À voir et à goûter

Chantal Loriot-Melia, paysagiste de la lumière

Chantal Loriot-Melia, paysagiste de la lumière

Chaque mercredi sur euradio, Patricia Solini nous partage sa passion pour la culture contemporaine sous toutes ses formes. Théâtre, danse, littérature, peinture... À consommer sans modération !


Vous êtes allée cette fois inaugurer une exposition dans les vignobles nantais, racontez-nous.

Par un samedi très ensoleillé, direction les vignobles au sud de Nantes à Vertou pour aller à la rencontre de l’art et du (bon) vin. Une combinatoire réjouissante que le Domaine des Trois Toits propose pour la quatrième année consécutive.

L’originalité de la démarche est d’inviter un·e artiste à investir leur lieu de travail, et non pas une galerie ou un espace dédié, ici en l’occurrence le chai où sont conservés sous la dalle les barriques de vin. Chantal Loriot-Melia en a occulté toutes les ouvertures car c’est dans l’ombre que ses œuvres se voient.

Nous passons donc de la lumière du soleil aux ombres fabriquées, du monde du travail du vin, à un univers magique où l’artiste a escamoté le réel.

Qui est donc cette artiste Chantal Loriot-Melia ?

Chantal Loriot -Melia est loin d’être une inconnue dans le monde de l’art contemporain. Depuis 1992, avec son compagnon François Loriot, les artistes produisaient une œuvre à quatre mains, passionnés par les heureux hasards de la lumière dévoilant des images inédites pour peu qu’on l’aide, la lumière, à jouer avec des formes trouvées ou bricolées, comme des emballages plastiques ou un verre sale. Comme l’écrit joliment Vincent Rousseau, conservateur en chef du patrimoine, en parlant de Loriot & Melia : ce sont « …des petits receleurs du quotidien qui devinent en la chose la plus banale son potentiel évocateur. ».

Depuis 2014 et la disparition de son compagnon, Chantal Loriot-Melia poursuit son cheminement artistique en s’attachant au paysage, avec la photographie, cette technique qui permet de fixer les images grâce à la lumière et un rétroéclairage, qui l’éclaire par l’arrière. Il s’agit donc toujours de la même fascination pour la lumière, qui rend visible le monde réel.

Et que voit-on dans ce chai obscur ?

D’abord, quelques pièces anciennes, humoristiques ou poétiques du duo, où juste depuis la lumière d’une ampoule, traversant un emballage plastique, naissent des images comme celle d’une tronçonneuse, accompagnée par un dessin au crayon d’un gros pouce tranché, intitulée « L’instrument a été placé sous scellé ». Comme le début d’un scénario de polar.

Ou celle d’un bateau qui passe à la télé, figurée par les boutons dessinés du récepteur, intitulé « Une pâle vedette du petit écran ». Jeu d’images, jeu de mots.

Ou encore sur le dessin au crayon d’un aéroplane, l’éclairage passant à travers les parois salies d’un verre en mouvement, projette les nuages qui s’amoncellent sur le petit avion. Ces nuages, ces merveilleux nuages disait Baudelaire.

Et on y voit bien sûr des œuvres personnelles de Chantal Loriot-Melia, qui ne manque pas d’humour en intitulant « Un mètre 65 de grands maîtres », ligne d’horizon lumineuse composée de toutes petites photographies de tableaux de peintres du paysage anciens. C’est sa taille à elle mesurée à l’aune de la peinture de paysage, genre pictural figuratif qui se constitue au 17e siècle dans le nord de l’Europe.

Peut-être comme un hommage aux artistes qui l’ont précédée dans sa quête naturiste ?

Elle présente également des tirages photographiques dans des caissons lumineux, toujours relatifs au paysage, qu’il soit inversé, reflet ou reflétant la rivière, ou au sol, comme cette flaque sur des gravillons.

Enfin deux grandes et belles photographies de bord de Sèvre alors couverte de lentilles vertes, tirées sur plaque de verre, se font impressionnistes, transparentes, atmosphériques, participant encore une fois à cet émerveillement de l’artiste devant la lumière et sa faculté à créer d’autres mondes.

Outre cette belle rencontre, êtes-vous rentrée avec du bon vin ?

Bien sûr ce fut l’occasion d’acheter une caisse de Muscadet Sèvre et Maine sur lie et hélas pas de leur délicieux jus de raisin pétillant en rupture de stocks. Je précise que je n’ai pas été sponsorisée par le domaine viticole.

À découvrir jusqu’au 9 juillet l’exposition : Chantal Loriot-Mélia, Vice de formes

Domaine les Trois Toits, 51 rue du Champ de Pie, 44120 Vertou

Renseignements au 06 35 37 76 63 pour les visites avec l’artiste sur RDV.

Entretien réalisé par Laurence Aubron.