Fréquence Europe

La Convention européenne des droits de l’homme

La Convention européenne des droits de l’homme

Toutes les deux semaines sur Euradio, retrouvez « Fréquence Europe », la chronique de Radio Judaïca et l’Europe Direct Strasbourg, présentée par Olivier Singer.

En 2025, la Convention européenne des droits de l’homme souffle ses 75 bougies. 75 ans de protection des libertés et des droits fondamentaux à travers l’Europe. Olivier, vous avez choisi de revenir sur ce texte fondamental aujourd’hui. Pourquoi est-il si essentiel encore aujourd’hui ?

Il est important de rappeler d’abord que la Convention européenne des droits de l’homme n'est pas née de rien. Elle trouve directement son inspiration dans la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1948. Un texte visionnaire, porté notamment par le juriste français René Cassin, aux côtés d’Éléonore Roosevelt. Mais René Cassin, loin de se contenter de cette déclaration éthique, a compris qu'il fallait aller plus loin, car celle-ci, bien qu’idéale, ne possédait aucune valeur contraignante.

Avec la naissance du Conseil de l’Europe en 1949, René Cassin a voulu placer les droits de l’homme au cœur de cette nouvelle organisation européenne. Il a donc œuvré à la rédaction de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 à Rome. Un texte qui reprend les principes énoncés dans la Déclaration universelle, mais qui va plus loin en créant des obligations juridiques pour les États et en instaurant un mécanisme unique : la Cour européenne des droits de l’homme, pour en garantir l’application.

Comment fonctionne la Cour européenne des droits de l’homme ?

Le rôle de la Cour est simple mais crucial : veiller à ce que les droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme soient respectés. Cela inclut des droits essentiels comme le droit à la vie, l’interdiction de la torture, l’interdiction de l’esclavage et du travail forcé, le respect de la vie privée et familiale, et la liberté d’expression. (Je vous invite d’ailleurs à consulter ce texte pour comprendre pleinement l’étendue de ces droits).

Ce qui rend la Cour unique, c’est qu’elle est la seule en son genre au monde. Elle permet à tout individu des 46 États membres du Conseil de l’Europe de la saisir s’il estime que ses droits ont été violés par un des États signataires de la Convention. La seule condition : avoir épuisé toutes les voies de recours nationales avant de saisir la Cour.

Quelles sont ses grandes réalisations ?

Depuis sa création en 1959, la Cour européenne des droits d’homme a rendu plus de 25 000 arrêts. La majorité concerne des violations du droit à un procès équitable, garanti par l’article 6 de la Convention. Mais la Cour s’est aussi prononcée sur des sujets complexes et actuels : le port de signes religieux à l’école, le droit des journalistes, l’adoption par des couples homosexuels ou encore la lutte contre le changement climatique.
C’est ainsi qu’en en avril 2024, la Cour a condamné la Suisse pour ne pas avoir suffisamment protégé ses citoyens des effets du dérèglement climatique. Cet arrêt illustre l’importance de la jurisprudence de la Cour et la prise en compte des droits environnementaux aussi comme droits humains.

La France a-t-elle été influencée par les décisions de la CEDH ?

Oui, la CEDH a eu un impact direct en France. Par exemple, ses décisions ont conduit à des réformes de la garde à vue, qui ne prévoyait pas jusqu’en 2011 l’assistance d’un avocat au cours des interrogatoires (avec notamment le risque d’aveux forcée ou de mauvaises conditions de traitement durant la garde à vue). La Cour a aussi un rôle important sur les questions des conditions des détenus et sur l’amélioration de leurs conditions de détentions. Elle joue donc un rôle crucial dans l’évolution de nos lois et de nos pratiques.

Mais la Cour rencontre aussi des difficultés, n’est-ce pas ?

Oui, la Cour fait face à des défis. Avec des milliers de requêtes chaque année, les délais de traitement peuvent être longs. Et l’exécution de ses décisions dépend aussi de la bonne volonté des États et certains états peuvent rechigner à appliquer des décisions que leur déplaisent. C’était le cas notamment de la Russie avant son expulsion du Conseil de l’Europe.
Il demeure que la CEDH reste un acteur essentiel de la protection des droits humains en Europe. Jean-Paul Costa, ancien président français de la Cour, la qualifiait de "miracle permanent". Un miracle qui rappelle que les droits fondamentaux ne sont jamais acquis définitivement, et qu’ils doivent être défendus et renforcés jour après jour.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.