Parlement européen - Session Plénière

Plénière au Parlemennt : Anne-Sophie Pelletier - La Médiatrice au plus près de la démocratie européenne

Source : Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic Plénière au Parlemennt : Anne-Sophie Pelletier - La Médiatrice au plus près de la démocratie européenne
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Absolument tous les citoyens européens peuvent solliciter la Médiatrice européenne. Ils peuvent le faire sur des cas de mauvaise administration par les institutions de l'UE, ou même sur d’autres cas.

Romain L’Hostis : Les eurodéputés ont adopté quasiment à l’unanimité un rapport dont vous étiez la rapporteure. Un rapport annuel sur le travail de l’Ombudsman, aussi appelé la Médiatrice européenne. Ce poste est occupé depuis 2013 par l’irlandaise Emily O’Reilly, mais un poste qui demeure encore un peu méconnu par la majorité d’entre nous. Elle doit enquêter sur les cas de mauvaise administration par les institutions de l’UE. Ce rapport concernait les affaires de 2021. Parmi celles-ci, Anne-Sophie Pelletier laquelle vous a le plus marqué ?

Anne-Sophie Pelletier : il y en a eu plusieurs qui m’ont marqué. Tout d’abord les SMS échangés entre Ursula Von der Leyen, et le président de Pfizer. La Médiatrice européenne a alors demandé clairement à la présidente de la Commission de bien vouloir fournir ces SMS. Au jour où on parle, on ne les a toujours pas reçu. 

R. L. : cela s’est déroulé au moment où l’UE négociait des contrats de commandes de doses de vaccin contre la Covid-19 ?

A-S. P. : Exactement. Et c’est grâce à la Médiatrice européenne qu’on a appris cette possible mal-administration de l’institution.

R. L. : Ursula von der Leyen n’avait donc pas à envoyer ces SMS, et pourtant elle l’a fait ?

A-S. P. : c’est ça. Et on a jamais eu accès aux SMS. Pour moi, c’est l’une des affaires les plus emblématiques.

R. L. : Qu’est-ce qui est ressorti de l’enquête de la Médiatrice ?

A-S. P. : Pour le moment malheureusement pas grand chose. Car on lui répond que ça n’a pas vocation à être donné, où que les SMS ont été effacés. Bizarrement. Donc c’est compliqué pour elle de faire ce travail, car comme vous le disiez la Médiatrice européenne elle est très peu connue. Et pourtant je voudrais vraiment que nos auditeurs l’entendent. Les citoyens européens peuvent solliciter la Médiatrice européenne. Ils peuvent le faire sur des cas de mauvaise administration, ou même sur d’autres cas.

R. L. : Tous les citoyens ?

A-S. P. : Tout citoyen européen peut solliciter la Médiatrice européenne. Il y a eu aussi un autre cas puisque je suis dans la commission LIBE (La Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures) au Parlement européen. C’est le cas où la Médiatrice dénonce Frontex et la mauvaise administration de Frontex. Au Parlement européen, il y a peu, la décharge à Frontex a été refusée par les parlementaires. On a ensuite appris tout ce qui s’était passé avec le directeur de chez Frontex. La Médiatrice nous avait déjà un peu mis sur la voie, et après il y a eu le rapport de l’OLAF (L'Office européen de lutte antifraude).

R. L. : Donc vous diriez que le travail de la Médiatrice est complémentaire de celui de l’OLAF, ou de la justice européenne ?

A-S. P. : Il est essentiel. Il est vraiment essentiel. Parce que sur ces cas aussi de mauvaise administration, vous avez aussi les cas de “pantouflage”. Qu’est-ce que le pantouflage ? C’est lorsqu’un fonctionnaire d’une institution européenne part dans le privé. Et il y a eu des cas de pantouflage. Et il y a d’autres cas de pantouflages plus récents qui sont avérés, le cas de Jan Hoffmann par exemple pour le tabac.

R. L. : Quel est le risque avec ce phénomène de pantouflage ?

A-S. P. : Le problème c’est le conflit d’intérêt. Vous ne pouvez pas être juge et parti. Donc quand vous partez d’une institution publique pour aller dans le privé, normalement vous avez un devoir de ne rien dire. Pour autant cela peut paraître assez surprenant que des directeurs de Commission comme la commission santé puisse partir chez un traceur du tabac. Donc ce sont plein de choses comme cela qu’elle met au jour. Et puis surtout elle regard aussi, elle relève si les droits fondamentaux des citoyens ont été respectés ou pas. 

R. L. : Ce rapport a été adopté presque à l’unanimité : 602 voix pour.

A-S. P. : et 628 votants.

R. L. : Comment expliquer un tel consensus ?

A-S. P. : Vous savez, je pense qu’il est important de dire qu’en commission il a été voté à l’unanimité; Tous les groupes ont voté pour ce rapport. Je voudrais rajouter car je suis un peu chauvine, l’année dernière c’était le groupe des Verts qui avait ce rapport : il est passé à 35 voix (de différence). Là il est passé à une large majorité, quasi unanimité; Et cela dit quelque chose parce que même pendant le débat mercredi soir, tous les groupes demandaient quoi ? plus de transparence. Plus de règles éthiques dans nos institutions, parce que les institutions, les parlementaires, les commissaires européens, et même les gens du Conseil ont des comptes à rendre aux citoyens. 

R. L. : C’est ça qui a changé par rapport au dernier rapport ?

A-S. P. : Je pense que c’est à l’ombre du Qatargate. On se rend compte qu’il faut de la transparence, parce que s’il n’y a pas de transparence, il y a de la défiance chez les citoyens. Et il y a de la défiance vis à vis des politiques de l’Union européenne.

R. L. : Vous parliez de l’affaire des SMS échangés entre la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le PDG de Pfizer Albert Bourla.

A-S. P. : Qui a d’ailleurs refusé de venir s’expliquer à la Commission parlementaire Covid.

R. L. : C’est le journal Le New York Times qui le premier avait révélé cette affaire. Depuis, comme vous l’avez dit, une enquête de la Médiatrice européenne a eu lieu. On a toujours pas eu accès à ces SMS malgré les nombreuses demandes. Finalement, c’est encore le New York Times qui, le mois dernier, a saisi la Cour de Justice de l’Union européenne, pour contraindre la Commission européenne et enfin avoir ces SMS. Ce n’est toujours pas le cas. Que faut-il en conclure ? Qu’on est devant une insuffisance de l’action de la Médiatrice européenne ?

A-S. P. : Alors moi je ne parlerai pas d’insuffisance. Vous faîtes ce que vous pouvez avec les moyens qu’on vous donne. La Médiatrice européenne ne peut pas aller comme ça dans le bureau d’Ursula von der Leyen et lui dire “maintenant tu me les donnes”. Elle n’a pas de pouvoir juridique. La Médiatrice ce n’est pas la police. C’est quelqu’un qui fait des enquêtes, par elle-même ou alors est sollicitée par les citoyens. Est-ce que c’est preuve que la démocratie va bien ? Je ne trouve pas, car il est facile et normal d’aller sur le Qatargate. Mais d’un autre côté, dès qu’il s’agit d’aller regarder vers la Commission, c’est beaucoup plus difficile. Plus difficile d’avoir des documents, d’avoir des réponses. Et on ne va pas souvent regarder là bas. Et ce manque de transparence je pense que ça atteint toutes nos démocraties.

R. L. : Et donc selon vous quelles pourraient être des pistes de solution pour donner suite à ce travail d’enquête ?

A-S. P. : eh bien que chaque personne comme vous, comme moi, comme tout parlementaire, comme tout commissaire, ait juste un peu d’éthique, et de morale.

[...]

R. L. : Merci Anne-Sophie Pelletier.