Nous retrouvons Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université pour sa chronique "Plongée dans les océans".
Sakina, cette semaine vous allez nous parler de sardine.
Oui, et plus particulièrement de la sardine d'Europe, au doux nom latin de Sardina pilchardus, et que l'on retrouve en Atlantique Nord-Est, de l'Islande et la Norvège au Nord jusqu'au Sénégal au Sud, et en Mer Méditerranée jusqu'à la Mer Noire à l'Est.
Sakina, même si tout le monde a probablement déjà vu une sardine sur l'étal du poissonnier, pouvez-vous rapidement nous rappeler à quoi elle ressemble ?
La sardine est un petit poisson de forme allongée et fusiforme d'une vingtaine de centimètre. Son dos est plus foncé et des motifs irisés contrastés aux reflets vert émeraude ou bleu turquoise. Après la mort du poisson, la couleur du dos vire rapidement du vert au bleu franc et c'est plutôt à cette couleur que l'on est habitué. Son corps est comprimé latéralement, avec une section ovale, et ses flancs sont argentés. Son ventre est plus clair, d'un gris brillant. Elle dispose aussi d'une petite nageoire dorsale et de petites nageoires pelviennes. Ses écailles se détachent relativement facilement et elle possède un opercule strié bien caractéristique.
Et la sardine est un poisson de pleine eau, c'est ça ?
Oui, la sardine est une espèce marine qu'on appelle pélagique car elle vit dans la colonne d'eau. Elle fait partie du necton, par opposition au plancton, car elle est capable de se déplacer contre les courants. Et on la retrouve de la côte jusqu'au large, entre la surface et une profondeur d'environ 100 m. Elle vit en bancs, qui peuvent être très denses.
Et ça mange quoi, une sardine ?
Et bien la sardine est carnivore. Elle mange du zooplancton et raffole en particulier des copépodes. Mais on trouve parfois aussi dans son tube digestif du phytoplancton qu'elle mange un peu par accident, car elle se nourrit par filtration. Pour ça, elle se déplace la bouche ouverte, et ses proies sont filtrées et retenues par ses branchies lorsque l'eau ressort. La sardine se nourrit plutôt la nuit : elle remonte alors près de la surface pour suivre les migrations verticales de ses proies.
Oui, vous nous aviez en effet parlé des migrations jour/nuit du zooplancton.
Et comment se reproduit-elle ?
La sardine atteint sa maturité sexuelle quand elle mesure 10 à 20 cm, selon les populations. Elle se reproduit à proximité des côtes entre octobre et juin, avec un pic entre décembre et mars. La femelle va pondre jusqu'à 60 000 œufs, pas encore fécondés, qui vont remontés vers la surface car il sont moins denses. Puis la fécondation par la laitance du mâle se fait dans l'eau. C'est donc une fécondation externe. Une fois fécondés, les œufs vont éclore au bout de quelques jours pour donner naissance à une petite larve, d'à peu près quatre millimètres de long, et qui se transformera en juvénile au bout d'une dizaine de jours.
Et quel rôle joue-t-elle dans les écosystèmes marins ?
La sardine est une espèce fourrage, ça veut dire qu'elle sert de nourriture pour de nombreuses espèces marines, en particulier de plus gros poissons, mais aussi des oiseaux et des mammifères marins. Les petits poissons qui servent d'espèces fourrages jouent donc un rôle central dans les réseaux alimentaires marins, puisqu'ils se nourrissent de plancton et sont mangés par de nombreux carnivores.
D'ailleurs, parmi ses carnivores, on trouve les humains, puisque les sardines sont pêchées.
Oui, c'est vrai ! Et la pêche à la sardine joue un rôle économique important tout le long des côtes atlantiques et méditerranéennes. Pour la pêche à la sardine, on utilise historiquement un filet droit, toujours utilisé dans les pêcheries traditionnelles, et on utilise maintenant la pêche à la senne. Les sennes sont des filets de taille rectangulaires qui sont utilisés en surface pour encercler les bancs de poissons. Pour la pêche à la sardine, on utilise une senne tournante et coulissante, qui permet d'encercler les bancs de poussons détectés au sonar. On utilise aussi, plus accessoirement, le chalut pélagique.
Et comment se portent les stocks de sardines ?
Et bien ils ont énormément diminué depuis une dizaine d'années. Il y a beaucoup moins de sardines et elles sont beaucoup plus petites. Mais ceci ne serait pas dû à un problème surpêche, à une consommation accrue par les prédateurs ou à des maladies, mais plutôt à des changements dans les communautés planctoniques et donc leur nourriture. Et en effet, des recherches menées à l'IFREMER suggèrent que les sardines sont plus petites car leurs proies sont plus petites. Et comme elles se nourrissent par filtration, pour une certaine quantité de proie, capturer des proies plus petites coute plus d'énergie que de capturer des proies plus grandes. Les sardines sont alors plus petites, plus maigres, se reproduisent moins bien et vivent moins longtemps. Des travaux sont en court pour approfondir nos connaissances sur l'état des stocks de sardines et mieux anticiper les répercutions sur les pêcheries.
Sakina Ayata au micro de Cécile Dauguet
Tous les épisodes de "Plongée dans les océans" sont à retrouver ici