Artiste européen·ne de la semaine

Carla Pallone (Nantes) - Artiste européenne de la semaine

Carla Pallone (Nantes) - Artiste européenne de la semaine

Cette semaine nous sommes à Nantes : Quelque part entre le conservatoire -c’est là que notre artiste européenne de la semaine a fait ses armes au violon- l’école des beaux arts -où elle a fait des rencontres déterminantes- et la gare -où elle prend j’imagine souvent le train pour ailleurs. 

Car la musique de notre artiste de la semaine s’exporte, croise d’autres artistes et grandit à leurs contacts. Une musique néoclassique sensible, qui comme un être vivant, éprouve des émotions, les siennes celles des autres ; notre artiste est touche à tout, joue en duo, trio, en orchestre, compose pour des concerts, le théatre et le cinéma. 

Cette musique c’est celle de Carla Pallone, que chance, nous allons écouter cette semaine. Mais avant d’être sa musique à elle toute seule, elle la partage avec Rebeka Warrior au sein de leur duo Mansfield.TYA. Cela vous dit quelque chose ? Un duo actif de 2002 à 2022 alors soyez sympas, rembobinez. 


Chapitre 1 : Les étonNantes



Le titre “Pour oublier je dors” est issu du premier album de de Mansfield.TYAJune, sorti en 2005. Mais qui n’est pas leur première sortie ! 

L’histoire de Mansfield.TYA débute en 2002. A cette époque, le duo est en études : Carla est au conservatoire, et Rebeka alias Julia est aux Beaux Arts, dans la même promo que la sœur de Carla. Soeur qui a eu l’élan de génie -merci à elle- de demander quelque chose comme : “vous ne voulez pas vous rencontrer ? Je suis sûr que vous pourriez faire quelque chose”.  Le match violon-voix se fait, et c’est le début de Mansfield.TYA.

Qui a ce moment-là, s’appelle seulement Mansfield d’ailleurs, en femmage à June Mansfield, l’épouse de l’écrivain Henry Miller. Mais lorsqu’un journaliste les interpelle à propos de leur premier CD gravé nommé TYA, il colle l’ensemble, Rebeka et Carla ne veulent pas le contredire et… Finalement, ça sonne bien. Tout comme leur musique : quand June sort à la rentrée 2005, c’est un succès et 10 000 albums s’écoulent rapidement. Le titre “Mon amoureuse” s’érige en tube. 



“Mon amoureuse”, une jolie déclaration d’amour lesbien, à l’image des textes de Mansfield.TYA : une poésie fragile soutenue par un duo violon/voix. Ce qui les fait détonner parmi la scène musicale française ! Comme elles le disent elles-mêmes : “Mansfield, c’est un groupe de chansons françaises, qui n’a jamais fait partie de la famille de la chanson française”. 

Pléthore de références littéraires et artistiques, c'est aussi ce qui caractérise le duo : le titre “For You” met en musique le poème "Genius" de Leonard Cohen (avec son autorisation!).



Chapitre 2 : Silence, ça pousse !


Carla Pallone, c’est le nom de la violoniste nantaise que nous suivons cette semaine ! Violoniste, mais aussi compositrice, interprète, arrangeuse ; la musique de Carla, c’est une matière vivante, comme une force tranquille, sincère, qui prend forme avec et par ce qui l’entoure. Hier, nous avons écouté le premier album du duo Mansfield.TYA actif de 2002 à 2022 ; aujourd’hui, je vous propose que l’on s’intéresse au trio qu’elle a co-fondé en 2013 avec le violoncelliste Gaspar Claus et la violoniste Christelle Lassort : le trio VACΛRME⁩. Iels sortent en 2018 un album éponyme avec un titre par lettre de VACΛRME⁩, sept titres construits comme un acrostiche. Cela donne une belle capsule de ce qu’est VACΛRME⁩, une liberté qui se tisse en cordes. Le titre "Λ", est comme le A du milieu du mot VACΛRME, un A si libre qu’il en perd sa barre au centre.



C’est à Toulouse en 2012 que la rencontre se fait. Carla travaille alors sur des arrangements autour de titre de Stranded Horse, le projet musical de Yann Tambour.  Carla invite Christelle sur le projet, qui elle-même invite Gaspar, et Yann n’allant pas très bien à ce moment-là, iels se retrouvent à jouer toustes les trois… Et il y a un goût d’évidence dans le plaisir de jouer ensemble, dans les notes qui se croisent, les univers qui se touchent ; comme iels le disent elleux-même, je cite “on a trouvé notre rocher commun”.



 La lettre C de l’album est un titre qui s’étire sur douze minutes ! Peut-être avez-vous entendu, la particularité de VACΛRME, c’est qu’iels ne cherchent pas à produire un son commun -comme le font normalement les groupes. VACΛRME, c’est plutôt l’addition de trois sons très distincts, des sons à l’image des personnes qui la produisent. 

Car VACΛRME est une musique mouvante, hors norme, qui s’écrit en même temps qu’elle se joue. Pour Clara, je cite : “Quand on joue ensemble, on ne sait pas où on va”. Les trois artistes étant alors arrangeur.ses le reste du temps, VACΛRME pour elleux, c’est l’occasion de la créativité, de la performance. Et c’est dans cette improvisation libre et l’infini contrôle de leurs instruments, de pouvoir se laisser guider par eux, que Clara, Christelle et Gaspar démontrent leur virtuosité individuelle et collective.



Chapitre 3 : Mon seul bling bling fut un bracelet électronique 


Cette semaine, nous suivons celle qui suivait elle-même son violon : la nantaise Carla Pallone ! Préparez vos cardio, ses deux mains et son instrument sont de la team marathonien  : Carla Pallone c’est plus de vingt ans de carrière, et une musique polymorphe, sensible, qui prend la forme des projets qu’elle rencontre tout en gardant sa propre couleur :  elle a joué pour des artistes comme la rockeuse étatsunienne Shannon Wright ou le folker anglais Matt Elliott, a été arrangeuse, a fait partie de groupe comme le trio VACΛRME que nous avons écouté hier ou le duo Mansfield. TYA, a joué au sein de l’ensemble baroque Stradivaria, a composé pour des pièces de théâtres, récemment même un podcast pour le New York Time (tout est très chill), mais aussi pour des films, de huit courts, moyens ou longs métrages. C’est ce que je vous propose d’écouter aujourd’hui ! Notamment son premier long, La fille au bracelet, un film de Stéphane Demoustier sorti en 2020. 



La fille au Bracelet, c’est l’histoire de Lise Bataille, jeune fille de 17/18 ans, accusée d’avoir tué sa meilleure amie. Le film suit les échanges du procès, et des allers-retours de Lise entre le tribunal et chez elle, munie de son bracelet électronique. 

Un film autour de ce personnage qui se construit par le silence, le sien, un silence alors habité, qui fait autant de bruit, pour lequel à l’origine, Stéphane Demoustier n’avait pas pensé de musique. 

C’est au montage que l’idée vient, voulant explorer une musique qui soit parallèle aux silences de Lise, comme une porte d’accès à son intériorité. Et pour cette composition, le choix de Carla Pallone s’impose à lui, il en parle au micro de Benoit Basirico. 



Carla n’en est pas à son premier film, et cet exercice, ce dialogue musical, est pour elle l’occasion de naviguer dans d’autres eaux, je cite : “les images amènent à chercher des choses vers lesquelles je n’irais pas forcément naturellement”. 

Mais ici, il s’agit de son premier long métrage, ce qui implique un autre travail ! Et autour de La Fille au Bracelet, la composition est longue, empirique, il s’agissait de je cite “trouver un juste équilibre pour ne pas forcer le sentiment, mais à la fois soutenir une émotion. Il y a tout de même une certaine pudeur, cette émotion est latente.” Une composition d’équilibriste mais aussi, une composition assez libre, réalisée en aller-retour à partir d'un premier montage de trois heures de film. 

Je vous laisse avec la musique qui accompagne le dénouement du film ; et autant j'ai pu couper le moment fatidique au montage, autant sur cette vidéo, spoiler alert, c'est à vos risques et périls ! 



Chapitre 4 : Car la warrior est une survivor 


Cette semaine nous sommes aux côtés de Carla Pallone, la compositrice autrice interprète multi instrumentiste nantaise -rien que ça-, qui plaçait son violon au centre de sa musique pour je cite : “faire entendre [du violon] ce que l’on n’entend pas forcément”. 

Presque vingt-cinq ans de carrière, et une liste de projets aussi nombreux que ses casquettes : il y en a des choses à dire ! 

Depuis lundi, nous avons défriché le terrain en écoutant l’album de 2018 du trio VACΛRME qu’elle a cofondé, la bande originale qu’elle a composé en 2020 pour le film La Fille au Bracelet de Stéphane Demoustier, mais aussi le premier album du duo nantais qu’elle a formé en 2002 avec Rebeka Warrior, le duo Mansfield.TYA

 Aujourd’hui je vous propose le dernier album du duo sorti en 2021 : car après 20 ans de virevoltage violon/voix, plus d’une centaine de concerts et beaucoup de prix, Clara et Rebeka disent bye bye à Mansfield. Tristesses et désolations, mais soyons fortes, tenons bons ! L’album s’appelle Monument Ordinaire, alors c’est parti, voyage en terres d’oxymores.



 “L’acqua Fresca” est le titre d’ouverture de Monument ordinaire, qui nous plonge tout de suite dans l’eau fraiche de l’album : “Ma femme est une racine, ma famille n’est que poussière, mes amis sont des rivières sur lesquels je vogue doucement”. 

Cet album a une place toute singulière pour Mansfield.TYA ; elles disent l’avoir créé avec une “énergie transformatrice”, l’énergie qui digère le deuil pour faire de la place à la joie et la vie. Elles le résument comme ça, je cite : “La vie et la mort sont des thèmes que l’on a beaucoup abordés avec Mansfield, et pour cet album, c’était un peu différent, parce qu’on a perdu quelqu’un de très proche, et c’est une sorte d’hommage, et le sujet de la mort s’est imposé, mais c’était aussi une façon de célébrer la vie et d’aller du côté du vivant, et du dansant. On a toujours aimé ces contrastes et là, on a peut-être été jusqu’au bout, on est allées toucher aux limites de ce qu’on a toujours essayé d’approcher.”.

Cela donne un album frontal, qui vit tout à la fois en même temps, à quatre, ou huit mains : sur le titre “Une danse de mauvais goût”, on retrouve le duo Odezenne



Des titres cousus de poésie, c’est ça Mansfield : la poésie comme liant, dans ce qu’elle a de fragile et d'éphémère, d'indélébile et de puissant en même temps. Cela donne à leur musique une aura bien à elle, vibrante et subtile, entre le pragmatisme et mystique. 

Après cet album, Carla et Rebeka décident de clore le duo, sortent la compile Twenty Years After, un condensé de leurs titres préférés, et partent en tournée d’adieu, avec une dernière date à l’Olympia  en novembre 2022. 

Je vous propose qu’on se quitte avec un dernier titre pour digérer l’information, le titre “La montagne magique” ! 



Chapitre 5 : Utopies interstitielles 


Aujourd’hui est notre dernier chapitre sur Carla Pallone, la nantaise violoniste qui avec son archet, peignait une musique délicate, précise, sensible, tantôt à plusieurs, tantôt seule, tantôt pour des salles de concert, tantôt pour des salles de cinéma. Depuis lundi, nous avons écouté ses compositions au sein du duo Mansfield.TYA, ses compositions au sein du trio VACΛRME, mais aussi ses compositions pour le grand écran que je vous propose de continuer aujourd’hui !

En 2022, Carla Pallone sort le quatre titres E Tu Chi Sei ?, un extrait de la musique qu’elle a produite la même année pour Libre Garance!, le film de Lisa Diaz : été 82, Garance a 11 ans et grandit dans le paysage des expérimentations alternatives qu’abritent les Cévennes… Mais qui ne les protègent pas de tout : deux activistes braquent une banque dans les environs, et ça tourne mal.



 Le titre éponyme de l’EP, "E tu Ki Seï ?" est un titre rempli de toute la délicatesse qui teinte les compositions de Carla, d’un équilibre vivant qui se redéfinirait en permanence sans jamais se rompre, et sans avoir besoin de l’anticiper ; écoutez-le. 



Et cette dimension de l'éphémérité, c’est aussi ce qui guide sa recherche sonore ; je cite : “Pour moi, les périodes de composition sont des temps assez imprévisibles, le temps d’une chanson est vraiment impossible à mesurer, et j’aime cette imprévisibilité, je veux la préserver. Parfois, on met trois mois à écrire un morceau, et parfois, il vient tout seul, et on l’aime tel quel, dans son état très minimal.

Et c’est sûrement en cela que la musique de Carla me donne parfois l’impression que son existence précéderait sa création, que son identité si forte et son caractère presque organique en font une évidence atemporelle que Carla découvre et nous révèle.



 Le titre “La curiosita / II Segreto”, un titre entre matières organiques et sons électroniques, qui marque la fin de notre semaine sur Carla Pallone ! La violoniste dentelière qui, comme une araignée, tissait en notes des natures complexes et évidentes.

J’ai adoré remonter sa route à vos côtés, et visiter quelques couleurs de sa palette musicale, même s’il y aurait encore tant de choses à dire ! Et à écouter : Carla ne cesse d’ajouter de nouvelles touches à sa palette. Elle vient de sortir la bande originale qu’elle a composé pour le court métrage du réalisateur grecque Manolis Mavris, Midnight Skin, un court métrage qui sera présenté à Cannes ; et cette BO, c’est une immersion dans la solitude de Fanny, le personnage principal, qui chaque nuit, se métamorphose en arbre…  

Je vous propose que l’on se quitte avec un extrait de ce nouveau projet, le titre "The Walk", because it’s time to go out ! 

Bon week-end à vous, bon week-end à elle, 

Profitez de ce bain de son, et je vous dis à lundi, sur les pas d’une ou un nouvel artiste sur euradio. 



Une émission proposée par Hannah Tesson.