Alors que le gouvernement suédois veut durcir l’accès aux aides sociales pour les migrants non européens afin de dissuader de nouvelles arrivées, certains quittent la Suède depuis maintenant plusieurs années. Mathilde Leroy tend son micro à Linda Thilen, bénévole de l’association Les amis des migrants suédophones en France (LAMSF).
Euradio : Pour commencer, pouvez-vous m'expliquer comment a été créée cette association ?
Linda Thilen : Cette association a été créée en 2019 suite à l'arrivée de jeunes réfugiés venus de Suède en France pour demander l'asile parce qu’après avoir vécu des années et des années en Suède, ils n’avaient pas obtenu l’asile. Le groupe s'est donc créé au début, au sein de l'église suédoise. Parce que ces jeunes réfugiés venaient toquer à la porte de l'église suédoise dans le 17e pour demander de l'aide. Il y avait un besoin de traduction, d'aide matérielle et de soutien moral aussi. Depuis, une petite association s'est développée. La plupart des bénévoles sont des Suédois qui vivent à Paris. On essaye d'apporter de l'aide dans le domaine juridique même si on n'est pas avocat ou juriste. On met en lien, on fait des traductions, on peut donner des conseils parce qu'on est devenu un peu spécialisé dans cette niche de demandeurs d'asile. On travaille aussi sur le côté social, on met en place des activités culturelles au musée ou des activités sportives comme le groupe de running. Le troisième volet, c'est l'apprentissage du français. On a des bénévoles qui enseignent le français en binômes ou en petits groupes. C'est un grand besoin. Ce qui est un peu absurde, c’est qu’on a des Suédois qui vivent en France qui enseignent le français à des Afghans qui parlent couramment Suédois. Pour moi, l'Europe ne devrait pas être ça.
Euradio : Comment est-ce possible que ces migrants pour la plupart afghans arrivent à avoir l'asile en France alors qu'ils n'ont pas réussi à l'avoir en Suède ?
Linda Thilen : C'est la question qu'on se pose. Sur les mêmes critères, sur la même histoire ou le récit de demandeurs d'asile, le statut de réfugié est donné en France alors qu'en Suède ça n'a pas été suffisant pour obtenir le même statut. C'est incompréhensible. On a des exemples de personnes qui n'ont pas obtenu l'asile en Suède alors que l'administration suédoise reconnaît reconnaissait l'orientation sexuelle de la personne, mais ils ont décrété que cette personne pouvait vivre discrètement en Afghanistan. En venant en France, la même personne a fait une demande d’asile et, sur le même critère, l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) lui a donné l’asile. C'est incompréhensible. Et ça, c'est juste un exemple parmi d’autres. On a peu de cas de femmes, mais on a quelques cas de femmes afghanes qui n'ont pas réussi à obtenir l'asile en Suède qui sont venus ici.
Euradio : Que se passe-t-il concrètement lorsque la demande d'asile est refusée en Suède ?
Linda Thilen : Personne ne prend la responsabilité. Et ce qui est intéressant, c'est que la Suède ne donne pas l'asile, mais ces personnes afghanes ne sont pas non plus expulsées en Afghanistan. Parce qu'en ce moment, il n'y a pas de ligne de compagnies aériennes qui veut y aller. C'est un vrai problème. Les migrants sont vraiment dans un entre-deux. Ils ne sont pas expulsables, mais ils n’ont pas l'asile non plus. La Suède n'a aucune idée de ce qu’il arrive pour ces personnes. Elles viennent ici, illégalement en France et aucune autorité ne sait ce qu’il advient pour eux. Pour moi, c'est incompréhensible qu’on ne demande pas des comptes à l'office des migrations suédoises.
C'est comme si ces personnes n'existaient pas Linda Thilen
Et on sait, grâce à des études de chercheurs qu’il y a malheureusement beaucoup de suicides, dans ce groupe. Les gens sont désespérés. Le gouvernement suédois ne sait même pas si une personne s'est suicidée ou si elle est partie en France. C’est comme s’ils s’en moquaient.
Euradio : qu'en est-il de la législation au niveau européen et français ?
Linda Thilen : Les personnes qui ont demandé l'asile sans l'obtenir en Suède ne devraient pas avoir la possibilité de le demander en France. Ce qui se passe en pratique, c'est que leurs empreintes digitales ne sont pas retrouvées en France pour la plupart. Donc ils recommencent à zéro ici. Ils font le processus de demande d'asile. Là, on voit que la majorité d'entre eux, basé sur les mêmes critères qu'en Suède, obtiennent l'asile. Après, il y a une petite minorité, on pense que c’est entre 20 et 30 % qui sont retrouvés dans le système de Dublin qui sont dits “dublinés”. Ils sont censés retourner en Suède. Mais là aussi, c'est un peu flou, on peut faire des recours et on peut aussi essayer de passer inaperçu pendant 18 mois. C’est ce que font beaucoup de personnes.
Même sous la pluie, le club de running le l’association Les amis des migrants suédophones en France se réunit, dans un parc du 19e arrondissement de Paris. Alors équipés de leurs bonnets, gants et kaway, les coureurs s’élancent pour créer du lien social et pour apprendre le français. Ecoutez ce reportage de Mathilde Leroy.