Nous retrouvons Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université pour sa chronique "Plongée dans les océans".
Sakina, cette semaine vous allez nous parler de robots sous-marins. Il existe donc des robots capables d'aller dans la mer ?
Oui, et figurez-vous qu'il en existe de toutes sortes ! Car certains de ces robots servent, par exemple, à inspecter les coques des navires, d'autres à explorer les très grands fonds au niveau des dorsales océaniques, d'autres encore à mesurer la turbulence ou d'autres propriétés physiques des océans. Mais aujourd'hui je vais vous parler de robots que l'on appelle aussi des "flotteurs-profileurs".
Des "flotteurs-profileurs", qu'est-ce que c'est ?
Et bien pour étudier les océans, l'intelligence artificielle sert à de nombreuses choses. Je vous avais par exemple parlé de la reconnaissance automatique d'image de plancton. On peut aussi l'utiliser pour fabriquer des robots autonomes chargés de l'inspection et de la maintenance des coques de navires. En fait, l'utilisation de l'intelligence artificielle est de plus en plus utilisée pour étudier les océans, en particulier avec l'arrivée de données massives qui nous renseignent sur l'état des océans.
Et que va faire ce "flotteur-profileur" à 1000 m de fond ?
Et bien, il va s'éteindre et il va rester là 9 jours, en se laissant dériver à 1000m de profondeur au grès des courants. Puis, au 10ème jour, le robot se réveille, descend à 2000 m, puis tous ses capteurs se mettent en marche. Le flotteur-profileur remonte alors verticalement jusqu'à la surface en 6 à 12 heures. Une fois à la surface, il transmets ses données par satellites grâce à son antenne. On peut ainsi les obtenir très rapidement. Le flotteur-profileur fait ainsi des profils verticaux tous les 10 jours environ et sa durée de vie est de l'ordre de 3 ans.
Donc lorsqu'il remonte dans la colonne d'eau, tous ces capteurs sont allumés et il va prendre des mesures, c'est ça ?
Oui, c'est ça ! En remontant, le robot va enregistrer la profondeur à laquelle il se trouve et il va mesurer la température et la salinité de l'eau. Il a aussi une balise GPS pour enregistrer sa position. Sur les flotteurs-profileurs que l'on appelle BGC-Argo il y aussi des capteurs pour mesurer la concentration en oxygène et en nitrate, mais aussi le pH de l'eau pour mesurer l'acidification des océans. Les flotteurs BGC-Argo mesurent aussi la lumière, puisqu'entre 200 et 1000m on se trouve dans une zone crépusculaire, c'est-à-dire de pénombre. Enfin, les flotteurs-profileurs de toute dernière génération peuvent aussi prendre des images du plancton.
Ces robots sont donc équipés de ces caméras miniatures dont vous nous aviez parlé il y a peu alors ?
Oui, exactement ! Ces caméra prennent aussi des images des particules qui sédimentent dans l'océan, et qui forment ce que l'on appelle la "neige marine", ce qui permet d'estimer la quantité de carbone qui tombe dans les océans, et qui est ainsi exporté vers les profondeur ou ce carbone sera stocké pour très longtemps. C'est ce que l'on appelle la "pompe à carbone biologique" et ce phénomène contribue à la régulation du climat.
Et il y a beaucoup de ces robots qui sillonnent actuellement les mers ?
Oui, car aujourd'hui plus de 3000 flotteurs parcourent les océans et prennent des mesures de manière automatique. Et il est prévu d'en déployer d'avantage, en particulier dans les zones les moins bien connues des océans. Et grâce à toutes ces données récoltées de manière autonome par ces flotteurs-profileurs, on pourra en particulier étudier les zones très pauvres en oxygène et les migrations verticales que font parfois les organismes planctoniques entre le fond et la surface. Mais ça, je vous en parlerai la prochaine fois.
Sakina Ayata au micro de Cécile Dauguet
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