Chaque semaine, Lyudmyla Tautiyeva nous propose un aperçu de ce qu'il se passe aux frontières de l'Union européenne, traitant de sujets divers tels que la gouvernance, l’entreprenariat, ou encore l'innovation.
Bonjour Lyudmyla, ce week-end, les moldaves sont allés voter. Était-il nécessaire d’organiser en même temps les élections présidentielles et le référendum sur l'Europe ?
Les élections présidentielles et le référendum étaient une opportunité pour le peuple Moldave de réaffirmer leur envie d’un futur européen pour le pays. Ils avaient déjà manifesté cette volonté à travers les élections de 2020, en élisant Maia Sandu, une candidate pro-Europe.
Dans un contexte de forts problèmes socio-économiques causés par la guerre en Ukraine, les Moldaves ont été appelés aux urnes pour choisir leur nouveau président parmi 11 candidats, dont les deux principaux opposants de Maia Sandu : Olexandr Stoyanohlo et Renato Usatyi, ouvertement pro-russes.
Le référendum, lui, a soumis le peuple à un vote, pour inscrire dans la Constitution moldave la volonté d'une adhésion future de la Moldavie à l’Union européenne. Ce « double vote » à alors permis une large mobilisation du peuple dans les urnes, et s’est voulu marquer un point de non-retour sur ce futur européen.
Ayant obtenu son statut de pays-candidat à l’Union européenne en juin 2022, la Moldavie craint que la Russie empêche son adhésion, comme elle l’a fait en Ukraine en 2014 et en 2022. Celle-ci pourrait en effet utiliser la Transnistrie, territoire séparatiste où sont stationnés environ 2000 soldats russes, pour déstabiliser la situation interne du pays et ainsi couper la route de la Moldavie vers l’UE.
Les résultats de ces élections ont-ils confirmé le soutien du peuple moldave au projet européen pour leur pays ?
Pour les élections présidentielles, la réponse est plutôt oui, mais celui-ci n’est pas définitif car il y aura le deuxième tour le 3 novembre. La présidente pro-Europe sortante, Maia Sandu, n’a pas réussi à franchir la barrière des 50% de voix, mais est tout de même arrivée en tête avec 41% des voix, contre 26% pour Stoyanohlo, candidat du parti socialiste pro-russe
En ce qui concerne le référendum, la réponse est oui, mais elle était plutôt non jusqu’à tard dimanche soir. Les votes en faveur de l’inscription à l’adhésion de la Molavie à l’UE dans la Constitution étaient de 45%, tandis que les votes contre représentaient 55% toute la soirée du 20 octobre dernier. Ce n’est que quand les voix des Moldaves qui résident à l’étranger ont été inclues que les voix pour ont atteint 50,16%. Un résultat inespéré pour le parti de Sandu. La différence entre les votes étant minime (environ 800 voix), le rôle de la diaspora Moldave s’est avéré décisif.
Une différence infime, en effet… Quelles questions cela soulève-t-il alors ?
Ce résultat pose quelques questions, effectivement. La première est celle d’une différence de visions concernant le futur du pays entre ceux qui y résident, et ceux qui sont à l’extérieur. Presque un tiers de la population Moldave vit à l’étranger, la plupart dans l’Union européenne.
La deuxième question est celle du potentiel impact des campagnes d’influence russes sur la population Moldave à l’intérieur du pays. Les autorités Moldaves, quelques semaines avant les élections ont constaté plusieurs tentatives de pots-de-vin et l’intensification de propagande russe à travers des partis pro-russes, mais aussi sur les réseaux sociaux.
Peut-on évoquer une ingérence russe dans les élections et le référendum en Moldavie ?
Maia Sandu a déclaré que les autorités Moldaves ont la preuve que 300 000 votes ont été achetés par des « groupes criminels » qui travaillent pour des « forces étrangères ». Le parquet anti-corruption moldave a découvert que plus de 15 millions de dollars ont été versés par une entité russe sur les comptes bancaires de 130 000 citoyens Moldaves en septembre, pour acheter leurs votes. Dimanche, Sandu avait dénoncé le résultat serré du référendum comme étant le produit d'une ingérence étrangère dans la politique moldave. La Russie a nié toute accusation, cependant, l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, chargée de l’observation des élections, a déclaré que les campagnes électorales avaient été entachées par des ingérences étrangères et des efforts actifs de désinformation, sans nommer expressément la Russie.
L’ingérence russe dans la politique interne des pays qui tentent de sortir de sa sphère d’influence est devenue une vraie tradition, et un moyen de déstabilisation important que nous allons probablement voir à l’œuvre de nouveau, lors des élections parlementaires en Géorgie la semaine prochaine.
Une interview réalisée par Laurence Aubron.