L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde », sur euradio cherche donc à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.
C'est la fin des négociations entre l'Union européenne et l'Australie. Des pourparlers avaient débuté en 2018 sur un accord de libre échange mais sont désormais au point mort en raison de trop grands différends. Quels sont les principaux objectifs de ces négociations ?
Le principal objectif est de faciliter le commerce de certains produits entre les deux marchés. Les exportations australiennes vers l'Union européenne font l'objet de droits de douanes importants et de barrières non-tarifaires contraignantes. L'Australie est ainsi bien moins compétitive sur le marché européen que ses concurrents. Des entraves à la libre circulation des marchandises affectent également les produits européens. Donc l'idée d'avoir un accord permettant de faciliter les échanges entre les deux économies n'est pas nouvelle; on en parle depuis des années. Mais ce n'est qu'en 2018 que les négociations ont officiellement débuté.
Mais ces négociations n'ont pas toujours été faciles.
Oui, surtout en 2021 suite à l'annulation abrupte du contrat de sous-marins entre la France et l'Australie. On s'en rappelle, c'était le contrat du siècle selon la presse français. Cette rupture du contrat qui portait sur la commande de douze sous-marins fut considérée comme une trahison et une humiliation par Paris. Cet incident a eu une répercussion sur les relations de l'ensemble de l'Union avec l'Australie; les négociations commerciales furent interrompues momentanément.
En plus des tensions politiques externes aux négociations, il y a eu des divergences sur l'accord lui-même.
Oui en effet. Les exportations australiennes de certains produits furent l'objet de désaccords. Ce sont notamment le cas de la viande ovine et bovine ainsi que du sucre. Et en plus, les négociations se sont portées sur l'épineuse question des appellations d'origine protégée. Ce sont pour rappel ces labels créés en 1992 pour garantir le monopole d'une région déterminée sur ses savoir-faire et ses produits, notamment sur les fromages, vins, viandes… L'Australie ne souhaite pas garantir le monopole de la marque de certains produits aux producteurs européens. C'est un sujet sensible en Australie car des entreprises y produisent des produits similaires à ceux européens; c'est un héritage des différentes vagues de migration du vieux continent vers l'Australie qui ont apporté avec elles leurs méthodes de fabrication.
Pourquoi conclure cet accord aurait été particulièrement important sur le plan géopolitique ?
Parce que l'Australie est riche en matières premières qui sont très stratégiques. Des minéraux comme le lithium ou le cuivre sont essentiels pour la transition écologique par exemple ou la souveraineté. Le lithium est nécessaire à la fabrication de batteries électriques; vous comprenez donc l'importance de cette ressource, car nous dépendons de ces batteries; dans nos voitures, nos téléphones, nos équipements militaires… En concluant un accord de libre échange avec l'Australie, l'Europe aurait eu un meilleur accès aux gisements de certains minéraux et aurait été moins dépendante de la Chine ou de la Russie. De plus, l'Europe aurait pu renforcer sa présence dans la zone indo-pacifique.
Les négociations sont un échec, mais est-ce réellement la fin des pourparlers ou reprendront-elles dans le futur ?
On peut affirmer avec assez de certitude qu'il n'y aura pas d'accord de libre échange entre Bruxelles et Canberra dans le court et moyen terme. Même s' il y a eu plusieurs rebondissements depuis 2018, l'heure est au pessimisme. Les parties s'accusent mutuellement de ne pas avoir évolué dans leurs positions et de ne pas chercher le compromis. Un ministre australien pense qu'il faudra plusieurs années avant la reprise des négociations. Du côté européen, il faudra au moins attendre les élections européennes de juin 2024, et du côté australien les élections législatives de 2025. Même si les Européen•nes perdent à ne pas conclure avec Canberra, cette nouvelle est surtout décevante pour l'Australie qui a pour projet de diversifier ses échanges économiques et de pouvoir commercer plus facilement avec le marché européen.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.