Eurominute d'Euan Walker

Les faux-pas diplomatiques d'Emmanuel Macron concernant la Chine

Ludovic Marin - AFP Les faux-pas diplomatiques d'Emmanuel Macron concernant la Chine
Ludovic Marin - AFP

Euan Walker est chargé de missions internationales à Mines Paris – PSL et assistant de recherche et d’enseignement à l’ESSEC. Diplômé en histoire et en sciences politiques de Durham University et de la Ruprecht-Karls Universität Heidelberg, il poursuit actuellement un master en économie et politique publique à l'ESCP. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo

Cette semaine, Euan Walker et Laurence Aubron discutent des faux-pas diplomatiques de Macron concernant la Chine, Taïwan et l'autonomie stratégique de l'Europe.

Pour en revenir à l'actualité européenne de la semaine, le voyage diplomatique d'Emmanuel Macron en Chine a suscité une certaine polémique...

En effet, comme nous l'avons évoqué la semaine dernière, le président français Emmanuel Macron et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen étaient justement en Chine pour rencontrer Xi Jinping.

Ce voyage a provoqué une tempête médiatique, en particulier à la suite d'une interview accordée par M. Macron à un certain nombre de médias. À cette occasion, il a appelé l'Europe à devenir une "troisième grande puissance" dans le conflit entre les États-Unis et la Chine. Il souligne aussi la nécessité pour l'Europe d'affirmer son indépendance, pour ne pas devenir, selon les termes de M. Macron, un "vassal" des États-Unis dans le conflit qui se prépare à propos de Taïwan.

Comment les gens ont-ils réagi à ces propos plutôt incendiaires ?

Comme on pouvait s'y attendre, les atlantistes, tant aux États-Unis qu'en Europe, ont rapidement fait part de leur désaccord avec le président français. Ce qui est intéressant cependant, c'est la façon dont cette interview a été présentée comme la révélation d'un supposé visage caché de Macron dans la presse américaine. En fait, il s'agissait d'une réitération de la position de Macron sur la politique étrangère : il l'avait déjà clairement exprimée lors de son discours de 2017 à la Sorbonne sur le thème de l'autonomie stratégique.

Évidemment, la notion d'autonomie stratégique, par laquelle l'Europe devrait être en mesure de se maintenir sans une dépendance nécessaire à l'égard d'une autre grande puissance, n'est pas intrinsèquement mauvaise. Le problème, c'est que les communications de Macron au cours de ce voyage ont été ponctuées de gaffes diplomatiques.

Comment Macron aurait-il pu éviter de susciter une telle controverse ?

Eh bien, sa tendance à parler au nom de toute l'Europe a manqué de tact. On sait qu'il est hors de question pour les États d'Europe centrale et orientale de se passer de l'allié américain. Ces divergences sur le rôle de l'alliance atlantique en Europe ne sont pas prises en compte, malgré la guerre en Ukraine et un centre de gravité de l'Europe clairement déplacé vers l'est, tombent mal. Ignorer la position de la Pologne, particulièrement galvanisée dans le conflit actuel et attachée au soutien américain donne plutôt l'impression d'un refus de voir le monde changer.

En outre, le fait de présenter l'intervention européenne dans un conflit potentiel à Taïwan comme une question de suivi aveugle de la politique étrangère américaine, alors qu'il s'agissait certainement d'un moyen d'affirmer l'indépendance de la prise de décision européenne, a été malavisé. En effet, un certain nombre de personnalités politiques américaines, comme le sénateur républicain américain Marco Rubio, ont rapidement rétorqué que l'indifférence supposée de M. Macron à l'égard du conflit à Taïwan devrait se traduire par une indifférence de l'armée américaine en Ukraine. Le message est mauvais étant donné le rôle clé que jouent les États-Unis dans le soutien de l'effort militaire ukrainien.

Compte tenu des déclarations de M. Macron, cette controverse a-t-elle profité à la Chine ?

Il semblerait bien que ce soit le cas. Xi Jinping a beaucoup à gagner de la désunion européenne. Cette controverse semble l'illustrer. Ce qui est encore plus préoccupant lors de cette visite, c'est que les tentatives de M. Macron pour dissuader la Chine de soutenir militairement la Russie dans le conflit en Ukraine ne feront que motiver le dirigeant chinois à utiliser davantage ce conflit comme moyen de pression contre les pays européens. Sur le plan de la communication et de la symbolique, la Chine établit actuellement les récits diplomatiques et laisse les pays occidentaux se disputer les miettes.

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Entretien réalisé par Laurence Aubron.

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English version : 

Macron's diplomatic missteps regarding China


This week, Euan Walker and Emilie Finck discuss Macron's diplomatic missteps regarding China, Taiwan and Europe's strategic autonomy.

Returning to Europe's news of the week, Emmanuel Macron's diplomatic trip to China has caused quite the controversy...

Indeed, as we mentioned last week, French President Emmanuel Macron and European Commission President Ursula von der Leyen were in China to meet Xi Jinping.

The trip caused a mediatic storm, particularly following an interview Macron gave to a number of media outlets. In this interview he called for Europe to become a "third great power" in the conflict between the US and China. He also stressed the need for Europe to assert its independence, so as not to become, in Macron's words, a "vassal" of the United States in the upcoming conflict over Taiwan.

How did people react to these rather incendiary remarks?

Predictably, Atlanticists in both the US and Europe were quick to disagree with the French president. What is interesting, however, is how this interview was presented as the revelation of a supposed hidden facet of Macron in the American press. In effect, it was a reiteration of Macron's position on foreign policy: he had already made it clear in his 2017 speech at the Sorbonne on the topic of strategic autonomy.

Obviously, the notion of strategic autonomy, whereby Europe should be able to sustain itself without a necessary dependence on another great power, is not inherently bad. The problem is that Macron's communication during this trip was punctuated by diplomatic gaffes.

How could Macron have avoided causing such controversy?

Well, his tendency to speak for all of Europe was tactless. It’s a known fact that it is out of the question for Central and Eastern European countries to forgo the American ally. These differences on the role of the Atlantic alliance in Europe were not taken into account, despite the war in Ukraine and a centre of gravity in Europe that has clearly shifted to the east. Ignoring the position of Poland, which is particularly galvanised in the current conflict and committed to American support, gives the impression that Macron is refusing to see the world change.

Furthermore, presenting European intervention in a potential conflict in Taiwan as a matter of blindly following US foreign policy, whilst it was certainly a means of asserting the independence of European decision-making, was misguided. Indeed, a number of US political figures, the likes of Republican US Senator Marco Rubio, were quick to retort that Macron's supposed indifference to the conflict in Taiwan should translate into indifference on the part of the US military in Ukraine. This is an unfortunate message given the key role that the US plays in supporting the Ukrainian military effort.

Given Macron's statements, has this controversy benefited China?

It would certainly appear to be the case. Xi Jinping has much to gain from European disunity. This controversy seems to illustrate that. What is even more worrying about this visit is that Macron's attempts to dissuade China from militarily supporting Russia in the Ukrainian conflict will only motivate the Chinese leader to use this conflict more as leverage against European countries. In terms of communication and symbolism, China is currently setting the diplomatic narrative and, consequently, leaving Western countries to quarrel over the crumbs.

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Interview by Emilie Finck.