Plan de relance européen, La Hongrie et la Pologne mettent toujours leur véto ; République Tchèque, le premier ministre soupçonné de conflit d'intérêt pour son entreprise Agrofert ; Estonie, la construction de la statue du Baron sanglant crée la polémique.
La Hongrie et la Pologne bloquent l’adoption du prochain budget européen et du gigantesque plan de relance qu’il devient urgent de valider ! Depuis plusieurs mois, ils refusent que l’octroi de ces fonds soit lié au respect de l’Etat de droit. Rappelons en effet que les deux pays sont régulièrement dénoncés par la Commission pour leurs réformes anti-démocratiques. Pouvez-vous expliquer comment la Commission prévoit de contourner leur refus ?
Les dirigeants européens se rencontrent les 10 et 11 décembre pour discuter du veto hongrois et polonais. Pour rappel, il s’agit d’un budget de 1.800 milliards à répartir entre les Etats membres. Ce montant comprend le budget pour 2021-2027 et l’emprunt pour le plan de relance lié à la crise sanitaire. La Hongrie et la Pologne ont en effet bloqué le processus d’adoption du budget. Et aussi la décision qui permet à l’UE d’emprunter de l’argent pour le plan de relance.
A ce jour, la Commission n’a pas encore évoqué de plan précis pour résoudre cette impasse. Néanmoins, une option serait de conclure un accord intergouvernemental. Les Etats membres se répartiraient alors les fonds entre eux. Rien n’est sûr en ce qui concerne les parts de la Hongrie et de la Pologne.
Budapest et Varsovie dénoncent un asservissement politique. Ils refusent catégoriquement de cautionner un système qui lie l’octroi de fonds européens au respect de l’Etat de droit. Que se passerait-il si aucun accord n’est trouvé ?
L’Union européenne devra alors fonctionner selon un système provisoire. Chaque partie du budget sera alors financée à hauteur d’un douzième du montant total, et ce à renouveler chaque mois. Dans ce cas-ci, l’UE ne pourra s’engager dans des projets d’envergure ni effectuer des remboursements. Par exemple, le projet Horizon Europe devra attendre. Celui-ci prévoit d’investir 100 milliards dans la recherche et l’innovation.
Autre difficulté, le premier ministre slovène, personnalité plus que particulière, vient de se joindre à la fronde de Budapest et Varsovie. Les négociations risquent d’être tendues, surtout dans le contexte actuel de difficultés économiques et sanitaires.
Dirigeons-nous vers la République Tchèque ! La Commission européenne a conclu une enquête concernant le premier ministre Andrej Babiš. Celui-ci a enfreint le droit européen en matière de conflit d’intérêt. Pouvez-vous nous dire sur quoi se base la Commission ?
Oui, Andrej Babiš est accusé depuis plusieurs années d’utiliser sa position de premier ministre pour favoriser son entreprise, Agrofert. Il s’agit d’un conglomérat de l’agroalimentaire dont il est le fondateur. Andrej Babiš a toujours déclaré ne plus avoir de lien avec son entreprise. Néanmoins, la Commission ne croit pas à cette version. Elle a conclu que son entreprise Agrofert a bien bénéficié de différents fonds européens. Notamment en raison du fait qu’il a participé à la prise de décision concernant ces subsides.
Agrofert est belle et bien omniprésente en République Tchèque. A tel point que des citoyens se sont mobilisés pour lutter contre ce quasi-monopole.
Tout à fait ! Aujourd’hui, il est tellement difficile de ne pas acheter ses produits, que des Tchèques ont développé une application pour contourner la firme du premier ministre. Celle-ci permet de scanner un produit en magasin et de voir s’il est lié ou non à Agrofert. Celle-ci s’appelle « Sans Andrej ».
Le gouvernement tchèque a maintenant 3 mois pour répondre aux recommandations de la Commission. Celles-ci impliquent notamment de déclarer l’octroi de fonds européens de plus de 10.000 euros au bureau anti-corruption de l’UE.
Terminons par un saut en Estonie. Le gouvernement alloue 40.000 euros à la construction d’une statue controversée. Une ONG prévoit d’honorer une figure historique surnommée le Baron sanglant. Un projet qui ne plaît pas à tout le monde.
En effet, tenez-vous bien, le baron von Ungern Sternberg a un curriculum haut en couleurs. Il a combattu durant la guerre civile russe contre les bolchéviques à partir de 1917. Il était réputé être un antisémite notoire et pour ses pratiques sanguinaires. A l’été 1920, il passe en Mongolie et repousse les Chinois qui occupent la capitale. Il tente d’y établir une monarchie théocratique bouddhiste. Puis en 1921, il est capturé par les bolchéviques et est exécuté.
Ce projet fait polémique car il s’inscrit dans un système d’octroi de fonds plutôt controversé.
Tout à fait ! En Estonie, le gouvernement propose un mécanisme de financement appelé « argent de protection ». Les partis politiques ont accès à de l’argent public pour financer des projets. Les bénéficiaires sont des ONG, des groupes religieux, des associations sportives et des infrastructures. Cette année, les trois partis de la coalition ont fait la demande conjointement et ont reçu 6.4 millions d’euros. De son côté, le parti libéral estonien refuse de bénéficier de ce mécanisme qu’il considère comme de la corruption. En août, une association anti-avortement a bénéficié de 140.000 euros, ce qui a généré beaucoup de critiques.
De plus, les discours historiques estoniens et russes sont très opposés depuis la chute de l’URSS. L’Estonie voit cette période comme une oppression, ce que le discours officiel russe contredit. Dans un climat aujourd’hui de forte méfiance envers la Russie, les conservateurs estoniens tentent de réaffirmer leur identité nationale, si nécessaire en honorant une personnalité controversée mais anti-soviétique.
Victor D’Anethan – Thomas Kox
crédits photo: USA-Reiseblogger