Euan Walker est chargé de missions internationales à Mines Paris – PSL et assistant de recherche et d’enseignement à l’ESSEC. Diplômé en histoire et en sciences politiques de Durham University et de la Ruprecht-Karls Universität Heidelberg, il poursuit actuellement un master en économie et politique publique à l'ESCP. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.
Cette semaine, Euan Walker et Laurence Aubron discutent des affrontements serbo-kosovars actuellement en cours et du projet de loi controversé du PiS en Pologne.
Pour en revenir à l’actualité européenne de la semaine, des affrontements ont récemment eu lieu entre la Serbie et le Kosovo…
En effet, s’il est toujours difficile de discuter le fait que le Kosovo serait le cœur de la Serbie, comme l’a affirmé le champion de tennis Novak Djokovic au cours du tournoi de Roland Garros, une chose semble sûre : les blessures au Kosovo ne se sont jamais totalement refermées depuis la fin du conflit. Ces blessures se sont rouvertes à l’occasion des récentes élections municipales.
De violents affrontements ont éclaté lundi 29 mai 2023 entre Serbes, forces locales du Kosovo et la KFOR, la force internationale de maintien de la paix dirigée par l'OTAN au Kosovo, faisant une trentaine de blessés parmi les troupes internationales et une autre cinquantaine parmi les manifestant·es. Les affrontements ont eu lieu dans la partie nord du Kosovo, où les populations serbes sont majoritaires, et protestaient contre l’intronisation de maires albanais. Les manifestant·es exigeaient la destitution des nouveaux maires, élus lors des élections municipales d'avril dernier.
Il est intéressant que le schéma : organisation d’élections – boycott – remise en cause du résultat – violence – est toujours aussi scrupuleusement suivi depuis la fin des années 80. Mais personne n'a l'air de vouloir y mettre fin.
Quelles réactions ces affrontements ont-ils suscités parmi les dirigeant·es politiques ?
Malheureusement, les tentatives de dialogue apparaissent encore bien vaines. Le Premier ministre du Kosovo a qualifié les manifestant·es d'extrémistes et a appelé à leur séparation de la communauté serbe. De l’autre côté, les partis d'opposition en Serbie ont appelé au dialogue et à la destitution des « maires illégitimes », soulignant la nécessité d'une solution durable. Les tensions se sont poursuivies au courant de cette semaine et l'OTAN a annoncé le déploiement de forces supplémentaires à titre de précaution.
Côté Union européenne, le responsable de la politique étrangère de l'UE, Josep Borrell, a appelé Serbes et Albanais du Kosovo à une « désescalade immédiate et inconditionnelle des tensions ». Ce qui est intéressant de souligner, c'est que la Russie et la Chine ont déclaré leur soutien à la Serbie. Le premier au nom d’une supposée fraternité slave orthodoxe. Le second du fait de son opposition – par principe – à toute sécession. La lutte d’influence dans les Balkans, entamée dans les années 90 et manifestement ignorée par l’Union, est loin d’être finie.
En ce qui concerne l’État de droit et reprenant cette idée de l’influence Russe, la Pologne s’est de nouveau retrouvé réprimandée suite à l’annonce d’un nouveau projet de loi…
En effet, le président Andrzej Duda a annoncé son intention de signer un projet de loi controversé. L’objectif est de créer une commission chargée d'enquêter sur l'influence de la Russie sur la politique polonaise. Parmi les sanctions, une possible interdiction d'exercer une fonction publique pendant dix ans.
Cette fameuse commission, composée de neuf membres, sera nommée par le Parlement, où le PiS détient une courte majorité, et son champ d'action couvrira les actions influencées par la Russie entre 2007 et 2022. Les partis d'opposition ont annoncé leur boycott de la commission et de plus, plusieurs centaines de milliers de Polonais·es ont manifesté contre ce projet le dimanche 4 juin. Dans le contexte du conflit russo-ukrainien et de la méfiance quasi paranoïaque à l’égard des ingérences étrangères, le dispositif prétend éradiquer les agents du Kremlin en Pologne.
Mais concrètement, quel serait l’enjeu stratégique de cette commission pour le parti dirigeant, Droit et Justice ?
Alors, l'opposition considère qu'il s'agit surtout d'un outil pour discréditer et harceler les rivaux politiques. En particulier l’ancien Premier ministre Donald Tusk, déjà ciblé par les médias d’État, tant le PiS en craint l’influence sur les prochaines élections législatives. Bien que la stratégie du parti Droit et Justice puisse paraître calomnieuse, il se peut qu’elle joue sur une interprétation sévère de l’inaction du Conseil européen lors de la prise de la Crimée par la Russie en 2014, période où Donald Tusk a présidé l’institution.
La Commission européenne a exprimé sa « profonde inquiétude » quant à l'adoption de cette nouvelle loi en Pologne par peur que la loi ne soit utilisée pour empêcher des personnes d'exercer des fonctions publiques sans procès équitable. Par conséquent, la Commission européenne analyse actuellement la nouvelle loi et sera en mesure de demander des explications au gouvernement, de façon à s’assurer que la législation envisagée ne poursuit pas des projets électoralistes nationaux.
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Entretien réalisé par Laurence Aubron.