Tous les mardis, euradio reçoit Lynn Rietdorf, attachée de presse au service du porte-parole de la Commission Européenne sur le Pacte vert et les politiques climatiques. Par le biais de sa chronique, Lynn Rietdorf revient sur les enjeux climatiques actuels.
Vous
venez de revenir de la COP27 qui s’est tenu en Égypte ces deux
dernières semaines, quelles sont vos impressions ?
Oui, comme beaucoup d’entre nous je ne suis rentrée qu’hier midi et les impressions sont encore très fraiches. Au premier abord la COP semblait assez surréelle, organisée dans une ville constituée presque exclusivement d’hôtel, là où le désert rencontre la mer rouge.
Du fait du caractère spécial de cette ville touristique, la société civile n’était représenté que de manière très marginale. La zone verte, qui héberge normalement des espaces pour la société civile, est à 20 minutes de marche des salles de négociations. Les ONGs locales égyptienne n’avaient pas obtenu le droit d’accéder à la conférence. La zone dédiée aux protestations était elle aussi à 20 minutes de marche des bâtiments principaux, un parking au milieu du désert loin des yeux des négociateur·rices du centre-ville. Les protestataire·rices étaient contrôlés et filmés par des policier·es en civil. Toute protestation devait suivre des règles bien établies : interdit de mentionner les noms des prisonnier·es politiques ou d’accuser un pays directement de la non-action climatique ou du non-respect des droits de l’homme.
Les délégations européennes étaient mises en garde à propos d'une surveillance accrue de la part des autorités égyptiennes. Il était par exemple vivement déconseillé de télécharger l’application développée expressément pour la COP27, en raison des suspicions de surveillance massive.
Bref, cette COP n’était pas du tout inclusive et l’ombre du régime autoritaire a obscurci les négociations tout au long de la conférence.
Et en termes de négociations, y-a-t-il eu des avancées notables?
Alors oui, le grand succès de cette COP est sans doute l’établissement d’un fond pour les pertes et les dommages. Les pays en voie de développement réclament des discussions sur ce sujet depuis la toute première COP en 1992, mais jusqu’à là, les pays développés ont strictement refusé d’en parler. C’était la toute première fois que les pertes et les dommages étaient admis sur l’agenda officiel de la conférence.
Alors que l’UE et les États-Unis résistaient quant à l’établissement d’une facilité financière pour les pertes et les dommages pendant la majeure partie de la conférence, l’UE a déclaré son support à une telle facilité financière le jeudi soir, juste avant la fin officielle de la conférence. Cela a débloqué les négociations. Les États-Unis étaient dans une position délicate et ont finalement eux aussi signalé leur support à une telle facilité. Ainsi le chemin était libre pour l’adoption d’un texte sur l’établissement d’une facilité financière pour les pertes et les dommages au regard des « pays les plus vulnérables ». Les questions les plus épineuses restent pourtant en suspens. La prochaine COP devrait clarifier les acteurs éligibles à ce nouveau fond et ceux qui devraient y contribuer.
Donc peut-on parler d’un succès?
Oui et non. L’établissement de la nouvelle facilité financière est sans doute une avancée historique dans les négociations internationales sur la justice climatique.
Hors, il n’y a pas eu d'avancée du tout en terme d’ambition pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’UE avait pourtant conditionné son soutien financier à des avancées ambitieuses. Elle demandait par exemple la sortie progressive de tous les combustibles fossiles et du pic des émissions globales en 2025. Aucune de ces deux demandes ne figure dans le texte final.
Au contraire, dans une formulation particulièrement malheureuse, le texte final mentionne même que de nouveaux objectifs internationaux ne devraient pas aller au-delà des objectifs fixés à Paris. En d’autres termes : on plafonne l’ambition climatique.
Cela est grotesque car le GIEC a déjà stipulé que même si l’objectif des 2 degrés qui figure dans l’Accord de Paris est respecté, il y aurait des dommages non-réparables, mettant en danger les écosystèmes et avec eux les moyens de subsistance et la vie de milliers de personnes. Pour l’ambition climatique, il est possible de dire que cette COP est un pas en arrière. Comme la prochaine COP se tiendra à Dubai et donc présidée par un pays pétrolier, je n’ai pas beaucoup d’espoir que cette dynamique soit inversée.
Entretien Réalisé par Laurence Aubron.