Chaque mercredi sur euradio, Patricia Solini nous partage sa passion pour la culture contemporaine sous toutes ses formes. Théâtre, danse, littérature, peinture... À consommer sans modération !
Vous nous chantez une chanson ?
Oui celle qui me trotte dans la tête, depuis la visite de l’exposition La vallée de Fabrice Hyber à la Fondation Cartier à Paris.
Dans la vallée oh oh de Dana lalilala
Dans la vallée oh oh j'ai pu entendre les échos
Dans la vallée oh oh de Dana lalilala
Dans la vallée oh oh des chants de guerre près des tombeaux
C’est La tribu de Dana, chanson du groupe Manau qui a fait un tabac à sa sortie en 1998.
Elle nous conte l’histoire d’un survivant devenu roi de la tribu après avoir reconstruit de ses propres mains leur domaine détruit par les envahisseurs en Bretagne armoricaine…
Quel est le rapport avec Fabrice Hyber en dehors du titre « La vallée » ?
Ce n’est pas en Bretagne armoricaine mais en Vendée que l’artiste Fabrice Hyber a reconstruit son domaine avec ses mains, là où il est né, là où il a grandi avec ses parents éleveur·euses de moutons. Il est parti au combat non pas contre une armée de Sumériens mais contre l’agriculture industrielle polluante. Il est parti au combat, non pas le glaive en main, mais en semant depuis les années 1990 plus de 300 000 graines d’arbres, de centaines d’essences différentes qui peuplent sa vallée aujourd’hui.
Et donc c’est un botaniste dans la lignée de Francis Hallé, scientifique, instigateur de l’Association pour une forêt primaire en Europe ?
Même si leurs préoccupations les réunissent et que les dessins botaniques de Francis Hallé sont absolument merveilleux, Fabrice Hyber est avant tout artiste et sa vallée lui sert de matrice pour toute son œuvre plastique principalement exprimée en peinture et en dessins.
« Depuis toujours, je commence par écrire et dessiner pour comprendre, trouver les origines, trouver des possibilités, trouver des solutions, comme dans un laboratoire de recherche ou à l’école » dit-il
Comme au tableau noir, mais sur des toiles de grand, voire très grand format l’Hybermaître d’école, comme je l’appelle, écrit, dessine, peint, scotche, coud, des mots, des chiffres, des flèches, des personnages, des arbres, des virus, des hybridations, des cellules, des cours d’eau, des drapeaux, des fontaines, des poissons, des pommiers produisant des cerises, des sportifs, des chaînes qui enchaînent, des tours de Babel, des membres humains greffés avec des plantes, bref tout un inventaire à la Prévert.
Fabrice Hyber est aussi poète.
À quoi ressemble donc sa peinture ?
Le tout s’anime, circule, s’enroule, déborde dans la couleur et les giclées, dans les traces de pinceaux, les traits de crayon et c’est toute une peinture en mouvement qui vous prend par la main et dans laquelle vous plongez. L’ensemble est ludique et semble léger alors qu’il raconte aussi la guerre, la génétique, le plastique, le sexe, les enjeux écologiques, en somme les préoccupations de notre époque.
Pourquoi l’appelez-vous l’Hybermaître d’école ?
En référence à son exposition Hybermarché créé en 1995 au Musée d’art moderne de la ville de Paris, où le projet consistait à inventorier des objets présents dans son œuvre, les commander et les mettre en rayon et en vente dans l’exposition, car Fabrice Hyber est aussi entrepreneur !
Ici l’artiste se veut didactique, non pas comme un Maître à la Soulages, le peintre de l’Outrenoir, par exemple mais comme le maître d’école d’autrefois.
Comment a-t-il procédé cette fois ?
L’artiste a transformé la Fondation Cartier en école primaire avec préau, chaises et tables d’écolier réparties dans 17 salles. Le public-élève est invité bien sûr à regarder la soixantaine d’œuvres proposées et suivre les méandres des pensées du créateur, mais aussi à l’écouter commenter son travail via des QR codes postés près des toiles ou à assister à des cours divers sur les thématiques abordées par des expert·es, diffusés en podcasts Les Voix de la vallée sur le site de la Fondation Cartier.
Exposition FABRICE HYBER LA VALLEE A voir jusqu’au 30 avril 2023 et à écouter sur le site de la Fondation Cartier.
Entretien réalisé par Cécile Dauguet.