Comme toutes les semaines, nous retrouvons Albrecht Sonntag, professeur à l’ESSCA Ecole de Management, à Angers.
Les partis communistes français et italien fêtent leur cent ans !
L’Europe vient d’avoir deux centenaires dans son calendrier, des jalons importants dans son histoire, à mon avis, mais sur lesquels la plupart des médias sont passés avec une grande discrétion. Il s’agit des anniversaires de la fondation du parti communiste français, puis du parti communiste italien. Sauf erreur de ma part, euradio ne les a mentionnés dans aucune de ses émissions ou chroniques. Pour le premier, je veux bien vous excuser, le 29 décembre, cela tombe tout de même en pleines vacances de fin d’année. Pour le second, c’était la semaine dernière, le 21 janvier.
Je vous assure qu’il ne s’agit pas d’un choix éditorial intentionnel. Ces deux événements sont simplement victimes d’une actualité trop riche. Mais dites-nous pourquoi nous aurions dû en parler.
Pour la même raison que j’essaie de faire comprendre à mes étudiants à quel point, dans les années 1950 et 60, les partis communistes français et italien étaient des forces politiques majeures dans les deux pays, sortis de la guerre avec la légitimité des résistants contre le fascisme et porteur d’un vrai idéal qui n’était pas encore contaminé par les crimes et méfaits commis en son nom par l’Union soviétique et ses satellites.
Vu le déclin massif de ces partis, qui réunissaient pourtant jusqu’à un quart du vote lors des élections législatives, je reconnais qu’il est difficile pour les jeunes de s’imaginer l’attractivité de la doctrine communiste à une époque pas si lointaine que cela.
Ce sont aussi deux partis qui ont été fermement opposés à l’idée d’une communauté européenne, en tout cas celle qui a été mise en place à partir de 1950 suite à la Déclaration Schuman.
Bien sûr qu’ils étaient contre, comme ils avaient déjà été contre le Plan Marshall, auquel leurs deux pays doivent tant dans la difficile reconstruction de l’après-guerre.
Mais, d’un côté, pouvait-il en être autrement ? Le projet de la communauté du charbon et de l’acier dessiné par Jean Monnet et porté par Robert Schuman était par essence un projet de nature libérale, occidentale. Incompatible non seulement avec les ordres de Moscou, mais aussi avec la conviction intime de la grande majorité des militants.
Puis, d’un autre côté, est-il exagéré de voir dans leur refus clair et net de tout projet d’intégration européenne autre que sous la bannière internationaliste de leur propre mouvement et sous l’égide de l’Union soviétique, un facteur politique qui permettait justement aux pères fondateurs d’aller vite et d’arrimer la Communauté naissante fermement dans le bloc occidental ? La peur du communisme soviétique en a sans doute facilité l’acceptation, y compris d’ailleurs en Allemagne de l’Ouest, où Konrad Adenauer était pourtant vivement critiqué pour avoir ainsi enterré tout espoir de réunification avec l’Est du pays.
Je me souviens d’un Britannique érudit, ancien député européen, qui nous avait rendu visite à l’ESSCA il y a une dizaine d’années et qui nous résumait cet argument dans la formule lapidaire « Dans la naissance de la Communauté européenne, Staline a été la sage-femme. »
Pas mal comme formule ! Et vous avez raison : les partis communistes d’Europe, malgré leur déclin, c’est un pan de notre histoire qui mérite qu’on s’y attarde.
Pas qu’en Europe ! Car il y a un autre centenaire à venir, sans déclin aucun, bien au contraire, qui sera célébré de manière retentissante : celui du Parti communiste chinois, fondé à Shanghai le 23 juillet 1921. Et comme cela tombera en pleine vacances d’été, je me permets d’y consacrer, bien en amont, mon édito numéro 101 de la semaine prochaine.
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