Aujourd'hui en Europe est un journal consacré aux actualités européennes du jour, réalisé par la rédaction d'Euradio à Bruxelles. Avec Thomas Kox, Baptiste Maisonnave, Paul Thorineau et Ulrich Huygevelde.
Au programme :
- Plan de paix américain pour l’Ukraine : l’Europe se plaint d’être mise de côté ; comment fonctionne ce plan ; une collaboration Russo-Américaine ?
- L’allemagne veut renvoyer ses migrants en Afrique dénonce la Grèce
- Report par l’UE de la loi contre la déforestation - échec écologique en pleine COP
On ouvre ce journal en s’intéressant au plan proposé par les Etats Unis pour mettre fin à la guerre en Ukraine. Un programme en 28 points dont les principaux ont été révélés par le média Axios, et particulièrement défavorable pour Kyiv. Mais aussi un plan dans lequel l’Europe n’a pas du tout été consultée.
Oui, les capitales européennes ont d’ailleurs fait savoir qu’elles s’opposaient clairement à ce plan, et qu'elles entendaient bien jouer un rôle dans la définition et la mise en œuvre de tout accord de paix. Kaja Kallas, cheffe de la diplomatie européenne, a ainsi expliqué que l’Europe “soutient tous les efforts déployés” pour atteindre la paix, tout en précisant que “pour qu’un plan fonctionne, il faut que les Ukrainiens et les Européens y participent”.
L’idée est largement partagée au sein des 27 : que ce soit par la parole du ministre des Affaires étrangères néerlandais, David van Weel, qui soutient que “sans l’adhésion de l’Ukraine”, impossible d’obtenir “le soutien des Européens” ou du côté de la France, où Jean-Noël Barrot rappelle que “les discussions doivent commencer par un cessez-le-feu”.
Et alors, que sait-on de ce plan de paix ?
Selon les dernières informations, ce plan en 28 points remet principalement sur la table les demandes de la Russie. Il a d’ailleurs été préparé sans la présence de l’Ukraine, en collaboration entre l’envoyé spécial du Kremlin, Kirill Dmitriev, et celui du président américain, Steve Witkoff, agent immobilier reconverti par Donald Trump dans la grande diplomatie. Ce dernier était d’ailleurs attendu à Ankara, en Turquie, mercredi où Volodymyr Zelensky comptait le rencontrer mais il a finalement annulé son déplacement à la dernière minute… Fin octobre, il rencontrait Dmitriev a Miami pour des entretiens de trois jours.
Selon les termes de cet accord, Kyiv serait apparemment contraint de céder le contrôle de la région du Donbass, de renoncer à la Crimée, de réduire de moitié la taille de son armée pour la limiter à 400 000 hommes et de renoncer à un rapprochement avec l’OTAN.
Comment est perçu ce projet en Ukraine ?
Sans surprises, la proposition n’a suscité qu'une réaction prudente de la part de Kyiv - Volodymyr Zelensky plaide pour, je cite, “une paix digne”, et demande à ce “que les conditions soient respectueuses de l’indépendance de l’Ukraine, de sa souveraineté et de la dignité de son peuple”. Des responsables du Pentagone sont arrivés en Ukraine hier pour mener des discussions aux côtés de Volodymyr Zelensky.
Pour rappel, ce plan largement inspiré des demandes de la Russie arrive à un moment très difficile pour l’Ukraine, qui traverse un important scandale de corruption et de blanchiment d’argent. L’affaire a conduit à la démission du ministre de la justice et à l’arrestation de plusieurs proches du Président - une profonde entaille à sa réputation.
La journée d’hier a aussi été marquée par d’importantes discussions sur ce dossier ukrainien à Bruxelles pour tenter de répondre aux besoins financiers et militaires de Kyïv.
Oui, les ministres des affaires étrangères étaient réunis jeudi pour tenter de trouver le moyen de débloquer 135 milliards d’euros, destinés à combler le déficit de Kyiv et lui donner de la visibilité pour les prochaines années. Mais quelques blocages entravent le bon déroulé des négociations - à commencer par le refus du gouvernement belge de débloquer sans des garanties supplémentaires des 27 les actifs russes gelés à Bruxelles. Ursula von der Leyen a récemment présenté une autre option, qui consisterait à emprunter de l’argent sur le marché européen, une proposition qui ne fait cependant pas non plus consensus. Malgré tout, les réunions se multiplient et les 27 espèrent trouver un accord d’ici la fin de l'année.
On continue ce journal en s’intéressant à un projet germano-grec, celui de mettre en place des “hubs de retour”. Un système encore en cours de discussion à la Commission européenne, vise à renvoyer vers le continent africian les demandeurs d’asile entrés illégalement en Europe.
Oui, le ministre grec des migrations, Konstantinos Plevris, déclarait hier avoir fait de véritables “progrès” avec Berlin dans cet objectif de créer un “hub de retour”. Il décrit le projet comme développé en collaboration avec plusieurs pays de l’Union européenne, et permettant de renvoyer ces demandeurs d’asiles vers des pays sûrs en Afrique, si leur pays d’origine ne peut pas les reprendre. Un modèle inspiré du hub de retour Italie-Albanie, mais vers l’Afrique.
En effet, Rome et Tirana ont eux aussi essayé de mettre en place un tel accord, l’année dernière, en renvoyant par bateaux les demandeurs d’asile arrivés en Italie vers des centres de détention albanais. Si Konstantinos Plevris qualifiait hier ce système de “pas assez dissuasif”, la justice italienne pour sa part jugé illégal - les migrants envoyés ont dû être rapatriés en Italie le lendemain de leur départ.
L’annonce du ministre grec, Baptiste, intervient alors que la Commission européenne travaille justement sur ces systèmes de “hubs de retour”.
Oui, depuis mars, Bruxelles cherche à resserrer les mailles de son système d’accueil des demandeurs d’asile, en instaurant une répartition partagée, qui serait jugée “équitable” au sein des 27. Une version du texte devrait être verrouillée en décembre, mais trois options semblent déjà se dessiner pour les Etats membres : dans l’idée d’une répartition équitable, ils pourront choisir d’accueillir des migrants re-localisés, de contribuer financièrement à leur accueil dans un autre pays ou de fournir du soutien matériel et logistique à leur déplacement.
Plusieurs discussions sont également en cours pour renforcer le mandat et les capacités de l’agence Frontex, en charge de la surveillance des frontières européennes. Des projets particulièrement contestés par les ONG qui craignent, d’une part, que les droits fondamentaux des migrants ne soient pas respectés et, de l’autre, que leur renvoi vers des pays comme l’Egypte ou la Tunisie, sans aucune attache personnelle, porte préjudice à leur droits humains.
Et on termine ce journal par une mauvaise nouvelle dans la lutte contre le réchauffement climatique : alors que la COP 30 se conclut aujourd’hui, l’Union européenne a décidé de reporter la mise en œuvre de la loi contre la déforestation.
Oui, et ce alors que cette COP de Belém prenait symboliquement place aux portes de l’Amazonie. Rien n’y fait, les Etats membres de l’UE ont fait leur choix : cette loi de protection des arbres et de la biodiversité n’entrera en vigueur qu’au 1er janvier 2027, un an après ce qui était prévu.
Pour rappel, cette loi adoptée en 2023 vise à interdire l’importation d’une série de produits dans l’UE comme le cacao, le café, le soja ou encore l’huile de palme, s’ils sont issus de terres déboisées après 2020. Mais la déforestation peine à s’imposer dans les négociations en cours à Belem. Le président brésilien Lula a bien lancé un fonds, baptisé “Tropical Forest Forever Facility”, mais il n’a pas suscité beaucoup d’annonces de contributions financières.
Un journal de Baptiste Maisonnave, Ulrich Huygevelde et Paul Thorineau.