Aujourd’hui, cap vers l’Italie : Direction la ville de Modène, où est né.e et a grandi notre artiste de la semaine. Mais pas que, nous mettons aussi un pied dans la capitale anglaise : c’est dans ses rues qu’iel est venu.e faire ses études en musiques actuelles et qu’iel s’achète sa première guitare ; rues qu’iel continue d’arpenter encore aujourd’hui.
C’est l’heure, attachez vos ceintures, Ladies and Gentleman, May I introduce you to... Guilia Grispino, alias SANS SOUCIS, l’artiste italo-congolaise non binaire. Tout au long de cette série, j’utiliserais donc les pronoms iel pour parler de notre artiste en chef.fe !
Psst, sans soucis veut vraiment dire sans soucis : ce nom vient du surnom que lui donnait sa grand-mère lorsqu’iel était enfant, et apparemment, un enfant très calme.
Chapitre 1 : Y a pas de soucis
C’était le titre They Asked Me To Stay, une des premières sorties de Sans soucis datant de 2018, année où iel débute la musique. Un morceau, vous l’avez entendu, de soul, qui représente une de ses nombreuses influences : Guilia grandit entre la variété italienne des années 1970 de Lucio Battisti ou de Mina, la rumba congolaise de Koffi Olomide ou Franco Luambo, et le R’n’B de Rihanna, Beyoncé (Sans soucis est très très fan, c’est un peu sa Madone musicale et comment ne pas comprendre) ou encore Mario. Sa musique embrasse ses différentes influences, mais aussi ses différentes identités : lorsque Sans soucis arrive à Londres, ce n’est pas qu’un voyage musical, c’est aussi une épopée identitaire.
Dans cet environnement qu’iel trouve plus compréhensif, Guilia affirme son identité queer, noire et métissée qu’iel dépeint dans sa musique ; musique qui l’aide alors à se les réappriorer.
La bande sonore de Sans Soucis dans ce moment de construction de soi , c’est autant la voix de Yukimi Nagano au sein du groupe suédois Little Dragon que celle de la chanteuse anglaise de soul Solange ; femmes qui auront un grand impact sur sa musique, tout comme sa propre soeur, Maisha, à qui iel dédie un titre en 2018.
Avant de passer à la suite, je vous lis la légende Youtube de ce titre, car c’est beaucoup trop précieux : “Ce jour chaque année nous célébrons une des personnes les plus inspirantes que j’ai eu l’honneur de rencontrer : ma soeur Maisha. Son prénom signifie la vie et je veux qu’elle sache que si je suis encore debout et aussi forte, c’est grâce à elle.” Comme disait Diam’s, Big Up à toutes mes sœurs. Les premières expériences de spectacle de Sans soucis était d’ailleurs avec Maisha, organisant à deux des festivals très privés dans leur salon où les adelphes jouaient chacun.e leur tour rôle de hôte et d’invité.
Le morceau Visible prend alors toute sa place dans ce moment biographique constitutif ! Une chanson amoureuse de néo soul dont les pincements de guitare sentent bon l’été et le soleil. Pour citer l’artiste : “c’est une chanson sur la vie et l’amour, qui est inévitablement le seul remède à un monde où l’individu se perd. La beauté d’accepter notre grandeur génère une synchronicité, où tout a un sens, aimer les autres a naturellement un sens, s’aimer soi-même a sans aucun doute un sens. C'est quelque chose que nous avons toujours su et que nous avons appris d'une ancienne source de sagesse”.
Entre poésie, soins, et amour, C’est le titre Visible de Sans Soucis ; nous verrons demain que c’est un thème important dans le travail de l’artiste.
Chapitre 2 : l'amour, l'amour, l'amour
Cette semaine nous sommes entre l’Italie, l’Angleterre et le Congo : une intersection à l’internationale qui abrite notre artiste de la semaine ! En sociologie, cet espace prend le nom d’interstice, ce que le chercheur étasunien Erik Olin Wright voit comme un espace à l’intérieur de l’espace commun définit par ses propres potentiels politiques. Et notre artiste de la semaine, iel fait sa révolution en musique ! J’ai nommé le multi-instrumentiste non binaire Sans soucis.
Hier, nous avons posé le paysage sonore et identitaire de l’artiste et nous nous sommes plongés en 2018, année de ses premières sorties. Aujourd’hui, je vous propose que nous nous rendions l’année suivante, direction 2019 ! Sans Soucis vient de sortir son premier EP : The Lover.
Le titre éponyme de l’EP, The Lover, est une balade contemplative entre des cordes de guitare ressenti coton et la poésie de Sans Soucis : “je parie que vous n’avez jamais vu ça, il était une sculpture, l’artiste et la scène en même temps, il était le temps à lui tout seul”.
La musique de Sans soucis pour cet EP, c’est ce mélange là : entre jazzy et poésie, folk et désinvolte, conscient et transcendant, à propos je cite “de nos façons très unique de nous aimer”. Des balades qui se laissent infuser comme du thym, avec sûrement à peu près les mêmes vertus médicinales, un booster de système immunitaire.
Fermez les yeux, je vous propose que l’on écoute le titre de clôture de l’EP, le titre Amami, “aime-moi” en italien (oui, car cet EP ne mélange pas que les styles, mais aussi les langues), un titre aux sonorités Bossa Nova de velour solaire et aux vers balnéaires. Préparez-vous à tomber amoureux d’un rien, d’un tout, Sans Soucis nous ouvre en douceur les voies du cœur, je cite : “je connais la mer et je connais aussi le soleil, mais le dernier bain dont je me souviens, c’était toi”.
La sortie de cet EP ne passe pas inaperçue ; des murmures montent parmi ses pairs, les spots commencent à se tourner vers iel. Cependant, 2020 arrive très mal accompagné : Covid is coming, et bim ! Confinement.
Juste avant de fermer nos portes, Sans Soucis sort un trois titres nommé Unfinished, Un projet toujours aussi amoureux et poétique.
Poésie qui est la marque de fabrique de notre artiste de la semaine : le titre Make A One Of Two issu du projet Unfinished, “faire un 1 d’un 2”, réussit le tour de magie de faire d’un décor cérémonial d’habillage orchestral un cadre intimiste de déclaration d’amour que pas mêmes nos oreilles curieuses ne viendraient briser : “J’ai l’impression que le monde est complet lorsque je peux voir ton bonheur ; mon nez sur tes lèvres, c’est tout ce qui me rend heureux”.
c’est beau, c’est chaud c’est l’amour by Sans Soucis, on se laisse fondre comme un chamallow !
Chapitre 3 : En retard, mais à l'heure
Cette semaine, nous suivons les pas de l’artiste italo-congolaise et non binaire Sans Soucis, parti.e à Londres à l’âge de 20 ans dans l’espoir d’y construire une carrière à l’internationale. Mais hier, nous l’avons laissé confiné.e en 2020, comme la majorité d’entre nous. Temps de pause mondiale, mais pas pour notre poète-poétesse en chef.fe qui y voit source de création : iel sort un titre et prépare la sortie de son troisième EP On time for Her qui verra le jour en 2021.
Je vous propose qu’on les écoute aujourd’hui !
On comme par son titre italophone Confini, un titre sur le confinement. Le clip débute avec ce message : “Si vous avez perdu quelqu’un que vous aimez, fermez les yeux et prenez quelques instants pour vous reconnecter, et appuyez sur play”. Saisissons cet espace, et pensons à celleux qui nous manquent.
Si Confini est un bel hommage aux personnes perdues, c’est aussi un texte engagé : engagement qui donne l’impression d’une rupture dans la musique de Sans Soucis. Attention, mettons-nous d’accord, aborder l’amour de soi et des autres est loin d’être frivole et est à mon sens, une lutte en soi et peut-être même la plus importante ! Mais à partir du confinement, Sans Soucis semble creuser ses racines et partager dans ses textes ce en quoi iel croit, ce qu’iel défend dans cette armée de simples gens. Confini est ainsi un peu le Imagine de John Lennon : notre artiste saisit la fermeture covidée des frontières pour dénoncer le caractère excluant de leur existence-même.
Dénonciation que l’on retrouve dans son EP On Time For Her, notamment avec le titre Games, un morceau dénonçant la colonisation, ses impacts encore destructeurs aujourd’hui sur certains pays africains ; en gros les dégâts causés par la présupposée supériorité occidentale et son interventionnisme, qu’iel interroge au travers de ses propres origines congolaises. Psst, ce titre a une invité spéciale, une ancienne ministre italienne de l’intégration Cécile Kyenge, alias… Sa maman !
Ce troisième EP repointe quelques regards sur son travail : le concours MME Awards, Music Move Europe Awards -dont iel sera lauréate l’année suivante- décrit ce projet comme je cite “son travail le plus vulnérable, abordant ses traumas raciaux, ses traumas d’enfant, et sa recherche d’identité dans le monde occidental. Sans Soucis fusionne musique classique italienne, r’n’b alternative, electronica et rumba congolaise, en y ajoutant ses espoirs et sa joie”.
Car l’EP On Time For cherche à changer de perspective sur nos visions des choses, à trouver de l’espoir de l’autre côté de notre rationnel “à quoi ça sert de faire ça ? A quoi bon ?”.
La devise de Sans Soucis, c’est alors : “Soyez authentique, soyez audacieux et soyez patient”. Authentique comme aligné.e avec soi-même, audacieux.se quant à nos aspirations, et patient.e avec la vie, avec nos apprentissages. Une devise qu’iel décrit comme anticapitaliste, et je ne suis pas trop loin d’être d’accord avec iel.
Dans le titre I’m On issu de l’EP, Sans soucis parle de sa sortie d’une période de down. Car parler de santé mentale, c’est aussi un engagement, et une célébration de nos corps comme vaisseau plutôt que comme outil de travail. Ils servent aussi à faire la fête, mais ça c’est le programme du prochain épisode.
Chapitre 4 : We like to party
Cette semaine au programme, jazz et poésie, r’n’b et récits, amours et catharsis, mais aussi engagement et énergie. Cette recette n’est pas la mienne, mais bien celle de l’artiste non binaire italo-congolaise que nous suivons depuis lundi, le fameuxreuse Sans Soucis !
Après avoir écouté hier son troisième EP sorti en 2021, un EP vulnérable et engagé, aujourd’hui on se donne rendez-vous sur la piste de danse : Sans soucis sort le single All Over This Party en août 2022 et le single Merchants en janvier 2023. C’est entre ces dates que la carrière de Sans Soucis prend un vrai tournant : le titre All over this party s’affiche sur tous les panneaux d’affichage permanent que Spotify a à Times Square, sur lesquels la plateforme promeut les “stars du futur”. Chez Sans Soucis, les médias y perçoivent-même la relève de Beyoncé.
Préparez-vous, on commence cet épisode par la première version de All Over This Party, avant de vous faire écouter les autres versions, car Sans Soucis a décidé peut-être devant le succès de la première version, de reprendre ce titre de plein de façon différente, un peu comme une histoire sur 24h. Et je les aime toutes ! Alors on accroche sa ceinture, ça switch aujourd’hui.
Cette version originale du titre est là plus dream-pop r’n’b et aux premières notes, on devine la recette d’un tube ! Accompagné d’un clip coloré ambiance milieu de journée, Sans Soucis fait du dancefloor l’espace de réappropriation des corps sexisés et nous donne un petit tuto pour libérer notre glow.
Sur la version 11pm, “23h”, le titre prend des sonorités électro : la piste de danse se rapproche de celle des boîtes.
Oups, il est déjà 5h du matin ! Les boites ferment tranquillement, et après avoir dansé toute la nuit -et pratiqué toutes autres mœurs récréatives festives-, le moins qu’on puisse dire c’est qu’on marche moins vite, ou même.. Qu’on tangue un peu non ? C’est la version 5 am.
Après une petite sieste technique, vient le temps de la récupération pour les champions à base d’une après-midi cocon-canapé-tisane, et pour les plus fatigué.es, d’un petit doliprane en plus. Bougez pas, Sans Soucis a encore ce qu’il vous faut.
Et béh ! Quelle aventure à vos côtés aujourd’hui. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on ne s'ennuie pas quand on est ensemble.
Je vous propose un dernier morceau, le titre Merchants, sorti en janvier 2023, un titre sur son identité affirmée depuis quelques années, alors peut-être l’occasion de faire le point avec la nôtre ?
Chapitre 5 : Adelphité partout, haine nulle part
Aujourd’hui, nous finissons notre chapitre sur notre poéteuresse préféré.e : Cellui qui d’après sa grand-mère était un enfant sage, cellui pour qui écouter du r’n’b en tant qu’ado noir en Italie relevait du self-care, cellui qui s’est acheté.e sa première guitare à 20 ans et qui produit iel-même ses chansons depuis, cellui parti.e à Londres dans l’optique d’une carrière XXL, cellui que Beyoncé a beaucoup inspiré (surtout son album 4, la base), j’ai nommé : l’artiste non binaire italo-congolaise : Sans Soucis ! Nous clôturons cette semaine avec l’écoute de ses sorties de l’année 2023 : Sans Soucis parle de son passé, de ses traumas, de son corps et de ses engagements, c’est courageux, gracieux, parfois douloureux, mais aussi joyeux et toujours judicieux, C’est Sans Soucis.
Dans le titre I know Your Present, Sans Soucis s’adresse à sa sœur. Qui de mieux pour l’expliquer que Sans Soucis iel-même ? Je vous lis le texte qu’iel a joint à la chanson, soyez prêtes, prêts, installez-vous : “ C’est une lettre que j’ai écrite pour moi et ma sœur avec qui je partage des traumas d’enfance. Le fait d’avoir traversé certains des épisodes les plus sombres de notre vie vie alors que nous étions très jeunes a façonné notre façon de voir le monde et notre façon de voir notre relation. Nous avons toustes les 2 accepté le fait que nous avions besoin d’aide dans nos vies et cela nous rappelle le moment où nous avons trouvé le courage de demander”.
Le courage de demander, et avant ça, le courage de parler : dans son titre Lost When I’m Around You, Sans Soucis interroge depuis sa position de personne non binaire racisée l’exclusion et le confinement des corps sexisés et racisés. Interrogation qui prend comme point de départ les règles et les syndromes prémenstruels. Un appel à l’adelphité - terme non genré regroupant l’idée de sororité et de fraternité- en musique !
L’heure est grave : nous nous rapprochons de la fin de notre chapitre du jour… mais aussi de cette saga sur Sans Soucis.
Ce fut une semaine riche aux côtés de Sans Soucis. Riche en enseignements, riche en douceur, riche en fête bref ; riche en tout et pauvre en rien, sauf en soucis -hop c’est fait-: c’est un chemin comme cela que l’on souhaite à Guilia pour la suite de ses aventures !
On aurait pu se quitter logiquement sur son dernier titre en date, le single Mexico City sorti il y a quelques semaines, une fin cohérente et chronologique. Miam, quel délice de rationalité ça aurait été pour nos cortex préfontaux !
Mais non, nous céderons pas à la tentation.
Cette semaine, Sans Soucis nous a appris à choisir l’espoir par dessus la peur, les interstices plus que les cases, l’émotion avant la rationalité, autrement dit : l’alignement avec soi. Alors faisons ce pas ensemble mais commençons par le mien : je vous propose que l’on rembobine jusqu’en 2020, année où Sans Soucis sort son titre à capella Red, une méditation vocale qui nous fait grandir rien qu’à l’écoute et sans aucun doute mon morceau préféré parmi tous. Voilà, c’est cadeau, pour celles et ceux qui vont le découvrir, je vous envie pleinement, mais ça c’est pas très adelphité vibe alors je vous souhaite un bon week-end, à vous et à Sans Soucis, on se retrouve dès la semaine prochaine sur les pas d’une ou un nouvelle artiste sur Euradio. Bon week-end !
Une émission proposée par Hannah Tesson.