L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde », par Justin Horchler, étudiant à Sciences Po Bordeaux sur euradio cherche donc à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.
On parle beaucoup en ce moment d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale à l'encontre de dirigeants israéliens et du Hamas, mais qu'est ce que cela veut dire ?
Le procureur en chef de la Cour pénale internationale, Karim Khan, a demandé aux juges de sa Cour d'émettre un mandat d’arrêt contre des dirigeants israéliens, dont notamment le Premier ministre Benyamin Netanyahou et le ministre de la défense, Yoav Gallant. Parallèlement, il demande des mandats d'arrêt contre trois chefs du Hamas. Selon le procureur, il y a assez d'éléments pour présumer que des crimes internationaux ont été commis par les belligérants des deux côtés. A l'heure où je vous parle, ces mandats d'arrêts n'ont pas été émis, les juges doivent bientôt se pencher sur la recevabilité d'une telle demande. La réponse est attendue dans quelques semaines.
Quelle est la réaction de l’Union européenne ?
L'Union européenne est divisée sur le sujet. Certains États soutiennent l'initiative du procureur général de la Cour pénale internationale en estimant que les crimes de part et d'autre doivent être condamnés comme la Belgique. D'autres considèrent que cette décision donne une impression de fausse équivalence entre les dirigeants israéliens et les responsables du Hamas et regrettent de mettre sur le même plan ces deux acteurs comme la Tchéquie. En règle générale, les États européens comme l'Allemagne, l'Italie ou la France se livrent à un exercice d'équilibriste en déclarant respecter l'indépendance de la CPI tout en regrettant la demande de mandat d'arrêt contre des dirigeants israéliens.
Donc cette actualité met de nouveau en lumière les désaccords européens sur la question palestinienne ? Justin: Tout à fait. Nous avons d'un côté des États qui militent fortement pour un État palestinien et sont critiques vis-à-vis d'Israel cocmme l'Espagne, l'Irlande ou la Belgique, et d'un autre côté ceux qui sont des fervants défenseurs de l'État hébreu comme la Hongrie ou la Tchéquie. On peut constater ce désaccord par la réticence des dirigeants de l'Union européenne à réagir, ce qui indique qu'aucune position commune n'a été trouvée.
Les Européens semblent pourtant s'accorder à remettre en question l'accord d'association avec Israël ?
Oui. Les ministres des affaires étrangères de l'UE ont décidé à l'unanimité de convoquer Israël afin de discuter de l'accord d'association UE-Israël. Rappelons que l'article 2 de cet accord qui a été conclu en 2000 garantie le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques. En utilisant ce levier, les 27 renforcent la pression sur Israël, surtout considérant que l'Union est le premier partenaire commercial d'Israël. Certains espèrent que cela pourra encourager Israël à respecter le droit international.
Quelle est la différence entre la procédure devant la Cour pénale internationale et celle intentée par l'Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice ?
Justin: institutions n'ont pas la même compétence. La CPI est compétente pour juger certains crimes internationaux comme les crimes de guerre, contre l'humanité ou les génocides. La Cour internationale de Justice quant à elle est un organe judiciaire des Nations unies qui traite les différends entre États. Elle n’a pas compétence pour juger des individus ; son rôle est plutôt d'interpréter le droit international dans des cas qui concernent des États. L’Afrique du Sud avait saisi la CIJ contre Israël. Mi-mai, la CIJ a délibéré sur certaines demandes en imposant des mesures provisoires. Notons que les ordonnances de la CIJ sont certes juridiquement contraignantes mais elle n’a aucun moyen pour les faire respecter.
Quelles sont les obligations qui découleraient de l'émission d'un mandat d'arrêt contre des dirigeants israéliens ?
Tout simplement que ces dirigeants visés par les mandats d'arrêt ne pourront plus se rendre en Europe, ni même dans aucun État membre de la CPI, sous peine de se voir arrêté. En effet, les États dont les membres de l'Union européenne auront l'obligation dans cette hypothèse d'arrêter ces dirigeants. Cela compliquerait ainsi les relations internationales d'Israël.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron