"Plongée dans les océans", la chronique hebdomadaire sur euradio qui vous transporte dans la faune et flore marine présentée par Sakina-Dorothée Ayata, maîtresse de conférences en écologie marine à Sorbonne Université.
Lors d'une précédente chronique vous nous aviez parlé des limaces de mer, et en particulier des nudibranches, qui sont de redoutables carnivores aux couleurs bariolées. Aujourd'hui, il va à nouveau être question de limaces, mais cette fois de limaces qui avancent à l'énergie solaire.
Et oui. Aujourd'hui, je vais vous parler des sacoglosses, un ordre de limaces de mer herbivores, dont certaines sont des voleuses de chloroplastes.
Pouvez-vous rappeler pour nos auditrices et auditeurs ce qu'est un chloroplaste ?
Oui, le chloroplaste c'est l'usine à sucre des cellules photosynthétiques. Les chloroplastes sont des organites, recouverts d'une membrane, que l'on trouve dans les cellules des plantes et des algues et qui leur permet de réaliser la photosynthèse. En effet, les chloroplastes contiennent des pigments colorés qui captent l'énergie du soleil. Via le transport d'électron dans les membranes internes des chloroplastes, cette énergie lumineuse est convertie en énergie chimique, et permet ensuite de fabriquer du sucre à partir d'eau et de dioxyde de carbone, le CO2.
Et donc ces limaces de mer herbivores sont capables de voler les chloroplastes de leur nourriture, c'est bien ça ?
Oui, exactement ! On dit que ces limaces de mer sont des kleptoplastes, des voleuses de plastes. Elles deviennent donc vertes à force de manger et de stocker les chloroplastes de leur nourriture. C'est vraiment exceptionnel dans le monde animal car les seuls autres organismes connus pour faire ça n'ont qu'une seule cellule (ce sont les protistes mixotrophes).
À quoi ça leur sert ?
Alors, là, c'est un peu controversé. Certains pensent que garder des chloroplastes intacts dans leur tube digestif leur permet de les manger plus tard, comme un encas. Mais des études récentes menées par des collègues portugais, en collaboration avec des collègues de l'université de Nantes et du Muséum National d'Histoire Naturelle à Concarneau, ont montré que cette stratégie permettait à l'élysie timide, une espèce de limace de mer de l'ordre des sacoglosses, d'avoir un meilleur succès reproducteur.
À quoi ressemble l'élysie timide ?
C'est une petite limace de mer, qui fait 12 millimètres maximum. Son ventre est plutôt blanc, avec de petits points rouges, et son dos est vert, à cause des chloroplastes qu'elle a volé à sa nourriture et qui peuvent rester actifs pendant 45 jours, dans des ramifications spécialisées de sa glande digestive. On la trouve en Méditerranée, dans les herbiers et sur les fonds durs couverts d'algues vertes, comme le codium. En faisant remonté latéralement les bords de son corps, appelés parapodies, elle peut cacher son dos vert. Ceci lui permet de moduler les capacités photo-synthétiques des chloroplastes qu'elle héberge. Enfin, sa tête possède deux rhinophores, sorte de grosses antennes lisses et allongées, qui lui permettent de "sentir" son environnement et à la base desquelles se trouvent deux petits yeux noirs appelés tâches oculaires. Elle est vraiment petite mais a une allure très caractéristique. Vous saurez la reconnaître si vous la croisez !
Entretien réalisé par Laurence Aubron.