Plongée dans les océans - Sakina Ayata

Le futur de nos côtes (1/2) 

Photo de Otto Kh - Pexels Le futur de nos côtes (1/2) 
Photo de Otto Kh - Pexels

"Plongée dans les océans", la chronique hebdomadaire qui vous transporte dans la faune et flore marine présentée par Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université.

Sakina, aujourd'hui vous allez nous parler du rapport du Réseau Action Climat, sortit en septembre 2024, sur l’impact du changement climatique en France. Que nous apprend ce rapport sur le futur des côtes françaises ?

Et bien, ce rapport rappelle que le risque de submersion de nos côtes augmente avec le changement climatique. Pour rappel ce dernier est déjà responsable en France d’une augmentation de la température moyenne de 1,9°C, et cette augmentation pourrait même atteindre + 4°C à la fin du siècle avec les politiques actuellement en œuvre. Avec ce réchauffement, le niveau de la mer augmente, d’une part à cause de la fonte des glaciers, d’autre part car plus l’océan se réchauffe, plus il se dilate et prend la place.

Et donc le niveau de la mer augmente en ce moment même ?

Oui ! Le Réseau Action Climat rappelle qu’à Boulogne-sur-Mer le niveau de la mer a déjà augmenté de plus de 12 cm, pour près de 20 cm à Marseille, à Brest ou en Normandie ! Et ceci va continuer. D’ailleurs, il est maintenant sûr qu’on va atteindre les 2 mètres d’élévation du niveau de la mer… Ce sera pour après 2 300 si l’Accord de Paris est respecté, mais ceci pourrait arriver dès la fin du siècle selon les scénarios les plus pessimistes…

Et quels sont les conséquences de l’augmentation du niveau de la mer et que l’on observe déjà en France ?

Lorsque le niveau de la mer monte, les populations côtières doivent faire face à l’érosion, au recul du trait de côte, à la submersion des zones côtières. Ceci entraine aussi une salinisation de nappes phréatiques et des eaux habituellement utilisées pour l’agriculture. Ceci provoque également la destruction des écosystèmes côtiers mais aussi la destruction d’habitations et d’infrastructures.

D’ailleurs, un décret de juillet 2023 prévoit que 242 communes françaises doivent prendre des mesures spécifiques d’urbanisme et d’aménagement du littoral contre l’érosion. Surtout qu’en plus de la montée des eaux, ces communes littorales doivent aussi faire face à des tempêtes côtières plus fréquentes et plus fortes.

Et toutes les côtes françaises sont touchées ?

Oui, même si près de 40% des communes concernées par ce décret sont situées en Bretagne, et pour la moitié dans le Finistère. Le rapport du Réseau Action Climat souligne ainsi les menaces pour de très nombreux sites touristiques comme la Presqu’ile de Quiberon ou encore la ville de Saint-Malo, où 25 000 habitants vivent déjà sous le niveau de la mer. Mais toutes nos régions côtières sont concernées, aussi bien le long de la Manche, de l’Océan Atlantique, de la Méditerranée, ou dans les Outre-mer.

Ainsi, dans le territoire des Wateringues, un polder entre Calais, Dunkerque et Saint-Omer, c’est 400 000 personnes qui vivent sur cette étendue artificielle située sous le niveau de la mer. En Nouvelle Aquitaine, les habitants d’un immeuble de Soulac-sur-mer sont devenus les « premiers réfugiés climatiques de France » après la destruction de ce dernier en 2023, seulement 56 ans après sa construction.

Rien que dans la métropole de Bordeaux, c’est 85 000 à 115 000 habitats permanents qui seraient situés en zones potentiellement inondables.

Au total, en France, c’est 1,5 millions de personnes qui sont exposées au risque de submersion.

Sakina, quelles stratégies peuvent être adoptées pour s’adapter à cette hausse inéluctable du niveau des mers ?

Face à cette menace, on cite souvent trois stratégies : défendre, subir ou reculer. On peut donc tout d’abord renforcer les digues, mais elles deviendront inefficaces au bout d’un moment et peuvent même augmenter l’érosion, créant de la maladaptation (soit une mesure d’adaptation inefficace). Ensuite, on peut adapter les installations côtières, en acceptant que celles-ci ne seront pas éternelles. Enfin, la dernière stratégie est de reculer, et donc relocaliser les infrastructures et les activités vers l’intérieur des terres… Les 16 000 habitants des atolls de Tuamotu, en Polynésie Française, qui culminent pour la plupart entre 3 et 6 mètres d’altitude, seront à terme forcés à quitter leurs atolls et à migrer, avec le risque de perdre leur culture et leur identité. Les écosystèmes marins de nos côtes sont également menacés : je vous en parlerai dans une prochaine chronique !

Le rendez-vous est pris. Merci Sakina et à bientôt.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.