Cette semaine, nous partons à la rencontre de la musicienne Emmanuelle Parrenin.
Cette semaine nous partons explorer la scène folk française avec une grande figure de ce genre, Emmanuelle Parrenin. Surtout connue dans les années 70 pour sa participation au folk revival en France, elle est aussi une collecteuse de son. Les musiques d'autrefois, les instruments oubliés, ou les mots enfouis sous le temps... Emanuelle Parrenin les déterre, les revisite et ravive les folklores. Dernièrement, elle a publié un album, Targala, la maison qui n'en est pas une. C'est l'occasion de revenir sur ses 50 ans de carrière et de partir à sa rencontre cette semaine, pour la chronique de l'artiste européen de la semaine.
Chapitre 1. Une cueilleuse de sons
Toute son enfance, la musique résonne dans le foyer d'Emmanuelle Parrenin : née en 1949, elle grandit à Paris, dans la maison où le compositeur Maurice Ravel a vécu. Elle grandit au milieu de musiciens et musiciennes et dans une ambiance semi communautaire. Sa mère est harpiste, son père est violoniste et dirige le quatuor Parrenin, un ensemble réputé dont les membres partagent également la maison familiale. Emmanuelle Parrenin apprend la guitare et adolescente s'intéresse rapidement aux instruments traditionnels tels que l'épinette, la vielle, le dulcimer, la guimbarde, la harpe et tant d'autre … Plus tard elle participe aux activités du Bourdon, un folk club créé dans les années 60 – on y reviendra dans les prochains chapitres. C'est avec ce club qu'elle prend part à des collectes de musiques traditionnelle – en France, mais aussi au Canada et en Louisiane. Cette curiosité irrigue toute sa carrière, comme nous pouvons le constater dans Dulcimer, un morceau qui évoque cet instrument à cordes frappées qui a accompagné les émigrants européens jusque dans les Appalaches américaines.
En 1973, elle cofonde son premier groupe, le quatuor Mélusine qui réunit plusieurs instruments populaires comme la vielle à roue, l'accordéon diatonique, la cornemuse et l'épinette des Vosges, et qui interprète un répertoire emprunté à la tradition francophone qui provient du travail de collectage mené par le groupe.
Chapitre 2. Le folk revival des années 70
Mais qu'est-ce que le « folk revival » ? Le groupe Malicorne que nous venons d'écouter en a été un des étendards. C'est un phénomène de renouveau de la musique folk qui a commencé aux États Unis dans les années 40, et qui a trouvé une résonance sur notre continent. En France, nous pouvons dire qu'il prend forme en 1964, lorsque le jeune musicien britannique John Wright débarque à la capitale, et organise les premières rencontres entre amateurs et amatrices de folk au centre américain de Paris, une institution culturelle et artistique particulièrement dynamique à cette époque. Ces amateurs de folk souhaitent redécouvrir le patrimoine régional et traditionnel, pour retrouver des sonorités peu présentes dans les grandes villes et raviver les racines et les identités. Et au sein de ce mouvement qui participe à la contre-culture caractéristique de l'époque, Emmanuelle Parrenin apporte sa voix. C'est à ses 18 ans, au début des années 70, qu'elle plonge dans ce monde. Elle fait partie du premier folk club français, Bourdon, fondé quelques années auparavant parle musicien anglais John Wright. Au sein de cette communauté, elle se passionne pour les sonorités populaires et traditionnelles, et s'engage dans plusieurs projets de musique folklorique d'envergure : Mélusine qu'elle cofonde en 1973 mais aussi le groupe Malicorne, qui propose un mélange d'ancien et de moderne et qui a été très important dans le paysage musical français de cette époque, aux côtés d'Alan Stivell ou de Catherine Périer entre autre noms, et des groupes comme Maluzerne et Tri Yann. C'est justement un titre de Malicorne que nous avons écouté au début de ce chapitre, Les tristes noces, bon exemple de cette musique : beaucoup de reprises des airs traditionnels mais interprétés avec une regard nouveau. Et dans la même période, elle fait partie de la formation Gentiane, avec qui elle explore le répertoire folklorique d'Auvergne. Toujours dans cet univers artistique, en 1974 elle présente l'album La Maumariée avec son mari Phil Fromont. Et en 1976 elle participe à Douar Nevez, le premier album solo de Dan Ar Braz, grande figure de la musique bretonne, connu notamment pour revisiter le répertoire traditionnel avec une guitare électrique.
Chapitre 3. Du folk à l'expérimental
Nous avons vu dans le précédent chapitre qu’Emmanuelle Parrenin fut très engagée sur la scène musicale du revival folk de la France des années 70. Et à la fin de cette période, en 1977, elle présente son premier album solo, Maison Rose. Cet album marque un tournant dans son parcours musical. C'est à la fois une synthèse des dix ans de parcours de musique folklorique et d’exploration des sonorités traditionnelles, tout en ouvrant vers l’expérimental et le contemporain. Avec les instruments anciens qu'elle aime redécouvrir comme la vielle, l'épinette, le dulcimer et beaucoup d'autres, elle cherche de nouvelles sonorités. Dans ce premier album, elle collabore avec plusieurs musiciens contemporain : les frères Baschet, Jacques Rémus et Bruno Menny, ce dernier étant un élève de Ianis Xénakis, un des compositeurs majeur de la musique contemporaine. Pour vous faire une idée, écoutonsTopaze, une collaboration de Menny et Parrenin sur l'album Maison Rose :
Vous l'avez entendu, avec cet album Emmanuelle Parrenin pousse sa musique plus loin, en accordant son travail de collectage et son expérience sur la scène folklorique, à une démarche expérimentale.
Chapitre 4. La musique pour guérir
Collecteuse de son depuis son adolescence et figure importante du revival folk dans la France des années 70. C'est une musicienne expérimentale qui aime visiter les sonorités d'ici, d’ailleurs, d'aujourd'hui et d'autrefois, pour créer celles de demain. Emmanuelle Parrenin explore, s'aventure et transforme. Elle est très active sur les scènes françaises jusqu'en 1989, lorsque survient un drame. Suite à un grave accident, elle devient sourde. Les médecins lui disent qu'il n'y a rien à faire. Pourtant, elle se tourne vers des thérapies alternatives qui lui réussissent : danse contemporaine, art-thérapie, yoga, tchi, tchi-kong, chintaido et kototama. Et c'est tout ce travail qui l'a amenée à devenir elle-même musicothérapeute pendant dix ans, et à créer la Maïeuphonie. De « maïeutique », qui est l'art de faire accoucher et de « phonie » qui vient du grec « fonè » qui veut dire « voix ». C'est une démarche thérapeutique, qui permettrait, selon Emanuelle Parrenin, de se libérer des blessures du passé et de se reconnecter à notre nature profonde, en accouchant de ces voix qui nous habitent, donc de soulager nos douleurs et d'aider à mieux nous connaître. Emanuelle Parrenin explique : lors un entretien sur la radio Enghien : « […] C'est accoucher de soi à travers la voix mais c'est aussi accoucher de soi à travers la résonance. [Car] la voix c'est un révélateur de l'être... ».
Chapitre 5. De retour sur scène
Dans les précédents chapitres, nous avons pu avoir un aperçu de la carrière riche et mouvementée de Emanuelle Parrenin. La musique pour raviver les mémoires et les identités, la musique pour explorer et inventer demain, la musique pour guérir.... Après un accident dans les années 90, elle s'éloigne de la scène pour se rétablir. Et puis la voilà de retour en 2005. Revenue à la capitale depuis peu, elle rencontre Francisco Lopez, alias Flop, l'un des fondateurs du label des Disques Bien. De cette collaboration naît donc son album Maison Cube, paru en 2011, 35 ans après son premier album. Un album où Emmanuelle Parrenin reprend son travail folklorique et expérimental.
En 2021 elle présente son album Jours de Grève, en collaboration avec l'allemand Detlef Weinrich. Un artiste connu sur la scène électro de Dusseldorf depuis les nineties, avec ses rythmiques minimalistes et complexes, dans une ambiance entre krautrock et clubbing. Jours de Grève réunit donc deux musiciens explorateurs du son, qui divergent dans leur univers musicaux, mais qui se rejoignent dans leur démarche artistique.
Et puis récemment, Emmanuelle Parrenin a présenté son quatrième un album, en solo cette fois-ci. L'album, qui s'appelle Targala la maison qui n'en est pas une, présente une musique singulière, qui a parfois quelque chose d'un peu extraordinaire même, et qui accompagne une poésie profonde et délicate. Et voilà quelques-uns de ses vers, pour parler du chemin de la vie : « Parfois il il m’emmène et je me cramponne à lui / Parfois il m’emmène et je ne crains plus la nuit / Je le devance et il me montre la voie / Parfois il m’emmène / je me cramponne à lui / Je le devance et il se cramponne à moi ».
Une émission proposée par Mari le Diraison.