Droits de l'homme, la Commission européenne souhaite sanctionner toute personnalité étrangère reconnue coupable de violation de droits fondamentaux ; agriculture, le Parlement vote le projet de réforme de la PAC cette semaine; Chypre et Malte accusés de vendre la citoyenneté européenne à des investisseurs étrangers.
L’Union européenne veut s’imposer comme une référence mondiale en matière de droits fondamentaux ! C’est ce qui transparaît de l’initiative de la Commission présentée lundi. L’objectif est d’établir un régime de sanctions à l’encontre de personnalités étrangères qui ont violé certains droits fondamentaux. Pouvez-vous nous en dire davantage sur le projet et les motivations qui ont poussé une telle initiative ?
Tout à fait, la Commission veut établir un régime légal unique pour uniformiser l’adoption de sanctions à l’égard de personnalités qui, comme vous l’avez dit, se rendent coupables de violations de droits de l’homme. Il s’agit d’une promesse de la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, qu’elle avait annoncée dans son discours sur l’Etat de l’Union, mi-septembre.
La Commission européenne compte sanctionner des actes tels que les crimes contre l’humanité, l’esclavage, les meurtres extra-judiciaires, ou encore les arrestations arbitraires. Les mesures consisteront principalement en le gels des avoirs des personnes visées ainsi qu’une interdiction de pénétrer sur le territoire européen.
C’est un projet ambitieux mais qui pourrait se heurter à la résistance de certains Etats-membres, notamment parce que la Commission touche à des compétences régaliennes ?
En effet, limiter l’accès au territoire est une compétence traditionnellement étatique et non européenne. La Commission ne compte pas remplacer les Etats. Les Etats-membres décideront toujours ensemble et à l’unanimité d’établir des sanctions à l’égard de personnalités qui commettent des violations des droits l’homme. La nouveauté consiste surtout dans le rôle de supervision, de mise en œuvre qui sera attribué à la Commission européenne.
Le Parlement européen, souvent plus exigeant que la Commission, demande un tel régime depuis plusieurs années. En mars 2019, les eurodéputés ont formalisé cette requête dans une résolution, appelant à la création d’une loi « Magnitsky » européenne, en référence au Magnitsky Act, une loi américaine. Pouvez-vous nous expliquer qui est ce fameux Magnitsky ?
Oui, il s’agit d’un avocat russe, Sergei Magnitsky, arrêté en Russie en 2008 sur des allégations de fraude pour le compte d’un fonds d’investissement étranger. Il est décédé après 358 de détention après avoir subi de nombreux traitements dégradants. Dans la foulée de l’émoi causé par sa mort dans le monde, les Etats-Unis ont adopté le « Magnitsky act », pour sanctionner les personnes responsables de sa mort. Son nom est donc devenu le symbole de tout système de sanction à l’encontre de violation de droit de l’homme.
Dans son annonce, la Commission s’est gardée de toute référence directe à Magnitsky, notamment en raison du caractère explicitement antirusse de cette appellation. Certains Etats-membres comme la Hongrie, la Grèce ou l’Italie ont déjà émis des réserves quant à ce projet en raison de leur bonnes relations avec la Russie.
Que l’Union européenne adopte des sanctions n’est pas nouveau. Il s’agit d’un outil de politique étrangère qui accompagne la diplomatie. Le site web appelé « sanctionsmap.eu » permet d’avoir un aperçu exhaustif des sanctions établies par l’Union notamment pour des actes commis au Venezuela, en Russie, ou encore au Mali.
Intéressons-nous maintenant à la politique alimentaire de l’Union européenne. La Commission promeut une stratégie appelée « de la ferme à la fourchette », qui vise à adapter l’agriculture aux défis environnementaux, sociaux et économiques du XXIe siècle. Néanmoins, la réforme tant attendue de la PAC, la politique agricole commune de l’Union européenne, semble constituer un obstacle de taille pour les ambitions environnementales de la Commission. Pouvez-vous nous éclairer sur les enjeux de cette réforme qui doit être votée cette semaine ?
Tout à fait, c’est l’un des grands chantiers de cette année. La stratégie de la Commission, « de la ferme à la fourchette » s’inscrit dans le pacte vert européen. Ce pacte ambitieux qui vise notamment à réduire les émissions de gaz à effets de serre de 55% d’ici 2030.
Mardi soir, un accord a été trouvé entre les ministres de l’agriculture de chaque Etats-membres. Le Commissaire européen à l’agriculture, Janusz Wojciechowski, s’est félicité d’avoir obtenu un accord ambitieux et qui respecte les attentes des Etats.
La réforme de la PAC, la politique agricole commune, constitue un élément fondamental de cette stratégie. Néanmoins, initialement développée sous la précédente Commission, ses objectifs en matière environnementale ne correspondent pas aux défis actuels, selon certains observateurs.
Les trois grands partis européens, les socialistes, les conservateurs et les libéraux ont utilisé un mécanisme parlementaire spécifique pour accélérer justement l’adoption de cette réforme agricole. Un mouvement vertement critiqué par les verts européens. Selon Philippe Lamberts, eurodéputé écologiste belge, adopter la réforme en catastrophe cette semaine, serait le meilleur de tuer les ambitions environnementales de l’Union européenne. Il faut savoir que des pays comme l’Italie et la Pologne, de gros producteurs agricoles européens, et des organisations représentatives du secteur agricole font un intense lobby pour freiner les ambitions vertes de la Commission.
Le parlement vote le projet de réforme cette semaine. Dans les prochains jours, nous vous fournirons un nouveau compte rendu de la situation.
Terminons par évoquer l’affaire dites des « passeports dorés ». Une procédure a été engagée par l’Union européenne à l’encontre de Chypre et Malte. Les deux Etats sont accusés de vendre la citoyenneté européenne à des investisseurs étrangers. De quoi s’agit-il exactement ?
Une enquête du média Al Jazeera a révélé le pot-aux-roses en août. Chypre est accusé d’avoir vendu 3500 passeports à de riches ressortissants russes, chinois ou encore turcs. Al Jazeera a découvert que de nombreuses personnes ayant bénéficié de ce système font l’objet de poursuites ou de sanctions internationales. Malte propose également ce service. C’est dans ce contexte que Keith Shembri, le chef de cabinet de l’ancien premier ministre maltais, a été arrêté le 22 septembre dernier. Il est accusé d’avoir blanchi de l’argent à travers cette vente de passeports.
La Commission considère qu’une telle pratique constitue un dévoiement de la citoyenneté européenne. Elle a mis Chypre et Malte en demeure de s’expliquer.
Victor D’Anethan – Thomas Kox
Crédit photo: Darwin Laganzon