La série « L’Europe et le Monde », par Justin Horchler, étudiant à Sciences Po Bordeaux sur euradio cherche donc à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.
La semaine dernière, la Commission européenne a publié des propositions pour renforcer la sécurité économique de l'Union. Que contient cette annonce ?
Les commissaires européens à la Concurrence et au Commerce ont présenté un paquet de 5 initiatives pour "limiter les risques". Les investissements étrangers feront l'objet d'une surveillance accrue, tandis que les exportations de technologies à des États rivaux seront mieux contrôlées. Un investissement posant un risque sur la sécurité de l'Europe pourra être bloqué après une analyse par les autorités d'un État membre. Cela concerne principalement les secteurs sensibles comme l'intelligence artificielle, les infrastructures, l’industrie quantique ou les biotechnologies. La coordination entre les différents États membres sur ces questions doit aussi être renforcée. Ces propositions doivent désormais être étudiées par les eurodéputés et les États membres.
Pourquoi la Commission a-t-elle fait cette annonce ?
Cette annonce est une réponse aux nouveaux risques qui pèsent sur l'Union européenne et les États membres. Le renforcement de la défense d'un État membre et de l'Europe passe bien sûr par le développement d'une défense traditionnelle, les armes notamment, mais aussi par le renforcement d'une défense que l'on peut qualifier de plus contemporaine. Cela inclut par exemple les risques cybers ou économiques qui sont de plus en plus fréquents, surtout depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie. On en a déjà parlé dans nos chroniques.
Ces mesures visent-elles un État en particulier ?
Officiellement non, même si la Commission se dit concernée par certains États sans pour autant les nommer. Officieusement cependant, l'Europe espère se défendre de la Chine tout particulièrement. En effet, il ne fait pas de doute que c'est l'État qui pose actuellement le plus de risques à la sécurité de l'Union. La Chine a d'ailleurs rapidement réagi suite à cette annonce. La chambre de commerce chinoise dans l'Union se dit préoccupée par ces mesures qui affecterons les échanges économiques. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois est aussi intervenu pour condamner des mesures qu'il juge anti-mondialistes et protectionnistes. Il a aussi encouragé le libre échange.
Et que pensent les États membres de cette annonce ?
Les États membres sont évidemment préoccupés par les risques qui pèsent sur leur sécurité économique, et sont généralement favorables au principe d'autonomie stratégique et au renforcement de leur sécurité. Néanmoins, il existe des réticences aux ambitions de la Commission. Les États membres ne souhaitent pas perdre leur compétence, dans le contrôle des investissements étrangers par exemple, même si ce n'est pas ce que la Commission propose. Pour l’instant seuls les États ont la compétence de bloquer un investissement. On est donc loin d’un gendarme européen de l’investissement étranger. Certains États craignent aussi que ces mesures ne limitent le libre échange.
Bruxelles utilise-t-elle uniquement le contrôle pour renforcer la sécurité de l'Union ?
Non, la stratégie de l'Union européenne pour renforcer sa sécurité repose également sur le développement de technologies stratégiques et une plus grande autonomie. L'idée est de produire davantage en Europe pour moins dépendre de l'étranger. Par exemple, nous sommes ambitieux sur la transition écologique, mais nous dépendons beaucoup de puissances comme la Chine dans notre approvisionnement d'équipement nécessaire à cette transition comme des panneaux solaires ou des puces électroniques. L'autre avantage de produire plus chez nous est que l'on réduit notre déséquilibre commercial, envers la Chine notamment.
Est-ce la première mesure de ce genre ?
Non, l'Union européenne s'engage de plus en plus sur ces questions depuis quelques années. Différentes mesures ont été prises dernièrement pour renforcer la sécurité du vieux continent et son autonomie. L'annonce de la semaine dernière est un nouvel exemple qui n'est pas révolutionnaire. Certains considèrent même que la Commission a revu à la baisse son ambition pour privilégier des intérêts politiques à court terme.
Et quels sont les effets secondaires de mesures protectrices comme celles-ci ?
Toute mesure a un coût. Cela peut affecter la compétitivité du marché européen. Les investisseurs étrangers seront réticents à choisir l'Europe si ils sont soumis à des contrôles trop contraignants. Ces annonces peuvent aussi créer des tensions avec des États comme la Chine. Si les outils législatifs présentés sont trop stricts, on peut s'attendre à des représailles des États étrangers ciblés.