euradio reçoit Lynn Rietdorf, attachée de presse au service du porte-parole de la Commission Européenne sur le Pacte vert et les politiques climatiques. Par le biais de sa chronique, Lynn Rietdorf revient sur les enjeux climatiques actuels.
Les États-Unis cherchent attirer la production des technologies vertes, telle que les batteries ou toute la chaine de valeur du solaire avec leur fameux «IRA», leur paquet législatif pour réduire l’impact de l’inflation. Que fait l’Europe pour rester compétitive ?
Il est vrai que les européen·nes n’ont pas été très heureux·ses de toutes les mesures comprises dans le IRA, et notamment les quotas de production locale, alors que pour le climat, ces investissements massifs dans les technologies nécessaires pour une économie verte côté outre atlantique sont de bonnes nouvelles. La course pour les capacités de production des technologies verte a commencé. La Chine subventionne les secteurs comme les batteries et le solaire depuis des années et s’est procurée une quasi-monopole sur la production de certains produits dans la chaine de valeur du solaire. C'est maintenant à l’UE de se positionner.
La Présidente de la Commission l’a annoncé dès le forum économique mondial à Davos en début Janvier. Elle a dit vouloir réagir à l’IRA avec un paquet de mesures pour l’industrie verte, appellé « Le plan industriel du Pacte vert ». Le 1er février, la Commission a élaboré son plan lors d'une communication officielle. Ce plan sera bâti autour de 4 piliers : Tout d’abord, un environnement réglementaire favorable pour les industries à zéro émissions nette ; deuxièmement, les financements nationaux et européens ; troisièmement, garantir des compétences adéquates pour la transition écologique et quatrièmement, un programme de commerce international.
La semaine dernière, les États-Membres ont pour la première fois échangé sur ce plan, d’abord au niveau des ministres de l’économie, puis en fin de semaine ce sujet figurait sur l’agenda du sommet des chefs d’états. Cette semaine, le parlement européen va à son tour voter une résolution sur ces sujets.
Concrètement, qu’est-ce que l’Europe peut faire pour garder ses industries vertes et en attirer davantage ?
Alors la première question qui se pose restera toujours celle de l’argent. Que ça soit le secteur solaire ou le secteur éolien, la première demande est toujours plus d'aides des États. Et en effet, c’est la première initiative concrète que nous avons vu de la part de la Commission. Elle a soumis aux États-Membres une proposition d’étendre le cadre temporaire des aides d’États qu’elle avait mise en place durant la crise Covid et prolongée à plusieurs reprises, afin de permettre plus d'aide financière nationale aux industries qui souffraient d’abord de la pandémie, puis de la guerre en Ukraine. En effet, la Commission voudrait encore assouplir les aides d’États, notamment en rehaussant les plafonds permis, et enfin permettre les réductions sur les taxes.
Les États-Membres ont positivement reçu cette initiative dans les conclusions du sommet des chefs d’états en fin de semaine dernière, en clarifiant tout de même qu’une nouvelle extension des règles ne devrait pas porter préjudice au marché intérieur. Et le problème se trouve bien là. En regardant les aides d’États approuvés par la commission durant l’année dernière, 80% des demandes venaient de l’Allemagne et la France. Si les États avec un espace financier plus ample financent leurs industries nationales, ils risquent d’attirer les industries des autres États membres, qui n’ont pas les mêmes moyens. Si l’Allemagne continue à mettre des sommes considérables à disposition de son industrie nationale, l’industrie italienne pourrait partir au delà des Alpes pour pouvoir profiter également des subventions allemandes. Le risque que l'on rentre dans une compétition entre États-Membres est donc bien réel.
Et qu’est-ce que la Commission compte faire pour éviter une telle concurrence intra-européenne ?
La Commission elle-même a bien noté ce risque pour le marché intérieur. Elle attire donc l’attention sur les fonds encore disponibles au niveau européen, et notamment sur les prêts non-alloués dans son programme de financement Next Generation EU, adopté pour affronter les conséquences de la crise Covid. Elle a aussi annoncé un nouveau « fonds de souveraineté européen ».
Ors dans leur sommet la semaine dernière, les chefs d’États n’ont fait que noter l’intention de la Commission de proposer un tel fonds, sans pour autant se prononcer en faveur de celui-ci. L’Allemagne, la Finlande, l’Autriche et les Pays Bas sont assez défavorables à créer un nouveau fonds européen.
Un autre problème avec ce fonds est qu’il ne se concentrera pas sur les technologies nécessaires pour la transition écologique, car d’autres secteurs stratégiques comme le digital ou encore le secteur des médicaments seront aussi éligibles.
Si on veut vraiment re-attirer la production des technologies nécessaires pour la transition écologique, il va falloir cibler les instruments financiers.
Je ne vous ai parlé que de l’argent, alors que d’autres facteurs comme l’encadrement règlementaire et l’existence de compétences adéquates sont eux aussi des facteurs clés.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.