Chaque mercredi sur euradio, Patricia Solini nous partage sa passion pour la culture contemporaine sous toutes ses formes. Théâtre, danse, littérature, peinture... À consommer sans modération !
Après
le Macro de Rome, c’est du MAXXI dont vous souhaitez nous parler,
c’est toujours de l’art contemporain et c’est toujours à Rome.
Le MAXXI, le musée national des arts, a été inauguré en mai 2010, à la même date que l’extension du Macro, mais c’est en blanc et noir qu’il se décline et il y est question d’art et d’architecture contemporaines. C’est aussi une femme qui a imaginé ce vaisseau lumineux, Zaha Hadid, architecte anglo-irakienne, hélas décédée trop tôt en 2016. Comme une grosse couleuvre, le nouveau musée déplie ses espaces desservis par une immense passerelle noire comme suspendue dans le vide. C’est majestueux ! Les parcours s’entrecroisent et nous emmènent à la découverte des galeries toutes baignées de lumière naturelle. Quel bonheur de pouvoir bien voir les œuvres ! L’ensemble est évidemment copieux, quelques 10 000 mètres carrés sont dédiés aux surfaces d’exposition, soit 5 fois plus que le Musée d’arts de Nantes par exemple.
Ce qui signifie une collection conséquente et des expositions temporaires également copieuses. Qu’avez-vous donc retenu de ce MAXXI ?
Bien que l’ayant découverte en juillet 2019, ce fut un grand plaisir de revoir cette architecture ouverte et poreuse avec l’extérieur, mais j’avais repéré en priorité l’exposition de l’artiste italien Enzo Cucchi, intitulée « Le Poète et le Magicien » et je ne fus pas déçue.
Enzo Cucchi est un artiste âgé aujourd’hui de 73 ans qui faisait partie d’un groupe d’artistes italiens en réaction contre la fin proclamée de la peinture et la gloire toute puissante de l’art conceptuel et minimaliste. Ça se passait au début des années 80. Le critique d’art italien Achille Bonito Oliva les avait rassemblés autour du terme « Transavanguardia » (Transavangarde), c’est-à-dire « après l’avant-garde ». Les plus connus s’appellent Sandro Chia, Francesco Clemente, Mimmo Paladino, Enzo Cucchi. Ils défendent un retour à la figuration et à la subjectivité de l’artiste, liés en cela au revival international de la peinture expressionniste. Mais attention une peinture non conformiste, libérée des modèles et de la cohérence technique ou formelle.
Et donc cette exposition du Poète et du Magicien Enzo Cucchi, quelle forme prend-elle ?
Cette exposition s’est avérée incroyablement vivante. Ainsi sa forme, rien à voir avec une rétrospective didactique linéaire, ici les œuvres des vingt dernières années sont mêlées et s’interpellent. Des peintures monumentales, des dessins encadrés, des petits bronzes peints, ses éditions d’artistes, ses livres à lui, sources d’inspiration comme la Bible, la Divine comédie de Dante, etc. Et tout cela est suspendu au plafond ou posé sur des socles de toutes dimensions, pas forcément rectangulaires ou carrés, des tables pointues ou des cimaises en forme de maison, des estrades, donc une présentation dynamique et non-conventionnelle obligeant le visiteur à se pencher, se retourner, lever les yeux, à être tonique.
Et que racontent les œuvres de Enzo Cucchi ?
Il faut se laisser porter et emporter par une imagerie de signes, de symboles, des associations énigmatiques. Tout un vocabulaire visuel d’animaux et de personnages, des croix, des chiffres, des mots, des têtes de morts, des barques, des maisons, des spirales, des visages, et des références littéraires ou picturales, tout cela s’accorde, s’emmêle les pinceaux, créant des scènes fantasmées, très colorées. La liberté d’association des images et des matériaux, comme des fragments de bronzes peints accolés à la peinture, donne un sentiment de légèreté, d’infini des possibles et donc d’une vitalité qui vous prend et vous transporte.
C’est une véritable rencontre avec un grand artiste. Quelle richesse, quelle inventivité plastique, on sort de cette exposition ragaillardi et ouvert à la vie. C’est peut-être en cela que l’artiste est un magicien, quand ses œuvres, qui ne sont que de la toile, du papier ou de la pierre, avec des signes et des couleurs dans un certain ordre assemblé, vous touchent et vous émeuvent. Elles vous remplissent d’un bonheur indicible et encore une fois vous vous accordez avec les mots de Robert Filliou, artiste français : « L’art, c’est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art ».
Cette exposition est malheureusement terminée mais on peut toujours visionner le film de présentation de « Il poeta e il mago » sur le site web du MAXXI.
Et il y a toujours les collections et autres événements. Et notamment toute la partie dédiée à l’architecture contemporaine, passionnante.
A visiter le Maxxi musée national des arts de Rome, rassemblant deux musées : art et architecture contemporaines.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.