Chaque semaine, Lyudmyla Tautiyeva nous propose un aperçu de ce qu'il se passe aux frontières de l'Union européenne, traitant de sujets divers tels que la gouvernance, l’entreprenariat, ou encore l'innovation.
Lyudmyla, la semaine dernière, les États-Unis et l’Ukraine ont signé un accord clé autorisant l’exploitation de minerais critiques ukrainiens par des entreprises américaines, après de longues négociations. Que prévoit exactement cet accord, et quelles pourraient être ses conséquences pour l’Ukraine ?
L’accord a été signé le 30 avril, soit presque deux mois après la date initialement prévue pour sa signature, le 28 février. Cette date avait surtout été marquée par la violence des échanges entre le Président Donald Trump et le Président Volodymyr Zelenskyi dans le Bureau Oval. Ces deux mois de négociations tendues ont permis de retravailler l’accord afin de le rendre plus favorable à l’Ukraine, les versions précédentes ayant été perçues par certains comme du « racket » de la part des Américains. Par exemple, les 500 milliards d’aide militaire que Donald Trump a voulu que l’Ukraine rembourse dans le cadre de cet accord n’y figurent plus.
L’accord signé par le secrétaire d'État au Trésor américain Scott Bessent et le premier vice-premier ministre ukrainien Yulia Svyrydenko la semaine dernière établit le Fonds d'investissement pour la reconstruction entre les États-Unis et l’Ukraine, géré conjointement par les deux pays sur la base d'un partenariat égal. En d’autres termes, chaque partie contribuera à ce Fonds à hauteur de 50 % des recettes provenant de l'exploitation de nouveaux projets miniers, pétroliers et gaziers. Les projets en cours ne sont pas concernés par ce fonds, ce qui signifie que sa rentabilité dépendra du succès des nouveaux investissements dans l’exploitation des minerais critiques ukrainiens. Ces investissements sont censés stimuler l'intérêt du secteur privé à investir dans la reconstruction de l'Ukraine et dans le développement de ses ressources.
Le président Zelensky avait insisté pour que l’accord inclue, d’une manière ou d’une autre, des garanties de sécurité pour l’Ukraine, estimant que les seuls intérêts américains ne suffisent pas à assurer la protection du pays. L’accord signé intègre-t-il finalement de telles garanties ?
L’accord final ne mentionne pas les garanties de sécurité pour l’Ukraine. Par contre, il prévoit que toute aide militaire américaine future pour l'Ukraine sous forme de munitions, de systèmes d'armes ou de formation sera considérée comme un apport en capital à ce fonds pour la reconstruction entre les Etats-Unis et l’Ukraine. La continuité de l’aide militaire américaine à l’Ukraine est un élément majeur pour s’assurer que l’Ukraine est capable de défendre son territoire et de repousser toute nouvelle avancée russe sur son territoire. D’ailleurs, à la suite de la signature de cet accord, la Maison Blanche a approuvé des ventes d'armes en direction de l'Ukraine pour un montant de 50 millions de dollars et plus récemment la vente de pièces détachées et de matériel pour les F-16 ukrainiens à hauteur de 310 millions de dollars.
La signature de l’accord entre les États-Unis et l’Ukraine a suscité des réactions vives en Europe. Certains responsables estiment que l’Union européenne, malgré son soutien financier et militaire massif à l’Ukraine, sort perdante de cet accord stratégique. Cette indignation européenne est-elle justifiée ?
Il faut souligner que l’UE, dans le cadre de l’accord d’association avec l’Ukraine, est en processus de négociation concernant l’accès aux minerais ukrainiens. La mise en conformité avec les normes européennes dans le domaine d’exploitation des minerais fait partie des conditions que l’Ukraine doit remplir en tant que pays candidat à l’UE. Ainsi, cet alignement au niveau de la législation faciliterait les investissements européens dans le secteur minier ukrainien.
L’approche adoptée par l’UE est certes moins brutale que celle des États-Unis et plus respectueuse des intérêts de l’Ukraine ainsi que de l’environnement mais elle prend cependant plus de temps. Par contre, aucun éléments dans l’accord conclu entre l’Ukraine et les Etats-Unis va à l’encontre des obligations de l’Ukraine face à l’UE. Cela a été confirmé par la Commission européenne qui s’est exprimée à la suite de la signature de l’accord. Plus encore, le texte mentionne explicitement de respecter les obligations de l’Ukraine compris dans l’accord d’association avec l’UE.
L’UE reste et restera un partenaire privilégié de l’Ukraine avec l’accord d’association qui représente une base solide pour un partenariat durable et équitable dans tous les domaines et dans l’intérêt de l’UE comme de l’Ukraine.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.