Artiste européen·ne de la semaine

Anadol (BERLIN) - Artiste européenne de la semaine

Anadol (BERLIN) - Artiste européenne de la semaine

Cette semaine, nous nous intéressons à Anadol, le projet musical de Gozen Atila, une artiste, photographe et instrumentiste turque basée à Berlin. Découvrons son univers synthétique et psychédélique en 5 chapitres. 

Chapitre 1 : Entre tradition et modernité

Gözen Aila a trois albums à son actif, dont Felicita, son plus récent, sorti en mars dernier. Je vous propose de découvrir son univers au son de ses paroles murmurées, dans Felicita Lale, le 1er morceau de l’album.

Les albums de Gözen Atila aka Anadol, creusent de nouveaux horizons sonores ancrés dans la tradition musicale turque, en combinant des genres comme la pop turque et l’arabesque, à la modernité de son synthé électro. On l’entend bien dans l’album Felicita, pour lequel Gözen Atila  s’est associée à une longue liste de musiciens de jazz, dont elle a enregistré les saxophones, les batteries et les cordes, et y a ajouté ses productions au synthé. 

Avec un nom de projet comme Anadol, une ancienne marque de voiture turque, on ne s’étonne pas d’entendre l’influence sonore des années 60 et 70 dans ses morceaux. Son équipement est ancien lui aussi : de vieilles boîtes à rythmes, un synthé simpliste d’il y a une quarantaine d’années, font le bonheur de Gözen Atila, et de nos oreilles. 

Après le murmuré-chanté d’Anadol dans Felicita Lale, on enchaîne avec son titre instrumental Ablamin Gozleri, issu lui aussi de l’album Felicita.

Chapitre 2 : De nouveaux horizons

Notre découverte de l’univers d’Anadol, projet musical de l’artiste turque Gözen Atila continue. Hier, nous l’avons introduit avec deux morceaux de son nouvel album, Felicita, et aujourd’hui retour sur son deuxième album, Uzun Havalar, sorti en 2019 sur le label Kinship. Découvrez le morceau Casio Havasi.

Le projet musical Anadol représente la libération de Gözen Atila d'une approche plutôt académique de la composition électronique qu'elle a poursuivie pendant ses études de technologie musicale à Istanbul. Elle appelle son éducation les « ténèbres de la musique sérieuse » où elle a d'abord tenté d'appartenir, mais a fini par s’en libérer à l'aide de la synth pop lo-fi et de son projet Anadol. 

Uzun Havalar, le deuxième album d’Anadol, est basé sur des improvisations collectives et électroniques inspirées de chansons folkloriques du Moyen-Orient appelées "uzun hava", en français “air long”. Voici un extrait d’un uzun hava traditionnel :

Dans Uzun Havalar d’Anadol, ces airs longs se révèlent comme des ballades de synthé riches et atmosphériques, sur lesquels Gözen Atila a conviée une longue liste de musiciens improvisateurs, qu’elle a enregistrés lors de longues sessions studio à Istanbul : On peut ainsi entendre des batteurs rire et jouer de la guitare, des compositeurs hurler, des annonces en français et des cris, et des échos de trompettes, comme on peut l’entendre dans le titre Adieu :

Chapitre 3 : Les fondations de l’électro

Après avoir découvert ses deux derniers albums dans les chapitres précédents, découvrons ses débuts musicaux et ses sources d’inspiration, à l’écoute de son tout premier album Hatiralar, “souvenirs” en français, sorti en 2017. On écoute justement le morceau du même nom, Hatiralar

De l’électro synthétique quelque peu anxiogène, dans une atmosphère hors du temps aussi rétro que futuriste… Bienvenue dans l’univers d’Anadol. Son premier album, Hatiralar, semble tout droit sorti des années 70 ou 80. Gözen Atila repousse les limites de son équipement minimaliste (son seul outil : son synthé), et utilise des sons d’orgues synthétiques prêts à l’emploi. 

Elle marche ainsi sur les pas de ses deux inspirations principales, deux pionniers des expérimentations électroniques au synthé : Bruce Haack et The Space Lady. Voici un exemple du travail de Bruce Haack, son morceau Blow Job, sorti en 1978 : 

Chapitre 4 : Une influence sans frontières 

De Bruce Haack à Space Lady, de la Turquie à la Grèce, des années 70 à 80… les influences d’Anadol sont nombreuses. Gözen Atila, la tête pensante de ce projet musical d’électro psychédélique puise son inspiration dans bien des sonorités. Mais ses mélodies uniques inspirent aussi d’autres artistes : notamment, Derya Yildirim et Grup Simsek, que nous avons rencontré au pôle étudiant de l’Université de Nantes, il y a quelques semaines.  Derya, la chanteuse du groupe, nous a vivement recommandé le travail d’Anadol, et quand on écoute leur morceau The Trip, on comprend qu’Anadol a pu les influencer… 

D’origine turque, Derya Yildirim est une chanteuse et joueuse de Baglama basée à Hambourg, qui forme un groupe de rock psychédélique aux côtés de Grup Simsek : cela donne de nombreux morceaux de pop rock anatolienne, dont le single The Trip, instrumental mais pas moins entraînant… sorti en 2021. 

Derya Yildirim et Grup Simsek définissent leur style comme de l’Anadolou pop, on ne peut donc s’empêcher de faire le lien avec le projet musical de Gözen Atila, Anadol, chez qui l’on entend des sonorités similaires, bien que plus minimaliste, dans le morceau Tahta Sucuk, issu de son 1er album sorti en 2019. 

Chapitre 5 : Bonheur paradoxal et kaléidoscope 

Notre semaine aux côtés de Gözen Atila, l’artiste et instrumentiste berlinoise d’origine turque derrière le projet musical Anadol, touche à sa fin. Pour conclure cette semaine consacrée à son univers électro psychédélique, retour sur son dernier album, Felicita, sorti en mars dernier. On en écoute le 1er morceau, Gizli Duygular, “émotions cachées” en français.  

Anadol n’est pas une musicienne, mais plutôt une artiste sonore : dans son dernier projet,  Felicita, “bonheur” en français, elle repousse les limites des genres musicaux pour explorer la nature paradoxale du bonheur. Elle connecte ainsi  pop turque, arabesque, sonorités balkaniques, à la musique folk, rock et même au jazz, évitant les conventions et la prévisibilité pour aboutir à un disque semblable à un kaléidoscope.  

Dans ce Gizli Duygular, le 1er morceau de l’album, de 9 min 40, Anadol nous emmène dans une atmosphère immersive orientale et futuriste… Nous y sommes assaillis d’une constellation de sons étranges : Une ligne de base couplée à un synthé étrange, une voix déformée en allemand, une guitare devenant de plus en plus aigüe et distordue, les batteries se déclenchent… 

Pour écouter l'ensemble des chapitres de la semaine :

Rendez-vous la semaine prochaine pour vous présenter un·e nouvel·le artiste européen·ne émergent·e… 

Une émission proposée par Suzanne Gerles