Chaque semaine, Lyudmyla Tautiyeva nous propose un aperçu de ce qu'il se passe aux frontières de l'Union européenne, traitant de sujets divers tels que la gouvernance, l’entreprenariat, ou encore l'innovation.
Dimanche 3 novembre, la Moldavie a voté au deuxième tour des élections présidentielles, et a marqué une étape importante pour le futur du pays. Quel a donc été le choix de la population moldave ?
Lors de ce second tour, le choix était effectivement important pour le développement du pays. La candidate pro-Europe et présidente sortante Maia Sandu a gagné les élections avec 55,41% des vois, contre 44,59% de voix pour le candidat pro-Russe Alexandr Stoianoglo, chef du parti socialiste moldave et ancien procureur général.
Le taux de participation de la population a dépassé les 54%, résultat supérieur à celui des dernières élections.
Cette victoire n’était pas du tout garantie pour Maia Sandu. Tout d’abord parce que le scrutin s’est tenu dans un climat de pressions exercées par les forces pro-Russes, avec des cas de détournement de votes. Mais aussi car les élections ont été sauvées par la diaspora moldave, tout comme il y a quelques semaines à l’occasion du référendum sur l’Union européenne.
Quel a été le rôle de la diaspora dans ces élections ?
La Moldavie étant un pays pauvre de 2,5 millions d’habitants, presque un quart de sa population vit à l’étranger (1), ce qui représente un potentiel électoral important. La plupart de ces migrants vivent et travaillent dans des pays européens, mais aussi en Russie et Biélorussie.
Si l’on regarde les résultats du vote à l’étranger, on voit que Maia Sandu a obtenu 80% des votes contre Stoianoglo, ce qui représente plus ou moins la proportion de la population qui se trouve dans les pays de l’Union européenne.
Cependant, si l’on prend seulement en compte les résultats des bureaux de votes en Moldavie, c’est Stoianoglo qui l’emporte avec 51% des voix. Autrement dit, le candidat pro-Russe aurait gagné les élections sans les votes Pro-Europe de la diaspora moldave.
Comment explique-t-on un tel résultat ? Est-ce que la population est divisée concernant l’intégration de la Moldavie dans l’Union européenne ?
Comme mentionné plus tôt, les élections se sont déroulées dans un climat de fortes pressions de la part du parti pro-Russe. Cela implique, entre autre, l’intensification de la propagande anti-Europe, et la falsification et l’achat de votes.
Le fait que le pays soit dans une situation économique difficile, aggravée par la guerre en Ukraine, n’aide vraiment pas.
La Russie considère la Moldavie comme son poste stratégique fort dans la région des Balkans et de l’Europe de l’Est. Le Kremlin utilise les régions autonomes de Gagaouzie et de Transnitrie, qui représentent la bas électorale du parti pro-Russe, pour faire opposition au rapprochement de la Moldavie avec l’Union européenne (2).
Les oligarques pro-Russie jouent un rôle déterminant dans les actions d’influence et de déstabilisation politique en Moldavie. Par exemple, Ilan Shor, oligarque inculpé pour le détournement de plus d’un milliard de dollars de plusieurs banques moldaves en 2015, est soupçonné d’avoir organisé un réseau de paiement pour les électeurs ayant voté pour Stoianoglo.
Pire encore, la Russie a même organisé le transports de moldaves vers des bureaux de votes afin de s’assurer de leur soutien envers Stoianoglo. Les forces de l’ordre moldaves ont ouvert une enquête à ce sujet, ainsi que sur 126 autres potentielles violations de vote sur le territoire moldave.
Tous ces efforts fournis par la Russie, mais la Moldavie a tout de même résisté et reste sur la voix européenne.
Pas entièrement Laurence, car la Moldavie étant une république parlementaire, c’est le premier ministre qui dispose du plus de pouvoir, et non le président. Les élections parlementaires se dérouleront en 2025, et c’est à ce moment que le vecteur de développement du pays va être fortement influencé.
Les efforts investis par les forces pro-Russes dans les élections présidentielles servent aussi à préparer le terrain pour les élections parlementaires, afin de s’assurer qu’il y ait un premier ministre qui fasse opposition à la présidente Maia Sandu et sa politique d’intégration à l’Union européenne.
Si la présidente se retrouve à cohabiter avec son gouvernement, cela sera très difficile de faire avancer le pays vers l’Union européenne, d’autant que celle-ci est prête à ouvrir, début 2025 (3), la prochaine étape de négociations sur l’intégration de la Moldavie.
Le futur de la Moldavie reste donc encore à jouer en 2025, et l’on sait que les forces pro-russes vont essayer de capitaliser sur leur succès aux élections présidentielles pour placer leur premier ministre à la tête du pouvoir.
Une interview réalisée par Laurence Aubron.