels que la gouvernance, l’entreprenariat, ou encore l'innovation.
La semaine dernière, de grandes manifestations ont eu lieu à Tbilissi, la capitale de la Géorgie. Le gouvernement a tenté de réprimer violemment les manifestations . Quelle est la raison principale de ces manifestations?
Jeudi dernier, des milliers de géorgiens se sont rassemblés devant le Parlement à Tbilissi, suite à l’annonce du Premier Ministre, Irakli Kobakhidze, concernant la suspension des négociations pour l’adhésion de la Géorgie à l’Union européenne jusque’en 2028.
Plus encore, Irakli Kobakhidze a annoncé que son gouvernement n’accepterait plus de subventions de la part de Bruxelles, ce qui aurait des conséquences économiques et sociales majeures pour le pays.
La décision du gouvernement intervient après les élections législatives d’octobre dernier, où le parti pro-Russie, Le Rêve Géorgien, a obtenu la majorité des sièges du Parlement.
Les résultats de ces élections ont été contestés par l’opposition, ainsi que par la Présidente géorgienne, Salomé Zurabishvili, en vue des nombreux cas de violations et ingérences russes documentées. Les partenaires occidentaux de la Géorgie ont aussi réagi à ce recul démocratique dans le pays en suspendant une aide financière de 121 millions d’euros, ainsi que le partenariat stratégique avec les États-Unis.
Est-ce que l’opposition géorgienne est à l’origine de ces manifestations ?
L’opposition a appelé à manifester contre les décisions anti-européennes du gouvernement, mais il y avait déjà, depuis les élections législatives d’octobre dernier, un profond mécontentement de la population qui voyait son pays s’éloigner de l’Union européenne.
Les résultats des élections législatives, et donc le Parlement actuel, sont considérés illégitimes par la majorité de la population ainsi que par la Présidente. Salomé Zurabishvili s’est alors jointe aux manifestant jeudi dernier, devant le bâtiment du Parlement et a promis de rester dans ses fonctions tant que de nouvelles élections n’avaient pas lieu.
La Géorgie étant un régime parlementaire, c’est le Parlement qui élit le ou la Président.e. Le vote de celui-ci serait prévu d’ici quelques mois. En attendant, Salomé Zurabishvili est censée terminer son mandat fin décembre.
Le nouveau parti au pouvoir Le Rêve Géorgien, conteste les dires de la Présidente et lui à déjà trouvé un successeur. Il s’agit d’un ancien joueur de Foot, Mikheil Kavelashvili, fondateur du parti eurosceptique La force du peuple. C’est d’ailleurs ce parti qui a introduit la loi des « agents étrangers », visant directement la société civile pro-européenne. Déjà des manifestations populaires avaient éclatés sur ce sujet l’été dernier.
Quelle est l'importance de ces manifestations ? Est-ce qu'elles continuent encore ?
Les manifestations ont commencé jeudi dernier et n’ont pas cessé jusqu’à aujourd’hui dans la capitale. Les images de plusieurs milliers de manifestants portant des drapeaux de la Géorgie et de l’Union européenne font le tour du monde vu l’ampleur du mouvement pour un pays de 4 millions d’habitants.
Dans la nuit du dimanche 1er décembre, les forces de l’ordre géorgiennes ont tenté d’étouffer cette contestation en utilisant des jets d’eaux et du gaz lacrymogène, mais aussi et surtout, la violence envers manifestants et journalistes. Ceux-ci ont alors répondu par l’utilisation de lasers et de feux d’artifice contre la police, d’où le nouveau nom de cette manifestation : La Révolution des feux d’artifice.
Depuis le lundi 2 décembre, plusieurs étudiants ont annoncé le boycott de leurs établissements, et sont venus se joindre aux manifestations. Les manifestant sont donc toujours là, malgré les espérances du gouvernement.
On a aussi vu des drapeaux ukrainiens dans ces manifestations. Les Géorgiens les brandissent-ils par solidarité, aux côtés de leur drapeau national et de celui de l’Union européenne ?
Ces images de manifestations en Géorgie rappellent les manifestations qui se sont déroulées à Kiev en Ukraine en 2014, connues sous le nom de Révolution de la dignité. Ce sont ces manifestations qui ont provoqué la chute du Président et de son gouvernement pro-russe, après que celui-ci ait essayé de suspendre l’intégration de l’Ukraine à l’Union européenne.
Cette révolution de 2014 a été marquées par des violences policières et l’utilisation d’armes à feu, résultant en une centaine de morts du côté des manifestants, ainsi que plusieurs blessés et disparus. Le peuple ukrainien a donc montré qu’il est possible de se débarrasser du pouvoir en place s’il celui-ci va à l’encontre du peuple. C’est un exemple auquel les géorgiens s’accrochent dans leur bras de fer.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.