Et cette semaine, nous sommes à Barcelone : nos artistes sont 4, sont catalanes, sont de la gen Z et forment le groupe Mourn : j’ai cité Jazz Rodriguez Bueno et Carla Perez Vas à la guitare/voix, Leia Rodriguez Bueno à la basse, et Victor Alvarez Ridao à la batterie. Mais ça n’a pas toujours été le cas : au début de l’aventure, en 2014, c’était Antonio Pistius derrière les baguettes. Et en 2014, le quatuor est au lycée ! L’histoire de Mourn débute là, d’un nid refuge d’amitiés adolescentes : d’un quatuor qui se sent un peu à part parmi ses pairs ; ce qui teinte leurs paroles, comme leur musique. Alors c’est parti, remettons un pied dans nos années lycées, entre Glee et Grease, du côté des dissidents.
Chapitre 1 : High School Musical
C’était le titre "Jack", un titre issu du premier album éponyme sorti en 2014. Un titre en colère, vous avez peut-être entendu les paroles : “Tu te crois génial/ moi je dis que tu es ennuyeux/ tu me traites de bébé/ je te dis d’aller te faire foutre”. La colère, ça leur parle à Mourn ! La petite troupe se sent un peu en décalage, et se réfugie dans des groupes des années 1990, comme les étatsuniens de Nirvana ou encore les punks des Ramones... Pas vraiment au gout du jour !
C’est autour de cette culture dissidente que le groupe se forme, d’abord autour de l’amitié de Jazz et Carla, qui se rencontrent au lycée : le match est immédiat.
Ensemble, elles arpentent pendant des heures la collection de CD du père de Jazz, Ramon Rodriguez, lui-même musicien. Et un jour, elles tombent sur les vinyles de la guitariste anglaise PJ Harvey. C’est une révélation pour les deux copines ! Elles se mettent à écrire, à composer, suivant les pas de la chanteuse, mais il leur manque quelques instruments. Elles recrutent alors Antonio à la batterie, un ami-dissident-musical, et Leia, la petite sœur de Jazz, à la basse... Tadaaa, Mourn voit le jour !
C’était le titre "Boys Are Cunts", “les garçons sont des trainés/pétasses”, un titre engagé, féministe, quatre ans avant le mouvement Metoo. Engagé et en colère, le dernier servant souvent le premier, et le dernier étant de plus assez présent chez Mourn ! Si certains ne voient qu’une question de jeunesse dans cette expression de la contestation, ce que je déplore, il n’empêche qu’il leur reste une énergie brute, sauvage, radicale dans leur musique et notamment dans ce premier album : le quatuor l’a enregistré en deux jours, quasiment en direct, comme en concert, avec tous les instruments en même temps : il faut avouer que ça coule de source entre les Mourn.
Evidemment, ce format one-shot correspondait aussi une contrainte économique (le groupe l’a enregistré avec 400 euros en poche), mais qui, ça tombe bien, résonnait parfaitement avec leur recherche esthétique d’une énergie punk garage. Un 11 titres bruyant et cathartique qui a très très bien été reçu par les critiques, notamment par le média anglais Pichtfork qui les a invité à leur festival annuel.
Nous arrivons à la fin de notre épisode alors je vous propose que l’on se quitte aujourd’hui avec le titre “Silver Gold”, le titre édifié par Pichtfork comme une des meilleures chansons de cette année-là, un titre qui montrerait tout le potentiel du groupe ;
Et je vous dis à demain : au programme, un throw-back en 2016 : les Mourn sont majeurs, et sortent leur deuxième album.
Chapitre 2 : LMFAO
Mourn, c’est le nom du groupe qui nous accompagne cette semaine, alias Jazz et Clara aux guitares/voix, Leia à la basse et Victor à la batterie ! Un groupe catalan créé en 2014 sur les bancs du lycée. Car avant d’être un groupe, Mourn était surtout une histoire d’amitié fondée sur l’amour du punk rock des 1990. D’abord entre Jazz et Clara, bff depuis la seconde, rejointes par Antonio (qui tient la batterie dans le line up originel du groupe) puis par Leia, la sœur de Jazz. Nous avons écouté hier leur premier album sorti en 2014 qui marque un tournant pour le groupe le propulsant directement sur le devant de la scène : il est demandé à l’international, de l’Amérique du Nord à Europe, en passant par le Japon. Le premier appelant le second, Mourn sort son deuxième album en 2016 que je vous propose d’écouter aujourd’hui, l’album Ha, ha, he. Méfiez-vous des apparences, le nom d’album est plus ironique qu’autre chose : il y a du drama dans l’industrie musicale.
C’était le titre "The Unexpected", un titre qui conserve toute l’identité du groupe : son aspect brut, direct et punk. Les voix de Jazz et Clara continuent de rugir à l’unisson : “Personne n'est exempté de l'inattendu”. Des paroles, vous l’avez peut-être remarqué, en anglais, mais d’un anglais plus travaillé que celui du premier album, parfois un peu bancal : c’est entre-autre ce qui avait attiré l’attention des critiques anglaises !
Ha Ha He, c’est alors une petite capsule des aventures du groupe depuis le succès du premier album. Pour Jazz, je cite “cet album c’est un peu comme un journal personnel, intime, des expériences qu’on a vécues depuis 2015. Après, chaque chanson a sa propre ambiance et personnalité. Certaines partagent bien des sentiments, mais les expériences qu’elles racontent sont différentes.” Des titres plus écrits que dans le premier album, mais qui a en commun avec lui “l’énergie et l’immédiateté”.
C’était le titre "Second Sage", un titre écrit en hommage à Ocarina of time, le jeu vidéo de Zelda auquel Jazz a joué tout l’été dernier : “quand je suis à l’intérieur du temple du feu, je suis l’héroïne”. Le tout sur une mélodie aux coups aiguisés et coudes rapides, qui donne une impression d’urgence.
Comme l’ensemble : des titres courts de moins de 2 minutes, bruts, qui explorent le territoire froid du post punk et qui ont été enregistrés comme le premier album : en 2 jours, en live, tous les instruments en même temps.
Il ressort de cet album un sentiment d’urgence, dans lequel on peut aussi voir un petit reflet de ce que traverse le groupe à ce moment-là dans l’industrie musicale : leur label espagnol Sones est coincé dans un litige avec un autre artiste, et se met à bloquer la sortie de Ha Ha He, même des mois après son enregistrement, alors même que Mourn avait avancé de sa poche l’enregistrement du 12 titres. Mourn se sent alors je cite “retenu en otage”, et évoque un loooong combat juridique envers leur label. Heureusement, l’album finit par sortir, notamment grâce au soutien de leur label étatsunien Captured track, "titre capturé", ce qui n’est pas sans ironie. Ni marquer de précédent d’ailleurs : ce n’est malheureusement pas la première fois que des jeunes et moins jeunes artistes se font duper par des labels.
Et cette entourloupe, c’est entre autres, ce dont parle leur troisième album que nous écouterons demain ! D’ici là je vous laisse avec le titre “Irrational Friend”, un titre qui évoque l’amour comme une forme de transaction.
Chapitre 3 : Une histoire de famille
Direction Barcelone, où nous retrouvons nos 4 artistes européens de la semaine, alias les 4 membres du groupe de punk-rock des 1990 Mourn ! J’ai cité Jazz Rodriguez Bueno et Carla Perez Vas à la guitare/voix, Leia Rodriguez Bueno à la basse et Antonio Postius à la batterie, qui cèdera bientôt sa place à Victor Alverez. L’histoire de Mourn, c’est avant tout une histoire de copaines !
Hier, nous avons écouté le deuxième album du groupe, Ha Ha He, l’album publié en 2016 ; aujourd’hui je vous propose leur troisième sorti en 2018, l’album Sorpresa Familia, “Famille surprise”. Et la surprise dont iels parlent, c’est un contentieux qui les a opposés à leur label deux ans auparavant, contentieux dans lequel ils ont failli laisser leur musique ! Mais les coups durs, c’est aussi ce qui unit une famille, et Mourn, c’est aujourd’hui, la leur ; je cite : “maintenant, on est plus unis que jamais parce qu’on a vécu beaucoup de choses ensemble. La seule chose qu’on veut à l’heure actuelle, c’est de continuer à jouer et d’oublier tout ça. Il faut aller de l’avant". Alors let’s go, Show Must Go On !
C’est le titre "Orange", un de mes préférés de l’album pour ses voix lointaines, ses guitares nébuleuses et ses percussions hypnotiques. “Je suis de retour, ne t’inquiète pas” chantent Jazz et Clara !
Cet album garde une silhouette punk, la marque de fabrique du groupe, mais expérimente aussi des sonorités plus mélodiques, plus resserrées, plus détaillées. Les textes sont en partie une chronique de la frustration rencontrée avec leur ancien label : dans “Barcelona City Tour”, le titre d’ouverture de Sorpresa Familia, les chanteuses clament “What a shame / ils peuvent vous laisser entrer mais aussi vous expulser”. Petit clin d’oeil à l’industrie musicale ? Ecoutez, on retrouve l’énergie contestataire des anglaises du groupe punk féminin des années 1970, the Slits !
Au-delà de leur ancien label, les textes continuent de porter sur des thèmes personnels, comme à leur habitude, à l’image de journal intime, de façon plus ou moins métaphorique. Et comme ils avaient 17 ans au moment du premier album, on les entend littéralement grandir au fil de leurs sorties ! Dans le titre “Candle Man”, Mourn personnifie l’idée de danger dans cette figure de l’homme bougie ; écoutez d’abord cette version signée par Jazz ; chez Mourn, le talent est collectif mais aussi individuel.
Je vous propose que l’on se quitte aujourd’hui avec la version studio, et qu’on se dise à demain, dans l’AEDLS ! Au programme, le quatrième album du groupe, sorti lui en 2020.
Mais cet album pour la première fois marque le changement de line up dans le groupe : Antonio décide de quitter le groupe à la suite de cet album : malgré l’unité des membres, le litige avec le label lui pèse trop ; il a besoin d’une petite pause. C’est Victor Alvarez Ridao qui prendra la suite !
Chapitre 4 : Parce que je le vaux bien
Direction Barcelone où chante, compose, et vit le groupe catalan Mourn ! Depuis 2014, Jazz, Clara, Leia et Victor diffusent une musique punk, rock, cold wave pour exprimer ce que ça fait, ce que ça veut dire d’être jeune adulte aujourd’hui. Car si à leurs débuts, les musiciennes étaient toustes mineures, iels s’installent maintenant tranquillement dans la vingtaine ! Et leurs albums suivent leur route et leurs préoccupations comme des journaux intimes, avec comme fil rouge, une énergie brute qui ne se dompte pas. Alors après avoir écouté hier Sorpresa Familia, leur troisième album, aujourd’hui je vous propose leur 4ème, l’album Self Worth, sorti en 2020. Et dans cet album, ce qui agite le groupe, c’est l’idée de résilience, de la recherche d’une paix intérieure au travers des problèmes quotidiens, entre problèmes financiers, anxiété, sexisme, et estime de soi... Tout un programme ! Alors c’est parti, en musique maestro.
C’était le titre d’ouverture de l’album, qui le résume très bien : “This feeling is disgusting”, “ce sentiment est dégoûtant”. Et le sentiment en question : la peur de ne pas y arriver, de ne pas se trouver. “Est-ce qu’on ira bien ? J’ai envie que ça marche, j’ai peur, je ne peux pas être un échec, ni décevoir mes parents, je stress et j’ai peur”. Dur dur de se faire sa place dans le monde !
En même temps que la publication de Self Worth, Mourn a sorti des vidéos reportages d’écriture de l’album ; je vous laisse un extrait de l’épisode dans lequel Jazz et Clara parlent de “This feeling is disgusting”, qui a failli s’appeler, en anglais “mes parents n’approuvent pas ma façon de vivre”.
Si les sujets abordés par Mourn évoluent au fil des albums, certains restent : dans le titre “Men”, Mourn aborde.. les hommes, derrière eux, le patriarcat et ça, c’est une tradition à laquelle le groupe ne déroge jamais ! Chaque album a au moins un titre dans lequel Jazz et Clara chantent leur désarroi face aux comportements misogynes et ici, c’est rouge colère : “A leur yeux, je suis faible, mais c’est leur regard qui l’est, mes limites ne sont jamais respectés, ils pensent faire des choses pour moi, mais ils les font pour eux à moi”. Cacophonie de cris et batterie on fire, c’est parfait pour expulser notre frustration.
Cet album s’inscrit dans l’évolution constante du groupe : de sortie en sortie, le quatuor resserre son écriture, aiguise son attaque punk en se dirigeant vers des accents pop, et mature les enregistrements. Le média Europavox voit dans cet album la meilleure sortie du groupe !
Nous arrivons à la fin de cet épisode, alors je vous propose que l’on se quitte dans un bouillon d’énergie : le titre “It’s a frog’s world”, “c’est un monde de grenouille”, forme un mur instrumental en pagaille et enragé pour dénoncer les comportements fuyants, de ceux qui pensent que ne pas parler des problèmes est suffisant pour les faire disparaître… Effectivement, il fallait au moins une montagne de son pour faire entendre le message !
Je vous dis à demain, au programme dans l’AEDLS : le dernier album du groupe sorti ce mois-ci, The Avoider, en français quelque chose comme L’évitant… Tiens tiens, on donne le ton.
Chapitre 5 : Laissez un message après le bip
Et aujourd’hui, c’est notre dernier chapitre sur le quatuor catalan Mourn : J’ai nommé Jazz et Lei Rodriguez Bueno, Clara Perez Vas et Victor Alverez ! Le groupe qui depuis lundi branchait dans nos oreilles non seulement du rock-punk à fond la caisse, mais aussi leurs craintes d’adolescentes, de jeunes adultes, et d’adultes. Car depuis ses débuts de groupe de lycéennes en 2014, Mourn a bien grandi !
Dix ans de carrière, mais aussi dix ans charnière de passage de l’adolescence à l’âge adulte que nous remontons depuis lundi. Pour ce dernier chapitre, je vous propose que l’on écoute le dernier album du groupe, l’album The Avoider -quelque chose comme “l’évitant” en français- et on a de la chance il vient juste de sortir.
C’était le titre "Heal Hill", un titre sur lequel Mourn s’éloigne de sa ligne punk pour explorer des sonorités de rock-folk au synthé qui ne sont pas sans me faire penser à l’énergie des anglais de Radiohead ou des étatsuniens des Pixies.
The Avoider, c’est aussi ça ! Onze titres qui, sans oublier leurs origines punk, naviguent vers d’autres styles musicaux, avec des titres tirant vers la pop, la pop rock et des sonorités émo des années 1990 / 2000. Onze titres que Mourn a travaillé exprès pour et par le studio, à contrario des premiers, qui étaient enregistrés en one-shot, condition live.
The Avoider, c’est aussi onze textes qui sont onze appels poétique à l’aide et au désespoir autour de l’exploration du monde actuel en tant que jeunes adultes. Le regard les attentes des autres, les soirées d’ivresse, les journées où on y croit plus, où notre lit nous parait la chose la plus attractive, les relations ratées, l’angoisse du futur, la To-Do list qui rallonge, le peur de ne pas y arriver… Trente-deux minutes pour faire le point sur ces dix ans de traversée musicale et savourer là où iels en sont : pour Clara, maintenant c’est la kiffance.
Je vous propose le titre “Could be Friends”, en direct ça donne ça . Quand je vous parlais des vibes années 2000 émo/punk de l’album, ce titre pour moi en fait parti ; il donne envie de le ranger pas trop loin de ceux d’Avril Lavigne.
Nous arrivons à la fin de notre saga de l'artiste européenne de la semaine sur le quatuor Mourn !
Nous disons bye bye à l’Espagne, bye bye à Barcelone, et surtout, bye bye à Jazz, Leia, Clara et Victor !
Merci à elleux pour cette traversée punk rock des années 2010 aux années 2020, mais aussi, cette traversée de l’adolescence à l’âge adulte, de la plume de très jeunes à jeunes, de la colère et du ras le bol des ado à celles des adultes ; et n’en déplaise aux bien-pensants, elles ne semblent finalement pas trop éloignées.
On leur dit à dans dix ans, à la sortie de leur onzième album, pour les entendre nous parler de ce que ça fait, d’avoir trente ans ! D’ici là, je vous laisse avec le titre "Headache", un titre bien rock’n’roll qui prépare la fin de la semaine.
Bon week-end à elleux, bon week-end à vous ; pensez à Mourn et n’oubliez pas de saluer les vingtenaires de votre vie !
Quant à nous, on se dit à la semaine prochaine, sur les pas d’une ou un nouvel artiste sur euradio.
Une émission proposée par Hannah Tesson.