Faut-il et peut-on annuler la dette de la BCE ? Le débat est lancé en Europe ; malgré une nette augmentation, le budget militaire allemand n'atteint toujours pas les objectif de l'OTAN ; nouveau gouvernement en vue pour l'Italie ? ; expulsion d'un camp de Roms dans le Nord de la France.
Annulation de la dette de la BCE - Est-ce possible ?
Commençons cette édition avec un débat qui a resurgi au sein des cercles d’économistes européens : faut-il oui ou non annuler la dette des Etats européens ? Vendredi 5 février, plus d’une centaine d’économistes ont demandé à la Banque centrale européenne d’agir vers une annulation d’une partie des dettes publiques qu’elle détient.
En effet, chaque année, les Etats consacrent une part de leurs richesses au paiement des intérêts et au remboursement de leur dette publique. Or, près de 30% de cette dette est détenue par la BCE, ce qui fait des Etats membres de l’UE en quelque sorte les débiteurs et créanciers de leur propre dette. Ce collectif d’économistes parmi lesquels le français Thomas Piketty a ainsi demandé de la supprimer pour que les Etats consacrent toutes leurs ressources à la relance post-épidémie.
La présidente de la BCE vient de répondre publiquement qu’elle considère totalement “inenvisageable” d’annuler cette dette. Qu’est-ce qui justifie cette franche opposition de la part de Christine Lagarde ?
Le Traité de Lisbonne et le droit européen interdisent strictement à l’Union le financement monétaire des Etats. Pour que l’Europe accepte que les Etats ne la remboursent pas, il faudrait que les 27 chefs d’Etat décident à l’unanimité de modifier ce traité. La BCE avait elle-même encouragé cet endettement des européens sous la présidence de Mario Draghi, et Christine Lagarde a renouvelé sa confiance dans la capacité des Etats à payer leur dette.
Cette volonté d’achat des dettes publiques par la BCE est telle qu’aujourd’hui les Etats empruntent avec des taux d’intérêts négatifs.
Oui, ce qui signifie que soulager les États de ces paiements d’intérêts ne libérerait pas un budget si important. Sans parler de l’inquiétude des autres créanciers qui verraient les Européens annuler certaines de leurs dettes.
Allemagne, un budget militaire en nette augmentation
Dirigeons-nous maintenant vers l’Allemagne, qui a publié l’état de ses dépenses militaires réalisées sur l’année 2020. Un budget militaire en nette augmentation même s’il n’atteint toujours pas l’objectif souscrit par les Européens envers l’OTAN, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord.
Selon l’Agence de presse allemande, en 2020 le gouvernement allemand a augmenté son budget défense de 3,2%, avec plus de 53 milliards d’euros dépensés. Mais ce montant reste largement en dessous des 2% de PIB que tous les membres de l’OTAN se sont engagés à atteindre.
Les Etats-Unis sont les premiers contributeurs au budget de l’Alliance transatlantique, et critiquent depuis longtemps le sous-investissement des Européens dans la sphère militaire. Barack Obama le répétait déjà pendant ses deux mandats et Donald Trump n’a cessé lui aussi, mais avec ses mots, de houspiller les Européens sur cette question. En juin 2020, Donald Trump avait d’ailleurs annoncé le retrait de 25 000 soldats stationnés en Allemagne.
Oui, et si le nouveau président Joe Biden a suspendu le retrait des troupes, c’est seulement de manière provisoire. En ce qui concerne la participation insuffisante des Européens, Biden l’avait annoncé dans sa campagne et le mois dernier, l’ancien secrétaire général de l’OTAN Anders Fogh Rasmussen l’a confirmé : “les Européens ne doivent pas s’attendre à s’en tirer parce que Joe Biden a pris la présidence.”
Mario Draghi, futur chef du gouvernement italien ?
Évoquons à nouveau l’italien Mario Draghi, non pas en tant qu’ancien directeur de la BCE, mais dans sa tentative de formation d’un gouvernement pour l’Italie, après que le président de la république Sergio Mattarella le lui ait demandé. On le rappelle, le pays est sans gouvernement depuis l’annonce le 25 janvier de la démission du président du conseil Giuseppe Conte.
Oui, l’ancien président de la Banque centrale européenne a accumulé une solide réputation d’efficacité lors de la crise de l’euro en 2011. Ses compétences techniques sont considérées comme un atout par les Italiens, à l’heure où le pays doit décider comment utiliser les 209 milliards d’euros qui lui sont attribués par le plan de relance européen.
Mario Draghi vient de décrocher une première victoire politique, puisque l’ensemble des groupes politiques ont affiché leur soutien à son leadership, bien que le programme de ce gouvernement Draghi reste encore à éclaircir.
Oui, Mario Draghi a obtenu le soutien du groupe libéral-conservateur Forza Italia, celui des sociaux-démocrates, et celui du Mouvement 5 étoiles. Même le dirigeant du parti d’extrême droite La Lega Matteo Salvini a donné son accord et promis d'abandonner sa posture europhobe.
Les Roms, une communauté précaire en Europe
Terminons cette édition avec la récente expulsion d’un camp de Roms dans le Nord de la France qui remet l’accent sur la précarité de cette communauté en Europe.
En effet, la police a procédé à l’expulsion d’un camp près de Lille en France. Ses habitants appartiennent à la communauté Rom, ils sont d’origine roumaine et sont donc citoyens de l’Union européenne. Mais les autorités françaises les ont renvoyés en Belgique, pays par lequel ils avaient transité. La préfecture du Nord a déclaré qu’elle se contentait d’appliquer le code d’entrée et de séjour des étrangers, sans enfreindre le droit d’asile.
Des expulsions qui sont dénoncées comme “inutiles”, et répondant surtout à une logique électorale.
L’avocat du collectif “solidarité Rom” Dominique Plancke explique au journal Euronews que l’avantage de ces expulsions “inutiles” serait surtout électoral en rendant plus visible l’action des autorités locales. En 2020, 13 opérations de ce type ont eu lieu sur ce camp, et c’est déjà la deuxième depuis le début de cette année.
En octobre 2020, la commissaire européenne chargée de l’égalité Helena Dalli a détaillé que 62% des jeunes roms n’ont pas accès à l’éducation ou à l’emploi contre 10% pour l’ensemble de la jeunesse européenne. Avec la pandémie de Covid-19, cette précarité les rend particulièrement vulnérables.
Oui, c’est pourquoi la Commission a adopté en octobre 2020 une nouvelle stratégie pour aider l’intégration des 10 millions de Roms qui vivent dans l’UE. L’eurodéputé Romeo Franz avait dénoncé les précédentes initiatives car les fonds européens ne faisaient pas l’objet d’un suivi et n’arrivaient que rarement jusqu’aux bénéficiaires. La nouvelle stratégie prévoit un contrôle accru de ces dépenses.
Thomax Kox - Romain L'Hostis
Photo: ProfessionalPhoto
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