Entendez-vous la Terre ?

Contamination de l’eau potable au TFA

Photo de engin akyurt sur Unsplash Contamination de l’eau potable au TFA
Photo de engin akyurt sur Unsplash

« Entendez-vous la Terre ? », c’est le nom que porte la chronique réalisée par Fanny Gelin, étudiante en master Affaires Européennes à Sciences Po Bordeaux, qui décode pour vous chaque jeudi l’actualité environnementale de l’Union européenne.

Alors Fanny, quels ont été les moments verts de la semaine ?

La Terre nous parle d’une nouvelle alerte sur la qualité de l’eau potable cette semaine. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, plus communément connue sous l’abréviation Anses, a révélé une contamination massive de l’eau potable en France par le TFA.

Qu’est-ce donc que le TFA ?

Le TFA, c’est le petit nom donné à l’acide trifluoroacétique. Vous avez peut-être déjà entendu parler des polluants éternels, les fameux PFAS. Eh bien, le TFA est la plus petite mais aussi la plus répandue de ces substances. Il faut dire que leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes, résistantes aux fortes chaleurs leur ont valu une grande popularité dans le secteur de l’industrie, des produits de beauté, des mousses ignifuges, des poêles, des emballages alimentaires ou des intrants agricoles. Mais ces propriétés ont beau être très pratiques, elles ne sont pas sans conséquences…

C’est-à-dire ? Pouvez-vous nous en dire plus ?

La relative stabilité chimique de ces substances garantit leur persistance dans l’environnement sur le long terme, d’où leur qualification de polluants éternels. Et à force de s’accumuler dans nos organismes comme dans l’environnement, ces molécules deviennent hautement toxiques, cancérogènes et reprotoxiques.

Mais alors, compte tenu des conséquences graves de ces substances sur notre santé et celle de la Terre, une interdiction des PFAS a-t-elle été envisagée ?

Une proposition de loi a effectivement été portée par le député écologiste Nicolas Thierry et adoptée en février 2025 pour interdire les PFAS en France. Cependant, ce texte avait vu sa portée restreinte par le lobbying des poêles antiadhésives. En 2026, ce sont donc les cosmétiques, les vêtements, les chaussures et les farts pour les skis qui seront interdits. En 2030, viendra le tour de l’ensemble des textiles. Par contre, rien sur les intrants agricoles, les emballages alimentaires et les ustensiles de cuisine… Mais cette loi reste une véritable avancée car elle prévoit un contrôle des PFAS dans l’eau potable.

Est-ce que c’est ce qui pourrait expliquer le rapport de l’Anses sur le TFA ?

Il est effectivement probable que cette analyse ait été réalisée pour anticiper la publication d’un décret d’application prévoyant un contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine. Pendant longtemps, on a pensé que les PFAS était peu présents. Mais c’était tout simplement parce que leur concentration n’était pas contrôlée. Ce rapport sur le TFA est donc d’une grande importance. Cependant, trois ombres noircissent ce tableau…

Quelles sont-elles ?

Premièrement, le décret d’application prévu par le gouvernement prévoit de fixer un seuil de PFAS « acceptable », ce qui restreint la portée de l’interdiction aux plus grandes pollutions. Deuxio, le TFA est issu de la dégradation de multiples polluants éternels, mais il est également un métabolite de plusieurs pesticides épandus dans les champs. Et si vous vous souvenez bien, les pesticides en question ne sont pas interdits par la loi PFAS. Donc la présence du TFA dans 92% de nos eaux du robinet ne risque pas de s’améliorer, bien au contraire. Enfin, la dernière ombre est celle de l’absence de réglementation globale sur les PFAS à l’échelle européenne.

Pourtant, en 2020, une directive a été adoptée par l’Union européenne sur la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine…

C’est juste Laurent. Cette directive a été un premier pas vers le contrôle de 20 PFAS dans les eaux européennes. Mais c’est une goutte d’eau dans un vaste océan car la famille des PFAS comprend plus de 4000 composants différents ! Il s’agirait plutôt d’adopter une interdiction généralisée de ces molécules, à l’exception évidemment des équipements de sécurité comme les mousses anti-incendie. Car cette pollution de l’eau, de l’alimentation et de l’environnement ne s’arrête pas à la frontière. La Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne, le Danemark et le Nord de l’Italie sont particulièrement concernés. Ou bien ce sont ceux qui contrôlent le plus leurs eaux. Car en l’absence de données scientifiques, la pollution n’existe pas. Magie ou déni, à vous de me le dire !

Merci Fanny. Je rappelle que vous êtes étudiante en master Affaires Européennes à Sciences Po Bordeaux.

Un entretien réalisé par Laurent Pététin.