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Nations Unies : Alors que le monde entier se réunit à New York, Merz défend son budget au Bundestag et planche sur une solution pour soutenir l’effort de guerre de l’Ukraine

Image par h kama de Pixabay Nations Unies :  Alors que le monde entier se réunit à New York, Merz défend son budget au Bundestag et planche sur une solution pour soutenir l’effort de guerre de l’Ukraine
Image par h kama de Pixabay

Dans leurs chroniques sur euradioJeanette Süß et Marie Krpata dressent un état des lieux des relations franco-allemandes et de la place de la France et de l’Allemagne au sein de l’UE et dans le monde. Elles proposent d’approfondir des sujets divers, de politique intérieure, pour mieux comprendre les dynamiques dans les deux pays, comme de politique étrangère pour mieux saisir les leviers et les freins des deux côtés du Rhin.

Actuellement, les yeux sont tournés vers New York où se tient l’Assemblée générale des Nations Unies. L’occasion de revenir avec vous sur les points saillants de cette rencontre. Qu’en retient-on côté français et côté allemand ?

Oui. Les Nations Unies fêtent leurs 80 ans. L’ONU a vu le jour en 1945 dans le but de prévenir les conflits et de promouvoir la coopération entre les Etats afin de répondre à des défis qui nécessitent des solutions multilatérales. On est bien obligé de constater que, par contraste, la rhétorique actuelle est davantage à l’affrontement qu’à la coopération, comme l’illustrent la guerre en Ukraine, la guerre au Proche-Orient et les tensions sino-américaines.

Ce qui a beaucoup été médiatisé c’est la reconnaissance de l’Etat de Palestine par la France…

Tout à fait, Laurent. Emmanuel Macron est monté à la tribune pour reconnaître au nom de la France l’Etat de Palestine, qui a un statut d’observateur aux Nations Unies depuis 2012. Au total, 158 des 193 membres de l'ONU – dont 16 Etats membres de l’UE – reconnaissent la Palestine comme Etat. En amont de l’Assemblée générale de cette année, la France a lancé une initiative avec l’Arabie saoudite visant à créer une dynamique en faveur de la reconnaissance de l’Etat de Palestine : le Canada, l’Australie, le Royaume-Uni, entre autres, se sont joints à l’initiative.

Est-ce que cela va véritablement changer la donne ?

C’est un acte symbolique et tant que les Etats-Unis brandissent leur véto au Conseil de sécurité des Nations Unies, une adhésion à part entière de la Palestine à l'ONU reste hors de portée. Mais la France est un membre permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies, raison pour laquelle sa voix porte davantage que celle d’autres pays. 

La France a été fortement critiquée pour cette initiative, ses détracteurs estimant que la reconnaissance de la Palestine est en réalité une récompense pour le Hamas. Rappelons cependant que la France conditionne cette reconnaissance à une série d’engagements préalables comme le démantèlement du Hamas.  Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, a d’ailleurs condamné publiquement les attaques terroristes du 7 octobre, appelé au désarmement du Hamas et promis des réformes politiques.

Et quel est le positionnement de l’Allemagne dans tout ça ?

C’est un sujet délicat. L’Allemagne estime qu’il est trop tôt pour reconnaître la Palestine. Rappelons que pour des raisons historiques l’Allemagne considère l’existence d’Israël comme sa « raison d’Etat ». On a cependant vu une inflexion de Berlin au cours des derniers mois, Friedrich Merz annonçant le 8 août dernier la suspension par l’Allemagne de l’exportation d’armes qu’Israël pourrait utiliser à Gaza.

C’est aussi Donald Trump qui a beaucoup fait parler de lui lors de cette Assemblée générale des Nations Unies…

Oui, tout à fait. C’est surtout ce qu’il a dit en marge de l’Assemblée générale qui a été remarqué. Il a en effet regretté que la guerre en Ukraine ne s’arrête pas et que le président de la Fédération de Russie se montre peu coopératif. Donald Trump a estimé, qu’avec le soutien financier de l’Europe et de l’OTAN, l’Ukraine serait en mesure de revenir à ses frontières d’origine. Cette affirmation a généré beaucoup d’interrogations. On peut sans doute y voir un signal américain envoyé à Moscou que les Etats-Unis sont en mesure d’augmenter la pression si nécessaire. Rappelons que même si les Etats-Unis n’intervenaient pas directement, l’accord commercial conclu entre l’Union européenne et les Etats-Unis le 27 juillet dernier prévoit que l’UE achète des armes américaines qui peuvent être mises à disposition de l’Ukraine. 

Vous nous avez parlé d’Emmanuel Macron et de Donald Trump mais quid de l’Allemagne ?

L’Allemagne n’était pas représentée à New York par son chancelier Friedrich Merz, qui estimait que sa place était à Berlin alors que se tiennent d’importants débats sur le budget qui donneront des orientations plus précises sur les priorités pour les années à venir. Sachant qu'il est actuellement également à la manœuvre pour envoyer plus d'une centaine de milliards d'euros d'actifs gelés russes détenus au sein de l'UE pour soutenir l'effort de guerre ukrainien. C’est donc le ministre des Affaires étrangères allemand, Johann Wadephul qui représente l’Allemagne à New York.

Pour l’Allemagne, il y a d’ailleurs un enjeu particulier : elle candidate pour un siège non-permanent au conseil de sécurité des Nations Unies pour la période 2027-2028, face à deux autres pays européens : le Portugal et l’Autriche.

Pour conclure, que pourriez-vous nous dire de la tonalité générale à New York cette année ? 

Pour rester un instant sur l’Allemagne, rappelons que l’ancienne ministre des Affaires étrangères allemande, Annalena Baerbock, est à présent présidente de l’Assemblée générale des Nations-Unies. Elle a tenu un discours très remarqué lors de l’ouverture de l’Assemblée générale, alarmant sur l’état des relations internationales et urgeant à réformer l’ONU. Elle a d’ailleurs tenu à mettre l’accent sur le fait que depuis 80 ans elle est la première présidente femme de cette instance internationale. Un point d’orgue pour rappeler que cette organisation doit être plus inclusive et se tourner vers l’avenir si elle veut continuer à jouer un rôle dans un monde de plus en plus complexe et fragmenté. Affaire à suivre…

Un entretien réalisé par Laurent Pététin.