Aujourd'hui en Europe est un journal consacré aux actualités européennes du jour, réalisé par la rédaction d'Euradio à Bruxelles. Avec Thomas Kox, Baptiste Maisonnave, Paul Thorineau et Ulrich Huygevelde.
Au programme :
- Gouvernement français : la démission du Premier ministre
- Tchéquie : élections législatives
- Ukraine : la dette publique inquiète
On commence ce journal en France où Sébastien Lecornu, le Premier ministre du nouveau gouvernement à peine nommé dimanche a posé sa démission ce lundi matin. Emmanuel Macron a accepté cette démission selon un communiqué de l’Elysée - une décision qui prend le pays par surprise et qui fait du gouvernement de Sébastien Lecornu l’un des plus courts de l’histoire de France et plonge le pays dans l’incertitude.
Oui, cela restera comme l’un des épisodes gouvernementaux les plus éphémères. Sébastien Lecornu a été nommé le 9 septembre et devait prononcer sa déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale mardi. Depuis hier, celui que l’on peut maintenant qualifier d’ancien Premier ministre faisait l’objet de nombreuses contestations, après l’annonce des nominations au sein d’un nouveau gouvernement qui ressemblait singulièrement aux précédents.
Il s’est adressé ce matin aux Français, de façon laconique, parfois amer envers ses anciens collaborateurs, en revenant sur son parcours et les difficultés, je cite, de “bâtir les conditions d’un budget”. Les conditions n’étaient “plus remplies” a-t-il expliqué, justifiant sa démission.
Oui, il a expliqué avoir tenté de remplir, je cite, “une tâche difficile”, et a notamment mis en avant plusieurs raisons à son échec :
La première, que les formations politiques n’auraient pas compris l’effet de “rupture” que représentait le fait de ne pas se servir du 49.3.
Ensuite, qu’ils auraient adopté à son égard une posture trop fermée au compromis, comme s’ils avaient tous la majorité absolue à l’assemblée nationale.
Enfin, que la composition du gouvernement au sein du socle commun a donné lieu, je cite, “au réveil de quelques appétits partisans, parfois non sans lien avec la future élection présidentielle”.
Qu’est-ce qui a mené à cette démission ?
Sébastien Lecornu avait promis une “rupture” avec son nouveau gouvernement mais il avait finalement choisi de conserver au même poste onze ministres du précédent gouvernement. Une décision que beaucoup ont perçu comme un signe d’indifférence aux demandes de changements, voire comme “un ultime affront” comme le titrait Médiapart.
A droite comme à gauche, la démission de Sébastien Lecornu résonne comme une des marques d’un macronisme aux abois. Plusieurs figures politiques appellent le Président à quitter son poste ; David Lisnard des Républicains ou Jean Luc Mélenchon de la France Insoumise.
Aujourd’hui, les répercussions de la démission se font déjà ressentir. La bourse française a perdu plus de 2% lundi matin. Les banques françaises entre 4 et 5% également. Or, la France est déjà qualifiée par certains d’homme malade de l’Europe avec une dette de 114% de son PIB, classant le pays à la 3e place au niveau européen.
L’instabilité sociale, politique et économique inquiète Bruxelles depuis de longs mois car, si la France n’est pas le plus mauvais élève de l’UE, elle est la 2e plus grande économie et les difficultés de Paris ne manquent pas d’avoir des résonances dans toute l’Europe.
On continue ce journal en Tchéquie, où se sont tenues les élections législatives samedi. Le sulfureux milliardaire et ancien Premier ministre Andrej Babis est sorti largement en tête avec 34,5% des voix - une victoire pour un camp qui a notamment promis de réduire l’aide à l’Ukraine.
Oui, ces législatives tchèques profondément marquées par des campagnes de désinformation ont vu la victoire du parti populiste et conservateur ANO, pour “Action des citoyens mécontents” en tchèque, qui a dépassé la coalition pro-européenne au pouvoir de presque 12%. A sa tête, Andrej Babis, d’origine slovaque ; un puissant entrepreneur dont le passé politique est entaché de plusieurs affaires de fraudes fiscales.
Après avoir été défait dans les urnes aux législatives en 2021 puis aux présidentielles en 2023, Andrej Babis a amorcé ces derniers mois son retour sur la scène politique en remportant les dernières élections européennes. Il s’est parallèlement de plus rapproché de Viktor Orban et Robert Fico, les très eurosceptiques premier ministres hongrois et slovaque.
Or, ces derniers sont régulièrement critiqués pour leur proximité avec la Russie.
Oui, au-delà de partager une idéologie populiste, les trois dirigeants hongrois, slovaque et bientôt tchèque, pourraient bien tenter de freiner les aides européennes à l’Ukraine.
Ce qui constituerait une volte-face diplomatique pour Prague qui, depuis 2022, est l’un des soutiens les plus actifs de Kyiv, portée par son Premier ministre sortant Petr Fiala. Sous sa direction Prague avait notamment lancé une initiative pour l’achat d’obus à l’Ukraine.
Pendant sa campagne, Petr Fiala avait d’ailleurs prévenu que son rival risquait de “faire glisser la République tchèque vers l’Est”.
Samedi soir, Andrej Babis, qui ne dispose pas de la majorité au Parlement expliquait “vouloir former un gouvernement d’un seul parti”, le sien et qu’il discuterait très vite d’alliances, avec deux autres partis très à droite. Un positionnement qui confirme son euroscepticisme, ses alliés potentiels s’opposant ouvertement aux politiques écologiques et migratoires de l’Union.
On termine ce journal sur une autre source d’inquiétude, celle de l’aide financière à l’Ukraine. A l’approche de la fin de l’année, alors que le pays fait face à une profonde dette publique et à un rythme effréné d’investissements en défense, le recours aux actifs gelés russes semble de plus en plus indispensable.
Oui, la question fait l’objet de nombreuses discussions au sein des 27 depuis plusieurs semaines, notamment à l’occasion du sommet informel de mercredi dernier à Copenhague. L'exécutif européen réfléchit de plus en plus à lever 140 milliards d’euros de ces avoirs russes pour financer un “prêt d’aide”, que l’Ukraine n’aurait à rembourser qu’après la guerre.
Pour l’instant, l’Ukraine bénéficie notamment d’un programme du Fonds Monétaire International approuvé en mars 2023 - 153 milliards d’euros sur quatre ans. Mais le programme arrive à son terme en 2027, et Kyiv en demande le renouvellement. Le pays ne peut pas supporter seul une telle économie de guerre, et fait déjà état d’un déficit budgétaire de 20% du PIB.
Et les avoirs russes permettraient de relancer le financement de l’aide à l’Ukraine ?
Oui, en sachant que l’Europe utilise déjà les intérêts générés par ces avoirs dans un prêt vers l’Ukraine. Cette fois-ci, Ursula von der Leyen veut toucher directement aux actifs - une idée soumise par le chancelier Friedrich Merz, qui insiste pour que ces fonds soient utilisés uniquement à des fins militaires. Les Européens, pour la plupart, semblent hésitants face à une nouvelle salve de prêts, qui leur a déjà coûté beaucoup.
Mais la stratégie, publique depuis plusieurs jours, a déclenché l’ire du président russe. Mercredi dernier, parallèlement aux discussions des 27, Vladimir Poutine a signé un décret permettant d'accélérer la vente des entreprises nationales et étrangères. Moscou pourrait ainsi nationaliser et vendre ses actifs encore détenus en Russie par des entreprises internationales - une menace que fait planer le président si l’UE décide, pour de bon, de se servir de ses avoirs gelés.
Un journal de Baptiste Maisonnave, Ulrich Huygevelde et Paul Thorineau.