Chaque semaine, Lyudmyla Tautiyeva nous propose un aperçu de ce qu'il se passe aux frontières de l'Union européenne, traitant de sujets divers tels que la gouvernance, l’entreprenariat, ou encore l'innovation.
La semaine dernière, plusieurs villes d’Ukraine ont été attaquées par des drones et des missiles russes. A Kyiv, ces attaques ont tué 4 personnes et blessé plus de 30 autres, dans la nuit de jeudi à vendredi. Ces frappes montrent que l’Ukraine a un grand besoin de mieux protéger son ciel.
Dans la nuit du 13 au 14 novembre, Kyiv a été ciblée par 430 drones et 19 missiles. Les défenses anti-aériennes ukrainiennes ont abattu 405 drones et 14 missiles, dont deux missiles hypersoniques Kinjal et six missiles balistiques. Les missiles balistiques qui n’ont pas été interceptés ont causé d’importants dégâts : plusieurs immeubles ont été touchés, 4 personnes ont perdu la vie, plus de 30 ont été blessées, des appartements ont brûlé, d’autres se retrouvent sans fenêtres à cause des explosions, et des infrastructures énergétiques ont été endommagées. Ne pas se réveiller le matin ou se retrouver sans domicile à la suite d’une frappe russe est devenu une réalité pour les civils en Ukraine.
Depuis plusieurs mois, on constate que non seulement l’intensité, mais aussi la précision des attaques russes augmente. En octobre, pas un seul jour ne s’est écoulé sans qu’une partie du ciel ukrainien ne soit visée, avec six journées d’attaques massives. Au total plus de 5579 de drones et missiles lancés contre les civils et les infrastructures ukrainiennes en octobre avec le taux de perception qui a baissé coté ukrainien. Le porte-parole des forces de l’air ukrainiennes, Yuriy Ignat, explique que cette baisse du taux d’interception est dû aux améliorations des vecteurs aériens pour augmenter leur précision par les russes et l’insuffisance des moyens anti-aériens coté ukrainien.
Comment l’Europe et les autres pays amis de l’Ukraine peuvent-ils mieux l’aider à se défendre contre ces attaques russes, qui deviennent plus fortes et plus nombreuses ?
L’Ukraine a pu acquérir des systèmes anti-aériens américains Patriot — cinq systèmes dont on a officiellement connaissance — et utilise également d’autres moyens, notamment le système franco-italien SAMP/T. Mais leur nombre reste manifestement insuffisant pour faire face au rythme et à l’intensité des attaques russes. Le président Zelensky a annoncé que l’Ukraine souhaitait acquérir 27 systèmes Patriot supplémentaires. Cela impliquerait potentiellement que certains pays européens disposant déjà de Patriots en transfèrent à l’Ukraine, afin d’écourter les délais de production et de livraison. C’était le cas le mois dernier, lorsque l’Allemagne a transféré deux systèmes supplémentaires à Kyiv.
Cependant, la protection du ciel ukrainien ne repose pas uniquement sur les systèmes anti-aériens : les avions de chasse jouent un rôle tout aussi stratégique pour intercepter missiles et drones russes, et dissuader les avions russes de décoller pour les lancer. Après trois ans de guerre, l’Ukraine a reçu ses premiers F-16 américains en février 2025 et en compte aujourd’hui plus de 60. Récemment, Kyiv a conclu un contrat avec le constructeur suédois des avions de chasse Gripen pour l’achat de 150 appareils. L’entreprise SAAB prévoit d’ouvrir en Ukraine une usine d’assemblage final, avec les premiers Gripens attendus l’an prochain.
Et la France, livre-t-elle des avions Mirage et Rafale à l’Ukraine ?
La France a livré des Mirage 2000 à l’Ukraine début février, mais leur nombre exact n’a pas été rendu public. Certains analystes avancent qu’il pourrait s’agir d’environ cinq appareils. Quant aux Rafale, leur éventuelle acquisition pourrait être discutée lors du déplacement du président Zelensky à Paris ce lundi.
Si la contribution précise des avions français à la protection du ciel ukrainien reste à déterminer, la France est toutefois à l’origine d’une autre initiative susceptible de renforcer considérablement la défense aérienne ukrainienne et, plus largement, la sécurité du flanc Est de l’UE.
Cette initiative, baptisée Sky Shield ou le bouclier aérien, a été lancée par d’anciens militaires et des élus français avec le soutien de membres de la société civile en France, au Royaume-Uni et dans d’autres pays européens. Cette initiative a pris une forme d’une pétition en ligne signée par plus de 50 milles personnes. Elle appelle à déployer des radars et des systèmes d’interception des pays européens directement dans l’ouest de l’Ukraine, ainsi qu’à engager des avions européens basés dans des pays voisins comme la Pologne ou la Roumanie pour abattre des drones et des missiles russes dans les régions ukrainiennes frontaliers avec l’UE. Le collectif à l’origine du Skyshield a également élaboré et présenté la note sur la réalisation de cette initiative au Président de la République.
Si mise en place, SkyShield permettrait non seulement renforcer la protection du ciel en Ukraine et sauver des vies mais aussi de protéger l’espace aérien de l’UE des incursions des drones et des avions russes qui ont violé notre ciel européen à plusieurs reprise ces deux derniers mois.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.