L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde » sur euradio cherche à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.
Cette chronique a été initiée et proposée par Justin Horchler, étudiant à Sciences Po Bordeaux, en 2023-2024 et est désormais animée par Ani Chakmishian.
Aujourd’hui, nous allons parler d’une actualité brûlante qui bouleverse la scène internationale : le mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale contre le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis en Palestine.
Tout à fait. Le 21 novembre, la CPI a émis des mandats d’arrêt contre Benyamin Netanyahou, son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant, et un haut dirigeant du Hamas, Mohammed Deif. Les accusations sont graves : famine utilisée comme arme, meurtres, persécutions et autres crimes inhumains. Netanyahou rejette en bloc ces accusations et qualifie la CPI d’antisémite. Je rappelle que le conflit a déjà coûté la vie à plus de 44 000 Palestiniens, selon les autorités de Gaza.
Et qu’implique ce mandat d’arrêt pour les pays de l’Union européenne ?
Eh bien, tous les États membres de l’UE sont signataires du Statut de Rome, qui institue la CPI. En théorie, cela signifie qu’ils sont tenus d’arrêter les personnes visées par un mandat si elles entrent sur leur territoire. Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, l’a rappelé clairement : cette décision est contraignante pour tous les États de l’UE.
Et pourtant, on entend des réactions très variées au sein de l’Union…
Exactement. La Hongrie, par exemple. Viktor Orbán a annoncé que son pays ne respecterait pas ce mandat et a même invité Benyamin Netanyahou à Budapest. D’autres, comme l’Italie, sont plus ambigus. Le ministre italien des Affaires étrangères parle d’immunité pour les chefs d’État et met en avant la nécessité de négocier avec Israël pour la paix. Cela contraste avec des pays comme les Pays-Bas ou l’Allemagne, qui affirment leur volonté de respecter leurs obligations envers la CPI.
Et quelle est la réaction de la France ?
La France a déclaré qu'elle respectera ses obligations internationales, mais qu'elle ne peut pas agir sur les immunités des responsables d'Israël, puisque le pays n'est pas membre de la CPI. Cette l’immunité doit donc être prise en compte en cas de demande d’arrestation. D’ailleurs Israël, comme les États-Unis, ne reconnaissent pas cette instance.
Comment expliquer ces divisions ?
Les raisons sont multiples. D’un côté, il y a des considérations juridiques : certains États estiment que la CPI ne devrait pas traiter de ces questions tant qu’il y a un conflit actif. De l’autre, il y a des enjeux politiques. Israël est un allié stratégique pour de nombreux pays européens, ce qui complique la situation.
Cela pose-t-il des défis particuliers à l’Union européenne ?
Absolument. Cette affaire met en lumière les fractures persistantes au sein de l’UE en matière de politique étrangère. L’Europe s’efforce de défendre le droit international et les droits humains, mais elle doit aussi gérer ses relations avec des partenaires stratégiques comme Israël. Enfin, il y a la question de la crédibilité. Certains membres refusent d’appliquer la décision, cela pourrait affaiblir la position européenne sur la scène internationale. Laurence : En conclusion, que doit-on retenir de cette affaire ? Ani : Ce mandat d’arrêt est bien plus qu’un geste juridique : il s’agit d’un test pour la cohérence et les valeurs de l’Union européenne. Elle doit trouver un équilibre entre principes et réalités géopolitiques.
Une interview réalisée par Laurence Aubron.