Aujourd'hui, nous retrouvons Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université, pour sa chronique "Plongée dans les Océans" sur euradio.
Aujourd'hui vous allez nous parler de l'ormeau.
Oui, l'ormeau, aussi appelé abalone, haliotis, oreille de mer, ou encore oreille de Vénus, est un mollusque gastéropode, comme les escargots, mais dont la coquille a une forme d'oreille caractéristique, percée de quelques trous alignés. L'espère d'ormeau que l'on retrouve sur nos côtes hexagonales, en Manche et en Atlantique, a pour nom latin Haliotis tuberculata.
À quoi ressemble-t-il ?
Et bien sa coquille, de forme ovale et allongée, ressemblant un peu à une oreille donc, fait entre 8 et 11 cm de long pour environ 6 cm de large. Elle est souvent recouverte d'organismes encroûtants, en particulier lorsque l'ormeau est âgé : on y retrouve fréquemment divers microorganismes, mais aussi des tubes calcaires de vers tubicoles, des éponges, ou des balanes. La coquille possède aussi sur le dessus, 3 à 6 trous arrondis bien alignés. L'intérieur de la coquille, que l'on peut voir lorsque l'animal est mort, est très nacré. Le bord du corps mou de l'ormeau, que l'on appelle manteau, est de couleur brun-vert et possède de nombreux tentacules sensoriels qui lui permettent d'explorer son environnement. Sa tête se situe à l'avant de son corps et possède deux yeux de couleur bleue, bien visibles. Enfin, son pied est large et très puissant et lui permet de s'attacher très solidement au substrat.
Où vit-il ?
L'ormeau est un animal benthique, c’est-à-dire qu'il vit au niveau du fond des océans. On le trouve uniquement sur substrat rocheux, depuis la zone de balancement des marées jusqu'à une quinzaine de mètres de profondeur. On le retrouve quasi exclusivement dans des failles de la roche, sous les blocs rocheux ou sur les faces inférieures des pierres.
Comment se reproduit-il ?
Il existe des ormeaux mâles et des ormeaux femelles et la fécondation est externe. Comme beaucoup d'organismes marins, leur cycle de vie est bentho-pélagique, c'est-à-dire que si les adultes sont benthiques, i.e. inféodés au substrat, leurs larves sont pélagiques, i.e. libres dans la colonne d'eau. Au moment de la ponte, près de deux millions d'œufs sont libérés, mais seulement quelques uns donneront des larves. Chez les larves, on distingue deux stades, comme chez les moules dont je vous ai déjà parlé. Le premier stade larvaire est le stade trochophore, il ressemble à une petite bille, coiffée d'une couronne de petits cils, qui rappelle la forme d'une roue. Puis, la larve trocophore se transforme en larve véligère qui possède un voile couvert de cils que l'on appelle le velum. Au bout de 5 à 6 jours, les larves sont prêtes à se métamorphoser et tombent au fond de l'eau pour devenir de jeunes ormeaux. Ceux-ci vont ensuite grandir de 1 à 2 cm par an pour atteindre une taille adulte de 8 cm au bout de 5 ans.
Dites-nous, qu'est-ce que ça mange un ormeau ?
L'ormeau est un herbivore brouteur. Comme les escargots, il possède au niveau de la bouche une radula, qui leur permet de brouter les algues. Les adultes se nourrissent de macroalgues rouges, mais aussi de macroalgues brunes ou vertes. Les juvéniles eux se nourrissent de microalgues, comme les diatomées ou des microalgues encroûtantes.
Et a-t-il des prédateurs ?
Oui, en particulier l'étole de mer, les poulpes, et certains poissons et crustacés. Mais il est également pêché par l’homme·la femme, car sa chaire au goût de noisette et légèrement iodée, parfois rappelant le veau, est très réputée.
Comment est-il pêché ?
En France, la pêche est extrêmement réglementée, afin de protéger les stocks de cette espèce fragile. On ne peut le pêcher qu’à pied, du 1e septembre au 14 juin, le jour, sans outils, en gardant toujours ses pieds en contact avec le sol et sans plonger. Interdiction donc d'utiliser un masque ou un tuba, ou un scaphandre. Enfin, la taille minimale de capture est de 9 cm et on ne peut pas pêcher plus de 20 ormeaux par personne et par jour. En France, les pêcheur·ses professionnels les pêchent principalement autour des îles Anglo-normandes que sont Chausey, Jersey, Guernesey et Aurigny. Mais il existe maintenant une filière d'aquaculture, en particulier en Bretagne et en Normandie. Pour cela, des géniteurs sont sélectionnés dans le milieu naturel et se reproduisent en écloserie. Puis les larves et les jeunes sont nourris de microalgues puis de macroalgues. Ensuite, les ormeaux sont élevés soit dans des bassins, soit en pleine mer dans des cages posées dans leur milieu naturel, et ils sont nourris d'algues fraîches récoltées localement.
Entretien réalisé par Cécile Dauguet.
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