L’Europe et le Monde, par Justin Horchler, étudiant à Sciences Po Bordeaux, sur euradio cherche à éclairer l’auditeur sur la place du Vieux continent sur la scène internationale.
Un fonctionnaire européen de nationalité suédoise est actuellement jugé en Iran. Que lui reproche-t-on ?
Johan Floderus est un diplomate suédois travaillant pour l'Union européenne. Cela fait plus de 600 jours qu'il est en détention. Alors qu'il faisait du tourisme en Iran avec des amis et avant d'embarquer pour son vol retour, il est arrêté pour espionnage. Il est en ce moment jugé à huis clos par le tribunal révolutionnaire de Téhéran pour avoir, selon les autorités iraniennes, coopéré avec Israël "contre la sécurité" du pays. Les chefs d'accusation sont la "corruption sur terre", qui est passible de la peine de mort, et la participation à "des actes portant atteinte à la sécurité de l’Iran, par une vaste coopération en matière de renseignement avec le régime sioniste". Dans les faits, il aurait selon les autorités iraniennes collecté des informations pour le compte d'Israël. Les preuves seraient notamment un voyage en Palestine et certains contacts qu'il aurait eu en Iran.
Comment réagit Bruxelles ?
Le chef de la diplomatie de l'Union européenne, Josep Borrell, a appelé à maintes reprises à la "libération immédiate" du diplomate suédois. Il s'est dit personnellement impliqué dans cette affaire. Il accuse l'Iran d'utiliser cette arrestation comme monnaie d'échange.
Oui, l'Iran a l'habitude de procéder à des arrestations pour obtenir la libération de ses nationaux emprisonnés à l'étranger.
L'Iran arrête en effet souvent des nationaux de pays occidentaux pour les troquer contre des iraniens détenus dans d'autres pays. Ces arrestations peuvent aussi servir à obtenir d'autres choses. C'est ce que l'on appelle souvent la diplomatie des otages.
Johan Floderus est-il le premier suédois à être détenu en Iran ?
Non, il y a eu l'exécution cette année de l'Irano-Suédois Habib Chaab qui a aussi été accusé de corruption sur terre. Un universitaire est quant à lui détenu depuis 2016 et en attente de sa condamnation pour mort. S'ajoutent également des détenus de divers pays occidentaux dont la France.
Que demande donc l'Iran à la Suède ?
L'Iran souhaite la libération d'Hamid Nouri. C'est un ancien procureur iranien condamné à de la prison à perpétuité en Suède pour avoir participé à l'exécution de milliers d'opposants politiques dans les années 1980. Il s'avère que la cour d'appel suédoise rendra son jugement dans quelques jours, donc le procès du diplomate suèdois qui se tient au même moment en Iran n'est probablement pas une coïncidence. Le prix Nobel de la paix est aussi en ce moment remis à une militante iranienne. Elle est actuellement détenue dans son pays pour ses activités politiques. On peut également mentionner le prix Sakharov pour les droits humains qui a été attribué une femme dont le décès a provoqué de grandes manifestations. On peut donc interpréter le procès du diplomate européen comme aussi un signe de mécontentement envers ces remises de prix.
Que peut faire l'Union européenne pour protéger ses ressortissants face à ces arrestations arbitraires ?
Et bien pas grand chose. La diplomatie française a par exemple placé l'ensemble du territoire iraninen en rouge, c'est à dire formellement déconseillé aux citoyens français. L'ambassade de France à Téhéran admet très clairement sur son site internet que sa "capacité à assurer la protection consulaire des ressortissants arrêtés ou détenus en Iran est des plus limitée" face au risque d’arrestation arbitraire. Les États européens dont les nationaux sont détenus en Iran doivent donc souvent accepter ce chantage et cette diplomatie des otages ou risquer la sécurité de la personne arrêtée.
Où en est-on des relations entre l'Europe et l'Iran aujourd'hui ?
Ces relations sont tendues. Une grande question a longtemps été le programme nucléaire iranien. L'Union européenne a imposé avec les États-Unis des sanctions particulièrement strictes en réponse au développement de ce programme. Certaines devaient être levées cette année mais ont été maintenues face à la vente de drones et de missiles iraniens à la Russie qui les utilise en Ukraine. Puis des sanctions se sont également portées sur la violation des droits humains en Iran. Par exemple, en 2021, des hauts responsables de la sécurité en Iran ont fait l'objet de ces mesures européennes.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.