À voir et à goûter

Brahma, Vishnou, Shiva, Parvati et les autres. En visite commentée

Brahma, Vishnou, Shiva, Parvati et les autres. En visite commentée

Chaque mercredi sur euradio, Patricia Solini nous partage sa passion pour la culture contemporaine sous toutes ses formes. Théâtre, danse, littérature, peinture... À consommer sans modération !

Vous avez passé un dimanche en belle compagnie, Brahma, Vishnou, Shiva, Parvati et bien d’autres au Château des Ducs de Bretagne à Nantes, racontez-nous.

Ce n’était pas vraiment l’été indien en ce dimanche glacial, au ciel bleu vif et au vent non moins vif, soufflant au moins de Sibérie ! Mais l’immersion dans l’exposition « Inde. Reflets de mondes sacrés » nous emporta loin de tout dans les récits des trois grandes religions originelles de ce vaste sous-continent qu’est l’Inde, aussi grand que notre Europe. Il s’agit de l’hindouisme, du bouddhisme et du jaïnisme. Aidés par une médiatrice de grande qualité et une scénographie colorée et bien structurée, nous surmontâmes en groupe, les écueils de la complexité du sujet illustré par plus de 200 objets originaux.

D’où viennent ces objets et quelle est la relation entre l’Inde, Nantes et son château ?

Déjà l’été 2022 le Château des ducs nous avait ravis avec les merveilleuses photographies indiennes de Charles Fréger. Des masques, des costumes, des maquillages absolument incroyables, fabriqués et portés par des gens ordinaires incarnant pour leur communauté des divinités hindouistes ou bouddhistes. Bref un répertoire de singularités à l’opposé d’un monde globalisé et uniformisé qu’on veut nous vendre.

Et puis la relation avec Nantes, c’est l’ouverture à l’Inde et à sa place économique dans la traite atlantique, sujet de référence du musée d’histoire de Nantes. Mais comment aborder ce pays immense avec sa richesse, sa pluralité, sa complexité ? Par le biais des religions natives et l’opportunité de la collaboration avec le Museo delle Civiltà à Rome.

En effet les objets et œuvres comme des sculptures de temples, des reliefs, des bronzes, des autels domestiques, des miniatures, des enluminures, des images populaires, etc, prêtés pour l’exposition « Inde. Reflets de mondes sacrés », proviennent des collections du Museo delle Civiltà à Rome. Certains furent découverts et rapportés lors de fouilles effectuées par les missions archéologiques italiennes en Iran, en Afghanistan et au Pakistan au 19e siècle.

Alors Brahma, Vishnou, Shiva, Parvati et les autres, qu’avez-vous appris ?

Je ne vous raconterai pas la vie des quelque 33 millions de divinités du panthéon hindouiste ! Sans remonter aux calendes grecques, ici la religion védique, la religion mère, qui fertilisée par des cultes autochtones liés à la nature, la végétation ou l’eau, a inspiré les trois grandes religions, comme l’ancien testament a précédé le nouveau testament dans le récit du christianisme.

Ainsi, l’hindouisme pratiqué par plus de 90 % des Indiens a aussi sa propre trinité, qu’on appelle Trimürti composé de Brahma, le dieu créateur-démiurge de l’univers à 4 têtes et chevauchant un cygne ; Vishnou, l’homme bleu, le protecteur à 4 bras dont la monture est un oiseau et Shiva, Dieu de la création et de la destruction, grimpant un taureau blanc, c’est l’ascète du trio, il aime aussi danser. Son emblème est le Linga, clairement un phallus, apparu vers 185 avant notre ère. On peut le couvrir d’un cache non par pudibonderie, mais à cause de sa trop grande puissance pour un non-initié !

Quant à son épouse Parvati, déesse de la sagesse, elle se balade sur un tigre. Leur fils le plus connu s’appelle Ganesh, le dieu à tête d’éléphant, à chouchouter si vous avez des problèmes, il peut aider.

Et du côté du jaïnisme ?

Le jaïnisme est beaucoup plus sobre, c’est un homme avec une seule tête et seulement deux bras, en position debout et entièrement nu, il médite quelquefois si longtemps que la végétation lui pousse autour des jambes. Ascète voire jusqu’au-boutiste, c’est-à-dire la mort pour trouver l’illumination. Mais pas d’illumination si vous êtes une femme même très pieuse, il faut repasser par l’état d’homme pour l’atteindre !

Adepte de la non-violence, pas de culte des idoles, un respect de toutes les formes de vie, pas de chair animale, ni produits dérivés, le moine ou la nonne jaïn(e) porte un masque pour ne pas avaler d’insectes ! Il·elle récite des mantras et se nourrit des offrandes. Le fidèle jaïn ne peut être agriculteur, car il pourrait nuire aux espèces en retournant la terre, il est commerçant, voire diamantaire. Il existe à Anvers un temple jaïn transporté pierre par pierre.

Quant au bouddhisme, qu’en avez-vous retenu ?

Bouddha, l’éveillé, attiré un bref moment par le jaïnisme, a préféré une autre voie, la sienne. Né Prince Siddharta vers 550 avant JC, enfermé dans son palais, il en sort quatre fois et découvre la misère humaine en rencontrant un vieillard, un malade, un mort et un moine. À l’âge de 29 ans, il abandonne sa vie de prince pour la méditation, l’ascèse et la vie de religieux errant. Il existe plus d’une trentaine de signes pour l’identifier.

Ce qui m’a plu, c’était la représentation de Bouddha avant celle que tout le monde connaît. Ainsi avant qu’Alexandre le grand ne s’aventure vers l’Inde en 326 avant JC, et n’apporte avec lui sa culture gréco-romaine de la statuaire, Bouddha était pour ainsi dire invisible, on figurait une trace de pas pour signifier sa présence ou mieux sur un cheval avec un parasol sans cavalier visible ! Étonnant !

Sinon évidemment au-delà des représentations figuratives des dieux et divinités populaires, il y est question de spiritualité, du samsàra, de ce cycle sans fin imprégné de douleur et de sa libération par le renoncement au monde au travers de pratiques ascétiques et l’acte de connaissance. Et attention à votre karma où chacun porte en soi les conséquences de son action.

Exposition Inde. Reflets de mondes sacrés visible jusqu’au 23 avril au Château des Ducs de Bretagne à Nantes

L'équipe

Entretien réalisé par Cécile Dauguet.