Artiste européen·ne de la semaine

AySay (Aarhus) - Artistes européen.nes de la semaine

AySay (Aarhus) - Artistes européen.nes de la semaine

Cette semaine, on s’envole vers le nord, direction le Danemark ! On pose nos valises à Aarhus, la deuxième plus grande ville du pays ; c’est là-bas qu’habitent nos artistes européens de la semaine. Au sol : 300 000 habitants, un petit air iodé dans les narines (la ville longe le détroit Cattégat) et un petit vent frais (5 degrés à peu près). Mais pas besoin de doudoune pour vous réchauffer, vous pouvez compter sur notre trio de la semaine : AySay !

 A 3, la chanteuse Luna Erashin, le batteur Aske Doessing, et la guitariste Carl West produisent une musique d’ici, mais aussi d’ailleurs, pour montrer que le ailleurs, c’est aujourd’hui aussi ici ! 


CHAPITRE 1 : GO WITH THE FLOW 



Derrière le groupe, c’est d’abord une histoire d’amitié : les trois joyeux lurons musiciens se rencontrent en 2015, autour du même cours d’écriture créative dans le sous sol de l’école de musique, tous les lundi soir. Tous 3 sont au conservatoire ! Le projet AySay naît deux ans plus tard : la ville organise un festival, et l’école leur demande de jouer…. Ça sonne très très bien ! Ils enchaînent avec un festival local, “Roots & Hybrid”, et se lancent sur leur premier EP éponyme de 2018 dont vous venez d’entendre un extrait. 

Leur recette à eux ? Vous l’avez peut-être identifiée :  Des textes en danois, turcs et kurdes, sur de la folk pop ; un mélange d’instruments électroniques avec des instruments traditionnels turc, du Saz et Darbuka. Et cette recette, c’est avant tout celle de l’histoire de la chanteuse, Luna Erashin, fille d’un père kurdo-turque, autour de qui le groupe s’est constitué, je cite : “Je suis née et j'ai grandi au Danemark et je ne suis donc pas moins danoise que tous les autres possibles. Mais dans mon enfance, j'ai aussi été initié aux chansons folkloriques kurdes et danoises. Ce sont mes deux univers". 



C’était leur EP éponyme avec le titre “Hør en stemme / kuş dili”, un titre en turc et danois dans lequel Luna rend hommage à ses langues et ses multi origines “La voix orientale est en toi, Criez vos besoins dans les airs, Écoute cette voix, donne-lui la permission”. C’est ça, le projet de AySay, être le reflet de la mixité ethno raciale danoise et plus largement, d’un monde qui bouge, je cite : "Avec la musique, nous voulons remettre en question et brouiller les frontières entre les cultures et les genres, car dans ce monde globalisé, il est désormais presque plus normal que l'inspiration et les origines viennent de nombreux endroits différents - dans mon cas, le Danemark et la Turquie - plutôt que d'un seul endroit". 



Chapitre 2 : Around the world


AySay, c’est le nom du trio made in Danemark que nous suivons cette semaine !  Depuis 2018, Luna Erashin, la chanteuse, pianiste, violoniste et joueuse de Saz et Pandeiro fusionne en musique ses origines kurdes, turques et danoises, accompagnées de ses deux alliés : le guitariste Aske Doessing et le batteur Carl West. Le projet d’AySay, une mixité des musiques orientales et nordiques comme reflet des origines turcs de Luna, et derrière elle, de la mixité ethno raciale danoise et d’un monde qui floute les frontières ! Hier, nous avons écouté leur premier EP, aujourd’hui je vous propose le deuxième, Kervane, sorti en 2020. 



Le titre Gold, un titre écrit en danois et turc sur ce qui fait chez soi pour Luna, je cite :  “les arbres chuchotent, le vent m’appelle à la maison, mes pieds tournent, tu m’appelles à la maison”.

Appel de ses origines kurdes, ou origines danoises ; on ne sait pas ! Car ce titre, comme le reste du projet, a été enregistré ou travaillé à distance : après un an de tournée suite à leur premier EP, Erashin se lance dans un voyage en Amérique du Sud, lorsque ses musiciens sont au Danemark. Mais même pas peur, rien n’arrête AySay ! Et cette distance, c’est finalement ce qui a façonné le thème de l’EP ; “Kervane”, “caravane” en Kurde, comme l’idée du voyage, et de la ramification de ses influences dans un cinq titres psych-folk turc aux accents pop danoises. 



Le  titre éponyme de l’EP, Kervane, un titre qui parle de s’accepter soi en tant que femme, en tant qu’homme, mais surtout, de la fin du patriarcat pour toustes :  “Pendant de nombreuses années, Nos yeux étaient dirigés vers la lune, et maintenant nous y retournons, N'aie pas peur, beau, ne résiste pas,N'aie pas peur, ma belle, ne résiste pas, ma belle”. 

Ces angles féministes et antiracistes dans les compo d’Aysay sont un peu l’essence-même du groupe, qui s’est constitué autour de je cite “l’histoire colorée [de Luna en tant que] femme danoise et kurde, et fière de l’être”.  Des textes intersectionnels, à l’image de la musique qui les porte !  



Et parfois, des écrits d’amour : dans le titre “Telaf”, Luna parle en turc et danois de ce que ça fait, d’aimer quelqu’un qui finalement, ne mérite pas notre amour : “ Mon crayon est sec, Ma voix est rauque, je suis seule [...] Je ressens une sagesse, portée par le chant des baleines, mais ma voix ne chante plus”. 

Heureusement avec des alliées pareil, Luna ne perd pas sa voix trop longtemps : le trio sort son premier album l’année suivante, en 2021, et ça c’est le programme de demain !


Chapitre 3 : Tout va bien aller


Un petit tour au Danemark, tout en mettant un pied en Turquie, est-ce que ça vous tente ? C’est la recette musicale du trio danois AySay, qui décrivent eux même leur son comme un « choc entre les traditions et cultures musicales turques et occidentales ». Ecoutez cette reprise en turque de Beyoncé. Cette musique, c’est non seulement celle de l’histoire de la chanteuse Luna Erashin, danoise d’origine kurdo-turque, mais aussi celle de la société danoise actuelle, entre mixité et diversité des cultures, construite avec le batteur Aske Doessing et le guitariste Carl West. Hier nous avons écouté leur deuxième EP sorti en 2020, aujourd’hui, branchons nos oreilles sur leur premier album, Su Akar, sorti lui en 2021. Un album sur la difficulté de se trouver soi dans sa vingtaine et perso, ça fait du bien. 



“Su Akar”, le titre éponyme de l’album qui explore ce thème de crise du quart de siècle, celui des 25 ans, que traverse à ce moment-là le trio. Où va-t-on ? Quelle route prendre ? Qui sommes-nous ? “Su Akar” vient du proverbe turque “Su Akar Yolunu Bulur”, en français “l’eau qui avance trouvera son chemin”, une façon de dire… Restons confiant, la vie fera son affaire ! Et dans “Su Akar”, l’eau qui avance, c’est la voix de Luna qui donne le la et entraîne la musique avec elle.  

Ce genre de titre, c’est un peu le tour de force d’AySay : un morceau entre l’occident et l’orient, mais aussi un morceau entre l'acoustique et la musique électronique ; entre le voyage intérieur, l’intime et… La piste de danse. Les percussions du titre “Asiti” nous y propulsent directement. 



Pour AySay, cette fusion des styles n’est pas hors sol : elle s’accompagne de textes sur ce que ça représente, d’être issu.e d’une double culture. Dans le titre “Kader Olson”, en français “que ce soit le destin”, Luna aborde le privilège blanc, ce privilège pour les personnes blanches de ne pas avoir à se penser comme une catégorie et de ce fait, d’avoir du mal à concevoir l’altérité. Pour Luna, ces comportements blessants, qui visent largement les femmes immigrées, ne sont pas forcément volontaires : ils sont le résultat de ce privilège, je cite “ce n’est pas que tu sois méchant consciemment, que tu ne veux pas voir les conditions de vie des autres, c’est que tu ne peux pas”. 



Chapitre 4 : We are the world...


Cette semaine, nous sommes au Danemark aux côtés du trio AySay, alias Aske Doessing, Carl Hosbond et Luna Ersahin ! Mais pas que, leur musique nous emmène aussi en Turquie : les compo d’AySay fusionnent depuis 2018 la folk-électro avec du pop rock anatolien. Une fusion à l’image des origines de Luna, la chanteuse, fille d’un père turco-kurde, elle-même née au Danemark. Alors cette semaine dans nos oreilles, résonnent autant du danois, que du turc, du kurde (Luna parle 6 langues!) et de la guitare autant que du saz, un luth des Balkans. Hier, nous avons écouté le premier album du groupe, Su Akar, sorti en 2021 ; aujourd’hui je vous propose leur second, KÖY, sorti l’année dernière,  “village” en français dans lequel AySay continue son exploration de l’identité, des communautés et de l’appartenance



Dans le titre “Nerelisin”, “d’où venez-vous ?” en turc,  Luna dénonce cette question posée à toute personne perçue comme issue de l’immigration : “demande-moi d’où je viens/ tu ne comprendrais pas [...]/ mon chez-moi est partout”. Cet album, Luna l’a composé je cite « pour toutes les fois où je me suis sentie comme une moitié de personne. Assez. Je ne serai jamais moins qu'entière". 

AySay a aussi partagé un texte à la sortie de l’album, un texte sur cette volonté de faire société à partir des différences : "Dans un monde divisé par les frontières, la violence et l'injustice, nous avons un petit espoir de montrer un fait très simple, à travers notre musique : Ensemble, nous nous enrichissons les uns les autres. Ensemble, nous apprenons à ne pas avoir peur les uns des autres. Alors voilà : danois, turcs, Kurdes, Quelque chose pour vos cœurs et vos corps.


 Le titre "Dayê", “mère” en kurde, est une déclaration d’amour de Luna à la bienveillance de sa maman, car la communauté, ça commence peut-être là : ““maman, ne vois-tu pas, j’ai laissé mon cœur dans tes bras ouvert, te souviens tu comme tu étais douce, le vent parle de ta beauté”. 

Au-delà de la musicalité singulière d’AySay, les paroles ne sont pas en reste : Luna sonde son âme en poésie. Et elle a une petite expérience en la matière : elle commence à écrire à l’âge de 7 ans, ses sentiments, ses expériences, mais aussi un peu de tout, des bout de chansons à elle, et celles qu’elle connaissait par cœur ! Aujourd’hui elle continue, tout en sautant de langue en langue : je vous propose de poser votre attention dessus pour notre dernier morceau de cet épisode ! 

Le morceau “Ez Kevokim”, quelque chose comme “j’ai plongé” en Kurde, qui ressemble à un plongeon d’espoir :  “n’ai pas peur ami, nous ferons le monde, tu es le vent, n’ai pas peur, n’abandonne pas”.



Chapitre 5 : ... We are the children !


Et aujourd’hui, sonne notre dernier chapitre sur notre trio AySay, alias Luna, Aske et Carl ! Depuis lundi, nous remontons ensemble l’histoire du groupe, qui depuis 2017, fusionne folklore kurde et danois entre le voyage intérieur et… la piste de danse.  Une fusion à l’image des origines de Luna, la chanteuse aux paroles danoises, kurdes et turques, que l’on entend aussi derrière le Saz et autre instrument traditionnel. Vous pouvez l’écouter ici avec sa sœur et sa nièce. Hier, nous avons commencé à écouter leur deuxième album, KÖY, “village” en turc, un album sorti en octobre 2023 sur l’idée de faire communauté à partir de nos différences : tout un programme ! Alors aujourd’hui, je vous propose que l’on continue de l’écouter, car il en a des choses à dire… 



 Le titre “Yüksek Yüksek/Mit Folk”, “haut, haut / Mythe populaire” en turc, est un morceau plus lent que les autres de cet album, moins électronique aussi : il apparaît comme une petite parenthèse de douceur. C’est un titre dans lequel Luna parle du village de sa famille paternelle : “Haut dans les montagnes/J'aspire à un village de pierre/Haut dans les montagnes/Viens, l'odeur de la menthe/Ma grand-mère en a parlé“. Et haut dans les montagnes, c’est ce qui est représenté sur la pochette ! 

C’est aussi à sa grand-mère qu’elle s’adresse dans la titre “Dam Ustune”, “sur le toit” en français, le morceau de l’album dans lequel les influences pop s’entendent le plus. 



Nous arrivons bientôt à la fin de notre semaine aux côtés du trio AySay ! 

Le groupe danois qui nous a fait voyager du nord au sud, autant sur terre que dans nos fors intérieurs. Et ça fait plaisir, de voir des artistes chanter le monde qui ressemble à la génération entre la Z et les millenials, un monde qui cherche à construire à partir des différences et de leur saisie sociale. C’est peut-être ce qui fait dire au média Europavox, que “KÖY est un album qui comprend et respecte l’histoire dont il est imprégné.” 

Alors merci à eux, et merci à vous de nous avoir suivi ! 

On leur souhaite encore plein de succès sur la route de l’occidorient, qui continuera de croiser celle d’euradio. 

Bon week-end à toustes, je vous laisse avec le titre éponyme de l’album, Koy, un titre instrumental qui s’écoute comme une méditation. 

Et nous on se retrouve la semaine prochaine, sur les routes d’une ou un nouvel.le artiste sur euradio. 



Une émission proposée par Hannah Tesson