Surveillance, les Etats européens priés de réduire leurs exportations de système de piratage et de reconnaissance faciale vers des régimes autoritaires ; Pays Bas, la Russie se retire des discussions dans le procès du crash de l’avion MH17, abattu en 2014, en Ukraine, par un missile ; 5G, plusieurs Etats européens demandent à l'Union d'agir contre les actes de vandalisme qui se multiplient.
Pour cette édition, intéressons-nous aux technologies de surveillance. L’Union européenne a pour ambition de restreindre les exportations de systèmes de piratage et de reconnaissance faciale vers des régimes autoritaires. Il s’agit d’imposer aux entreprises européennes d’obtenir une licence pour pouvoir exporter leurs produits à l’étranger. Pouvez-vous nous dire quels sont les éléments qui justifient cette initiative ?
Cette initiative s’inscrit dans une longue réflexion concernant la complicité des entreprises européennes dans les pratiques de surveillance des régimes autoritaires. Des ONGs comme Amnesty International ou Human Rights Watch ont toujours dénoncé le commerce de technologies de surveillance.
Par exemple, des entreprises européennes dont certaines françaises ont vendu des technologies de surveillance à des régimes tels que celui de Mouamar Kadhafi, l’ancien dirigeant libyen, ou du Maréchal Al-Sissi, le très autocratique maître de l’Egypte. De plus, une entreprise néerlandaise aurait vendu un logiciel de détection d’émotions, notamment aux autorités du Xinjang. Cette région où la Chine a enfermé au moins un million de Ouigours dans des camps pudiquement présentés par la Chine comme des camps de rééducation. Pékin est accusé de vouloir effacer la culture de cette minorité turcophone et musulmane, pour les siniser à marche forcée.
Les Etats européens ne sont pas pressés de réguler ce marché, très intéressant pour leurs entreprises. Pourtant, les institutions européennes semblent déterminées à adopter des règles plus strictes.
En effet, le Parlement a approuvé en 2018 une restriction de ces exportations. En juin, la Commission a établi une proposition pour renforcer l’arsenal juridique en la matière. Les négociations devraient aboutir d’ici décembre, notamment sous l’impulsion de la présidence allemande du Conseil de l’UE. La future législation devrait imposer aux entreprises européennes d’obtenir une licence et obliger les Etats à dévoiler les détails des licences qu’ils octroient.
De cette manière, et pour reprendre les termes de Marketa Gregorova, eurodéputée du parti pirate tchèque, il s’agit de ne pas permettre à la Chine ou à la Russie d’utiliser des technologies de pointe contre l’Europe. L’Union européenne veut promouvoir un commerce international basé sur ses valeurs, et donc ne pas exporter des produits qui serviraient à violer les droits de l’homme.
Vous avez mentionné la Chine. Ces négociations s’inscrivent dans un climat de méfiance vis-à-vis de Pékin, n’est-ce pas ?
Tout à fait, la Chine est tristement célèbre pour son usage de technologies de pointe dans ses pratiques de surveillance de masse. Les Etats-Unis ont pris, sous l’impulsion de l’administration Trump, un certain nombre de mesures à l’égard de l’entreprise chinoise Huawei. Elle est soupçonnée de contribuer aux pratiques de surveillance de Pékin. Il s’agit d’empêcher les entreprises américaines de lui fournir des technologies dernier cri. Depuis plusieurs mois, l’Union prend une position plus dure par rapport à la Chine en raison notamment du comportement agressif de Pékin en matière diplomatique et économique.
Tournons-nous maintenant vers les Pays-Bas où se tient le procès concernant le crash de l’avion MH17, abattu en 2014 en Ukraine. Un missile envoyé par des rebelles pro-russes avait touché le vol Amsterdam-Kuala Lumpur avec à son bord 196 citoyens hollandais et 38 australiens. Outre les procédures judiciaires en cours, les Pays-Bas, l’Australie et la Russie ont constitué en mars 2019 un groupe de discussion pour élucider les circonstances du crash. Néanmoins, la Russie a déclaré la semaine passée qu’elle se retirait des discussions. Pourquoi cette décision arrive-t-elle à ce moment précis ?
Pour rappel, dans le cadre du conflit à l’est de l’Ukraine, le crash de cet avion a profondément choqué toute l’Europe et surtout a donné à ce conflit une dimension internationale. Il faut savoir que le rôle de la Russie dans cette affaire reste trouble. Une enquête internationale a conclu que le missile avait été transporté de Russie avant le tir fatal. Les Pays-Bas et l’Australie ont toujours considéré la Russie responsable du déploiement du missile. Une procédure judiciaire est en cours à la Haye à l’encontre de trois ressortissants russes et un ukrainien, soupçonné d’être directement impliqué dans la destruction de l’avion.
La Russie a toujours nié sa responsabilité. Elle se retire aujourd’hui des discussions avec les Pays-Bas et l’Australie suite à ce qu’elle considère comme un acharnement. La Russie est régulièrement accusée de ne pas coopérer de bonne foi et est visée par différentes procédures. Les Pays-Bas ont lancé une procédure devant la Cour européenne des droits de l’Homme qui s’ajoute à celles lancées par des familles des victimes.
Le premier ministre hollandais Mark Rutte a déclaré que cette décision était particulièrement douloureuse pour les familles des victimes qui demandent justice depuis 2014.
Terminons en évoquant la question de la 5G, pour 5e génération, un système plus performant de communication sans fil. Des pays européens demandent à l’Union européen d’agir pour lutter contre les mouvements anti-5G. En cause selon eux notamment une augmentation des théories conspirationnistes et des actes de vandalisme. Que contient la lettre envoyée à la Commission européenne par une quinzaine d’Etats membres ?
En effet, des pays comme l’Autriche, la Croatie, l’Estonie, le Luxembourg, ou encore la Pologne ont adressé une requête à la Commission européenne. Ces Etats s’inquiètent de la montée d’actes de vandalisme sur des installations permettant le déploiement de la 5G. Dans le nord du Royaume-Uni par exemple, plusieurs antennes ont été incendiées. Les Etats sont également préoccupés par l’augmentation de théories conspirationnistes liant la 5G à la transmission du covid-19.
Ils demandent à la Commission de développer un plan, par exemple, en lançant des campagnes de sensibilisation pour s’assurer du soutien de la population européenne. Ces États s’inquiètent que l’Europe ne puisse pas atteindre ses objectifs ambitieux en matière de connectivité.
Il existe en Europe une certaine opposition à la 5G mais qui ne se résume pas des théories conspirationnistes ou des actes de vandalisme, n’est-ce pas ?
Tout à fait, la 5G est également pointée du doigt notamment en raison de la consommation accrue d’énergie qu’elle demandera ou de la nécessité de renouveler tous nos appareils électroniques rendus obsolètes. En effet, la 5G nécessitera des téléphones équipés des technologies les plus récentes. Enfin, l’impact néfaste de la 5G sur la santé n’est pas prouvé, néanmoins, l’OMS classe ces ondes dans la catégorie “peut-être cancérigènes”.
Victor D’Anethan - Ulrich Huygevelde
Crédit photo: PhotoMIX Company