L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde » sur euradio cherche à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.
Cette chronique a été initiée et proposée par Justin Horchler, étudiant à Sciences Po Bordeaux, en 2023-2024 et est désormais animée par Ani Chakmishian.
Un virage semble amorcer l’Union européenne face à Israël. D’abord, pour qu’on comprenne bien : en quoi consiste exactement l’accord d’association entre l’UE et Israël ?
L’accord signé en 2000 pose une zone de libre-échange entre les deux parties. Depuis 2010, quasiment tous les produits industriels israéliens entrent sur le marché européen sans droits de douane. L’UE est donc de fait le premier partenaire commercial d’Israël et représente environ 30% de son commerce. Mais ce qui nous intéresse Laurence c’est son article 2, qui stipule du respect des droits humains et des principes démocratiques comme « condition essentielle » de l’accord. Une clause forte, mais jamais activée jusqu’ici — malgré des violations répétées du droit international dans les territoires palestiniens. Et c’est justement ça que plusieurs pays européens commencent aujourd’hui à remettre en cause.
Justement, mardi 20 mai, une majorité de ministres européens ont demandé sa révision. C’est une première ?
Tout à fait, c’est une première. C’est un séisme diplomatique. Jusqu’ici, cet accord d’association entre l’UE et Israël était intouchable. Et ce qui est encore plus surprenant c’est que ce sont les pays traditionnellement proches de l’état hébreu qui dénoncent. En l’espèce, c’est le chef de la diplomatie hollandaise qui a dénoncé en premier le blocus à Gaza, parlant d’une violation du droit humanitaire. A leur tour, la France, le Royaume-Uni et le Canada ont émis leur plus forte condamnation à ce jour. Ils ordonnent Israël de mettre fin à sa nouvelle offensive dans l’enclave. Benyamin Netanyahou a vite riposté en les accusant d’offrir une “énorme récompense” au Hamas pour ses attentats.
Mais pour ne pas changer, il n’y a toujours pas d’unanimité sur la question. L’Allemagne, la Hongrie et l’Italie restent solidaires d’Israël, avec quelques condamnations, certes, mais en aucun cas une suspension de l’accord d’association.
Et puis il y a eu cet incident en Cisjordanie. Des diplomates ciblés par des tirs israéliens.
Oui, ce mercredi à Jénine des diplomates européens ont été les cibles de tirs de sommation de la part de l’armée israélienne. Et les réactions sont claires : c’est une ligne rouge franchie avec la convocation de l’ambassadeur d’Israël dans plusieurs capitales. Tous exigent des explications. Même la diplomatie allemande, très prudente d’ordinaire, parle de "violation de l’inviolabilité diplomatique".
Est-ce que le soutien occidental à Israël s’effondre ?
Les États-Unis sont le principal fournisseur d’armes d’Israël. Mais comme le rappelle la BBC, après le 7 octobre « ses autres alliés lui ont offert quelque chose de tout aussi fort : Israël a pu compter largement sur leur bienveillance et leur solidarité ». Aujourd’hui ce crédit moral s’épuise. Gaza a changé la donne. La famine, les bombardements sur les civils et la violation systématique du droit internationale deviennent difficile à justifier. Même pour les alliés les plus fidèles.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.