Estonie, nouveau gouvernement et première femme à la tête du pays ; vaccins anti-covid, l'inquiétude des dirigeants européens face aux nombreux retards de livraison ; lutte contre le terrorisme, premiers pas de la Commission pour interdire les contenus à "caractère terroriste" sur Internet.
Estonie - Kaja Kallas, première femme cheffe du gouvernement
Ce mardi 26 janvier, un nouveau gouvernement a été formé en Estonie après la démission du Premier ministre Jüri Ratas suite à des accusations de corruption visant plusieurs dirigeants de son parti. Une chute qui signe également le départ du gouvernement d’un parti d’extrême-droite particulièrement vindicatif.
Oui le Parti de la Réforme, force de centre droit, et le Parti du Centre de l’ex Premier ministre se sont entendus dimanche dernier pour former un gouvernement.
Cette coalition est dirigée par la cheffe du Parti de la Réforme Kaja Kallas, 43 ans, et première femme à ce poste depuis l’indépendance du pays balte en 1991. Le vote de confiance du parlement a eu lieu lundi, une confiance qu’elle n’avait pas obtenue quand son parti est arrivé en tête des législatives de 2019.
Ce gouvernement est-il fort différent de la précédente coalition?
Oui, Kajas Kallas est aussi ancienne eurodéputée et c’est un gouvernement très europhile qu’elle va diriger. Un changement de ton total après le précédent gouvernement qui comprenait une extrême-droite eurosceptique et volontiers provocatrice.
Par ailleurs, l'environnement est une des ses priorités et elle souhaite mettre un terme à l’exploitation de schiste bitumineux, très polluant mais dont le pays dépend pour la quasi-totalité de sa production d’électricité.
Vaccins anti-covid, l'inquiétude monte face aux nombreux retards de livraison
Dirigeons nous maintenant à Bruxelles où l’annonce de retards de livraison des vaccins Astrazeneca suscite bien des remous chez les dirigeants européens.
En effet, le ton monte suite aux retards de livraisons annoncés vendredi dernier par l’entreprise britannique Astrazeneca. Des retards qui s’ajoutent à ceux du laboratoire Pfizer/Biontech, annoncés la semaine dernière. Un fonctionnaire européen interrogé par le journal Politico parle d’une “confiance sérieusement endommagée” entre l’UE et les dirigeants du groupe britannique.
Après une réunion lundi soir entre l’entreprise et les représentants européens, la Commissaire à la Santé Stella Kyriakides s’est dite insatisfaite par les explications données par la société Astrazeneca concernant les retards de livraisons. La Commission soupçonne l’entreprise d’avoir redirigé les doses de vaccins destinés à l’Union vers d’autres pays à des prix plus élevés.
Comment la Commission compte-t-elle réagir ?
Une autre réunion aura lieu mercredi 27 janvier et la Commission européenne réfléchit à la mise en place d’un mécanisme de contrôle qui contraint les laboratoires à obtenir une autorisation avant l'exportation des vaccins à l’international. Une disposition similaire avait été prise au printemps dernier pour les équipements de protection.
Mais les retards ne sont pas la seule inquiétude des dirigeants européens ?
En effet, lundi dernier, le journal allemand Handelsbatt a fait écho de l’inquiétude de Berlin quant à l’efficacité du vaccin Astrazeneca sur les personnes âgées. Il ne serait que de 8% chez les adultes de plus de 65 ans, une population qui est plus enclin à développer des formes graves du virus.
Mardi matin, le ministre allemand de la Santé Jens Spahn a tenté de rassurer les téléspectateurs de la chaîne publique allemande ZDF en indiquant qu’il faudrait plus de temps pour étudier l’effet du vaccin AstraZeneca sur les personnes âgées. Enfin, le laboratoire britannique mis en cause par l'accusation a totalement démenti ces affirmations.
Vers un retrait des contenus à "caractère terroriste" sur Internet
Évoquons maintenant une législation européenne qui vise à retirer les contenus à « caractère terroriste » d’Internet. Une législation qui préoccupe fortement les ONG de défense des droits en ligne. Que prévoit le texte et où en est-il dans le processus législatif ?
Oui tout à fait, On se souvient tous de l’émoi provoqué par l’assassinat du professeur d’histoire-géographie Samuel Paty, le 16 Octobre 2020, qui avant d’être sauvagement tué avait subi des menaces sur Internet après avoir montré des caricatures de Mahomet dans un cours sur la liberté d’expression, on se souvient aussi de la propagande de Daech diffusée largement sur Twitter.
Face à cette problématique, l’UE a fait de la lutte contre le terrorisme en ligne une de ses priorités. Le texte proposé par la Commission en 2018 et sur lequel un compromis vient d’être trouvé en décembre 2020 entre les eurodéputés et les Etats-membres impose, par exemple, le retrait en une heure des photos, vidéos, et messages en ligne à « caractère terroriste ». Le 11 janvier dernier, la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen a voté le texte par une large majorité.
Ce texte a donc été voté par la Commission LIBE du Parlement mais certains s’inquiètent de son application ?
Effectivement, ce texte est accueilli comme un succès notamment par les députés français du groupe Renew Europe mais ce n’est pas du goût de tout le monde : des ONG et des députés s’inquiètent de ses possibles effets liberticides. Par exemple, Patrick Breyer du parti Pirate et membre de la Commission parlementaire souligne quelques avancées qui protègent les contenus journalistiques, artistiques et scientifiques mais il déplore que le texte autorise le retrait d’un contenu dans un autre État membre et ce, sans l’accord préalable d’un juge. Une grave atteinte à la liberté d’expression et de la presse selon lui.
Et la définition même d’un contenu dit ‘terroriste’ est critiquée ?
Tout à fait, selon les ONG et le député allemand, la définition de ‘terrorisme’ est tellement large qu’elle pourrait permettre à un dirigeant européen de censurer arbitrairement des contenus politiques comme ce fut le cas avec d’autres lois anti-terroristes en Europe qui ont été utilisées contre des mouvements sociaux, documentées notamment par Amnesty International. Le député rappelle enfin qu’une disposition similaire de la Loi Avia contre la haine en ligne en France avait été censurée par le Conseil constitutionnel le 18 juin dernier.
Après le vote de la commission LIBE, où sera débattu ce texte?
La prochaine étape du règlement sera le vote en plénière au Parlement européen. En attendant, les défenseurs des droits scrutent l'avancée du texte et ont déjà partagé leur intention de monter au créneau. Le 20 janvier dernier, suite à ce vote en commission, l’association française de défense des libertés numériques La Quadrature du Net a annoncé avoir saisi La Défenseure des Droits.
Image: EU2017EE Estonian Presidency