Tous les mardis, euradio reçoit Lynn Rietdorf, attachée de presse au service du porte-parole de la Commission Européenne sur le Pacte vert et les politiques climatiques. Par le biais de sa chronique, Lynn Rietdorf revient sur les enjeux climatiques actuels.
Dans la soirée du 27 octobre ‘Bruxelles a décidé la mort du moteur à combustion’, pourquoi?
Alors pour vous mettre dans le bain, je vous propose de regarder quelques chiffres. Selon l’agence d’environnement européen, le transport présente à peu près un quart des émissions de gaz à effet de serre dans l’UE. Le transport routier étant largement le plus grand contributeur. En 2019 77% des émissions transport venaient du transport routier.
Aujourd’hui, le secteur de transport ne contribue absolument pas à nos objectifs de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Contrairement aux autres secteurs (énergie, industrie) les émissions transport n’ont pas baissé mais augmenté depuis 1990.
Le secteur de transport est par ailleurs aussi une des sources majeures de la pollution de l’air en Europe. On en parlera dans une prochaine épisode.
Bref, il est évident que les efforts dans le secteur du transport doivent être augmentés. D’autant plus qu’il y a des solutions à zéro émissions d’échappement qui sont déjà bien développés et testés, notamment les voitures électriques. Quand on parle de décarboner notre économie on parle souvent de solutions technologiquement accessibles, voilà un secteur où il y en a bien une.
Et donc Bruxelles a décidé qu’à partir de 2035 il n’y aura plus des voitures avec un moteur à combustion?
Le 27 octobre au soir les états membres et le parlement européen se sont mis d’accord qu’à partir de 2035 les émissions d’ échappement des nouvelles voitures devraient être réduit de 100 pourcent. En autres mots, les nouvelles voitures devraient plus avoir des émissions d’échappement du tout.
Comme il n’y a à ce jour, pas de moteur à combustion qui n’a zéro émissions, cela signifie effectivement qu’à partir de de 2035 il n’y aurait plus des nouvelles voitures avec un moteur à combustion.
Je veux insister sur le fait que la décision s’adresse aux émissions CO2 des nouvelles voiture et non pas aux voitures existantes. Pour améliorer la qualité d’air, l’UE a aussi mis en place des normes d’émissions qui s’appliquent, eux, aux voitures existantes. Ces normes ne concernent pas le CO2 mais les polluants de l’air comme l’azote. La Commission devrait proposer des nouvelles normes d’émissions ce mercredi neuf novembre.
Est-ce que la fin du moteur à combustion est donc scellé?
En théorie oui, le Parlement européen et les états membres se sont mis d’accord dans des négociations de trilogue. Mais cette décision doit encore formellement être confirmé des deux côtés. Il y a certaines voix qui se lèvent contre cette décision. Notamment les conservateurs du PPE, le plus grand groupe politique au sein du parlement européen. Ils se sont exprimé en défaveur de cette décision. Ceci dit, le Parlement avait déjà voté en plénière avec une majorité pour cette réduction des émissions à zéro à l’horizon 2035.
Le commissaire européen français à l’industrie, Thierry Breton, a lui aussi semé des doutes. Il a noté que les producteurs de voitures devraient continuer à investir dans la recherche et le développement du moteur à combustible pour l’exportation. Il a aussi fait référence à la clause de révision qui prévoit une révision de la législation en 2026.
Je trouve son comportement problématique. Premièrement, la Commission européenne (sa propre institution) a elle-même proposé ce qui a finalement été décidé. Cette proposition a aussi été motivé par le désir de donner une certitude au secteur automobile, quant aux investissements futurs. Aux États Unies et en Chine, les investissements dans la voiture électrique sont bien plus avancés et il est temps que l’UE rattrape son retard.
Certes une clause de révision existe, comme dans presque toutes les législations européennes. Mais si l’on veut créer la confiance dans le système légal, on ne peux pas commencer à mettre en question des objectifs sur base de l’existence d’une clause de révision.
Pour conclure : L’Europe veut être climatiquement neutre en 2050. Cet objectif est juridiquement contraignant. Chaque secteur doit y contribuer. Le secteur de transport ne peut pas être une exception ici.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.