Vous voulez nous parler de la galerie des oubliés à Nantes, celle des artistes perdus de vue, dîtes-vous, qui sont-ils ?
Dans un bel immeuble 19ème du centre ville de Nantes, la galerie des oubliés est celle des artistes perdus de vue non pas par l’art car leur travail est remarquable mais par la notoriété, par le marché de l’art, par les institutions. Ce sont des artistes laissés pour compte du milieu artistique même si certains ont connu la gloire éphémère à leur époque. Ce sont des artistes des années 30 aux années 80, c’est-à-dire du milieu du XXème siècle qui intéressent les fondateurs de la galerie des oubliés, Léopold Cottineau associé à Izabeau Jousse sa mère artiste.
Pourquoi ces artistes ont-ils été délaissés ?
Recontextualisons. Il est très difficile pour un artiste de ces années-là d’être visible s’il n’est pas connu de marchands et donc de collectionneurs, loin de Paris par exemple, et qu’il ne bénéficie pas de la promotion de son oeuvre, on dirait communication aujourd’hui, c’est un métier en soi et il n’existe ni instagram, ni facebook, ni autre réseau social. L’artiste esseulé ne peut guère vivre de son œuvre et encore moins connaître une renommée certaine. D’autres ont été délaissés parce que tout simplement plus au goût du jour.
Et ce sont tous ceux-là que la galerie des oubliés a décidé de célébrer pour une reconnaissance même tardive, très souvent posthume. C’est en visitant des ateliers d’artistes décédés, en assistant à des ventes aux enchères pulvérisant l’œuvre d’une vie sous le coup du marteau, c’est en rencontrant leurs familles que le duo mère-fils s’est donné pour mission de redonner un corps artistique à ces trésors retrouvés. Et grâce à une enquête minutieuse dans les archives, les critiques et les témoignages des proches, l’idée est de leur rendre une place dans l’histoire de l’art du XXème siècle.
Que et qui présente donc la galerie des oubliés ?
Déjà dès l’entrée, la galerie des oubliés donne envie de s’y installer, c’est une ambiance cocooning années 70 avec la lampe Nessino en forme de champignon orange, les lampes palmiers en métal doré, des fauteuils pivotants en cuir vintage et une table ronde en verre fumé sur assise inox. Les murs sont peints de teintes pastel, ça change des « white cubes » parisiens impersonnels et des accrochages minimalistes. Il y a beaucoup d’œuvres sur les murs, des peintures, des sérigraphies, des dessins.
Ce sont 4 expositions par an depuis son ouverture en janvier 2021. L’exposition actuelle s’intitule « Vibrante » et présente des œuvres de 4 artistes. Les femmes colorées et pleines d’aplomb de Menachem Gueffen (1930-2016), les espaces construits, encres sur papier de Saozi (1934-2022), un coup de cœur pour les merveilleux dégradés géométriques de Maria Mesterou et les méditations d’art optique de son mari Mircea Milcovitch, tout deux âgés de 82 ans.
Les œuvres sont-elles à vendre ?
Bien sûr, c’est une galerie d’art privée. Les œuvres sont mises en dépôt par les familles ou achetées lors de ventes de lots aux enchères. Le site de la galerie est remarquablement informatif. Toutes les œuvres exposées s’y trouvent ainsi que leurs descriptifs : titre, technique, taille, date de réalisation, signature et nom de l’artiste. De même le coût de chaque œuvre est affiché. La biographie de chaque artiste est aussi présentée ou en cours de construction.
Celle de Maria Mesterou par exemple née en 1941 ressemble à un roman. Artiste subversive avec son mari Mircea Milcovitch, en opposition au réalisme socialiste du régime totalitaire communiste roumain, elle apprendra le tissage et la broderie auprès de paysans des Carpates, l’iconographie auprès de vieux moines moldaves, la restauration de tableaux anciens. En 1970 la ville de Paris lui met à disposition un atelier, c’est la consécration dans les foires internationales d’art à Paris, Washington et New York. Elle enseignera à la Manufacture des Gobelins et au Mobilier national à Paris etc.
Mais ses travaux appellent aujourd’hui à une relecture contemporaine ainsi qu’une large diffusion auprès du public, c’est la mission que s’est donnée la galerie des oubliés.
A visiter et à goûter l’exposition Vibrante à la Galerie des oubliés, 2 rue de Bréa à Nantes jusqu’au 6 janvier 2024.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.