euradio reçoit Lynn Rietdorf, attachée de presse au service du porte-parole de la Commission Européenne sur le Pacte vert et les politiques climatiques. Par le biais de sa chronique, Lynn Rietdorf revient sur les enjeux climatiques actuels.
L’hydrogène vert est-il la solution miracle à la transition écologique, ou plutôt un trompe-l’œil ?
L’hydrogène vert est en effet souvent présenté comme solution miracle à la transition écologique. L’hydrogène peut servir de combustible direct, mais aussi de stockage d'énergie. Il peut même servir de matière de base pour des processus industriels qui sont aujourd’hui dépendant des gaz fossiles. Le problème ? La production d’hydrogène nécessite beaucoup d’énergie. L’électrification, par exemple, est bien plus efficace. L’hydrogène peut être produit avec l’électricité ou alors avec du gaz fossile, il est donc aussi vert que l’énergie primaire utilisé pour sa production.
Alors quand est-ce que nous pouvons parler de l’hydrogène vert?
C’est exactement la question au cœur des débats politiques au sein de l’UE depuis que la Commission a présenté sa fameuse stratégie d’hydrogène en 2020.
Certains soutiennent que dès lors que l’hydrogène est produit avec l’électricité neutre en carbone, on devrait parler d’hydrogène vert. Si l'on prend cette lecture, l’hydrogène produit à base d’électricité nucléaire devrait alors être qualifié d’hydrogène vert. D’autres ne veulent entendre parler d’hydrogène vert que s’il est produit avec l’électricité renouvelable.
Mais quelle est l’issue de ce débat ?
Le débat n’est pas terminé mais la semaine dernière, la Commission européenne a finalement mis sur la table un acte délégué qui définit les critères de l’hydrogène renouvelable. À Bruxelles, cela fait plus d’un an que l'on attend la présentation de cette acte délégué avec impatience.
Pour la plupart des producteurs d’hydrogène, les critères retenus sont assez stricts : Ils doivent soit directement être connecté à la source de production des énergie renouvelables, soit, si l’électricité est prise du réseau, l’électricité renouvelable doit provenir des installations renouvelables de moins de 3 ans. Cette règle s’appelle le critère d’additionalité. Or cette règle ne s’applique pas si l’intensité de carbone du réseau dans le pays dans lequel l’hydrogène est produit est inférieur à 18 gramme CO2 par mégajoule. La France et la Suède sont les seuls pays dans l’UE qui peuvent actuellement prétendre à remplir cette condition, la France notamment en raison de la part élevée du nucléaire dans son réseau.
Le critère d’additionalité incite les pays à ajouter de la capacité renouvelable afin de pouvoir qualifier l’hydrogène comme renouvelable. Seule la France n’a pas cette motivation additionnelle. Cela peut sembler assez ironique, dans la mesure où la France est le seul pays européen n’ayant pas atteint son l’objectif de renouvelables pour 2020.
La France a donc eu ce qu’elle voulait?
Pas vraiment, la France aurait bien-entendu préféré que l’hydrogène à base d’électricité nucléaire soit reconnu directement comme renouvelable. Ceci n’est pas le cas. Pour produire de l’hydrogène renouvelable, le producteur doit toujours avoir un contrat d’approvisionnement d’électricité renouvelable. Seul le critère d’addionalité a été écarté pour la France.
Les discussions autour de l’hydrogène vert ne sont que le summum du plus grand désaccord sur le rôle du nucléaire dans la transition écologique, un désaccord qui s’accentue de plus en plus. D’un côté, la France et la plupart des pays de l’Europe centrale voient un rôle important pour le nucléaire et ont pour objectif de construire de nouveaux réacteurs. De l’autre côté l’Autriche et le Luxembourg, historiquement opposés au nucléaire et maintenant soutenu par l’Allemagne qui va finaliser sa sortie du nucléaire d’ici deux mois, et l’Espagne. Au sein du conseil, c’est un véritable impasse, les deux cotés ne disposant que d’une minorité de blocage.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.