Chaque mercredi sur euradio, Patricia Solini nous partage sa passion pour la culture contemporaine sous toutes ses formes. Théâtre, danse, littérature, peinture... À consommer sans modération !
Cette semaine, vous nous entraînez à la découverte d’un petit musée, celui de la faïence à Moustiers Sainte-Marie, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Qu’est-ce qui vous y a amené ?
Sous le déluge comme sous la canicule, un seul repli le musée du coin. En cette toussaint pluvieuse, rien de tel qu’un chouette musée pour s’y abriter et se réconforter l’âme devant de jolies choses. Cette fois, ce fut au Musée de la faïence dans ce charmant village de Moustiers Sainte-Marie, impossible l’été surchargé en touristes mais fort agréable au printemps ou en automne.
C’est grâce à Marcel Joannon dit Marcel Provence, cet historien passionné de culture provençale qui reprit cet « ancien faire » en rallumant les fours et en devenant lui-même maître-faïencier en 1927. Il fut le premier conservateur du musée de la faïence de Moustiers qu’il avait fondé à Moustiers en 1929.
Il existait donc une tradition certaine de la faïence dans ce coin de Provence que Marcel Provence a fait renaître ?
De l’argile, du bois et de l’eau, c’est tout ce qu’il faut pour faire de la céramique, c’est pourquoi on en trouve partout dans le monde et Moustiers en était bien pourvu. La faïence, une des variétés de la céramique, tient son nom de la ville italienne de Faenza, connue dès la Renaissance pour sa production d’objets de faïences décorées. Il faut attendre le 17ème siècle pour que la faïence soit connue en France. La plus ancienne faïence de Moustiers date de 1687.
Pourtant dès les années 1500, Moustiers compte sept ateliers de potiers de terre. Les « olliers » tournent des « oules » c’est-à-dire des marmites. C’est la poterie du quotidien. Mais aussi des canalisations pour les fontaines. Ou encore des carreaux vernissés pour la construction des cuves contenant l’eau ou le vin et le pavement des maisons ou des églises.
La faïence va connaître un essor extraordinaire en remplaçant la vaisselle d’or et d’argent sur les tables de la Noblesse disparue à cause des besoins financiers de Louis XIV. Elle se raffine et devient objet d’art.
Et quelle est donc la spécificité du Musée de la faïence de Moustiers à Moustiers Sainte-Marie ?
Grâce à l’emploi de véritables artistes, de décors nouveaux, d’un savoir-faire local dans le travail de la terre vernissée et les échanges avec l’Italie voisine, grand pays faïencier, les faïenciers de Moustiers créent leur propre style.
On découvre dans le premier salon entièrement peint en bleu du sol au plafond, les productions des deux grandes manufactures : la plus ancienne Clérissy, depuis 1679 et Olérys et Laugier depuis 1738. C’est magnifique, notamment l’utilisation du cobalt pour réaliser des camaïeux de bleu sur l’émail blanc laiteux réputé de Moustiers. Perfections des dessins et renouvellement des décors classiques sont leurs marques de fabrique. Décoration héraldique, motifs de chasse, décor de lambrequins, c’est-à-dire de motifs symétriques de broderies et de végétaux stylisés, décor Bérain c’est-à-dire des grotesques, animaux hybrides et arabesques issus de l’antiquité, décor au chinois de grand feu, inspiré de la porcelaine de chine, décor floral, décors aux drapeaux, etc. Bref on en prend plein les yeux dans les salons bleu, vert, rose, jaune où toutes les faïences sont agencées avec bonheur. Je découvre pour ma part le rafraîchissoir à verre personnel, c’est d’un chic absolu !
Est-ce que cette tradition de la fabrication de la faïence perdure aujourd’hui ?
Plus que jamais, avec l’installation de nouveaux ateliers depuis les années 70, comme les Ateliers Muffragi, Michèle Blanc, du Barri, Johann Fine, la Manufacture Lallier, et bien d’autres proposant des créations originales mais aussi des copies de faïences traditionnelles. On s’émerveille devant les plats, les aiguières revisitées, les pichets, les théières, les vases, etc.
La céramique connaît aussi un véritable engouement dans l’art contemporain en France, ainsi la Manufacture de Sèvres invite depuis ces quinze dernières années les plus grands artistes à créer avec eux, comme Zao Woo Ki, Pierre Soulages, Giuseppe Penone ou Barthélémy Toguo dont on a pu voir les grands vases au Château des Ducs de Bretagne à Nantes.
Le parcours de ce charmant musée se clôt avec un yogi de Xavier Veilhan, en faïence émaillée bleue, datant de 2006 et une étonnante réplique d’un bidon de lessive Omo en faïence évidemment.
A visiter le musée de la faïence de Moustiers à Moustiers Sainte-Marie mais aussi les musées de la céramique de Faenza en Italie, de Valencia en Espagne, le musée Ariana en Suisse, de Delft aux Pays-Bas, etc